Bulletin of Sri Aurobindo International
Centre of Education
Bulletin du Centre International d' Éducation Sri Aurobindo
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Contents : |
Table des Matières: |
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The Ladder of Self-Transcendence — Sri Aurobindo |
L'Échelle de la Transcendance de soi — Sri Aurobindo |
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Questions And Answers on Thoughts And Aphorisms (Translation) —The Mother |
Commentaires sur les Aphorismes de Sri Aurobindo (Original) — La Mère |
The Synthesis of Yoga
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"All Life is Yoga"
Part II
THE YOGA OF INTEGRAL KNOWLEDGE
CHAPTER XX
THE LADDER OF SELF-TRANSCENDENCE
THE transcendence of this lower triple being and this lower triple world, to which ordinarily our consciousness and its powers and results are limited,—a transcendence described by the Vedic seers as an exceeding or breaking beyond the two firmaments of heaven and earth,— opens out a hierarchy of infinitudes to which the normal existence of man even in its highest and widest flights is still a stranger. Into that altitude, even to the lowest step of its hierarchy, it is difficult for him to rise. A separation, acute in practice though unreal in essence, divides the total being of man, the microcosm, as it divides also the world-being, the macrocosm. Both have a higher and a lower hemisphere, the parārdha and aparārdha of the ancient wisdom. The higher hemisphere is the perfect and eternal reign of the Spirit; for there it manifests without cessation or diminution its infinities, deploys the unconcealed glories of its illimitable existence, its illimitable consciousness and knowledge, its illimitable force and power, its illimitable beatitude. The lower hemisphere belongs equally to the Spirit, but here it is veiled, closely, thickly, by its inferior self-expression of limiting mind, confined life and dividing body. The Self in the lower hemisphere is shrouded in name and form, its consciousness is broken up by the division between the internal and external, the individual and universal, its vision and sense are turned outward; its force, limited by division of its consciousness, works in fetters; its knowledge, will, power, delight, divided by this division, limited by this limitation, are open to the experience of their contrary or perverse forms, to ignorance, weakness |
"Toute vie est Yoga"
Livre Il
LE YOGA DE LA CONNAISSANCE INTÉGRALE
CHAPITRE XXI
L'ÉCHELLE DE LA TRANSCENDANCE DE SOI
LA transcendance de cet être inférieur triple et de ce triple monde —J inférieur qui généralement limitent notre conscience, ses pouvoirs et son action — transcendance que les voyants védiques décrivaient comme un exhaussement ou comme une percée au-delà des deux "firmaments" du ciel et de la terre — ouvre une hiérarchie d'infinitudes auxquelles l'existence normale de l'homme est encore étrangère, même dans ses envolées les plus hautes et les plus vastes. Il est difficile pour l'homme de s'élever à cette altitude, fût-ce de toucher l'échelon le plus bas de cette hiérarchie. Une séparation—aiguë en pratique, bien qu'irréelle en essence — divise l'être total de l'homme, le microcosme, comme elle divise l'être du monde, le macrocosme. L'un et l'autre sont partagés entre un hémisphère supérieur et un hémisphère inférieur, parārdha et aparārdha de la sagesse ancienne. L'hémisphère supérieur est le règne parfait et éternel de l'Esprit : là, il manifeste sans cesse et sans diminution ses infinitudes, et déploie sans voile les gloires de son existence illimitée, de sa conscience et de sa connaissance illimitées, de sa force, de sa puissance illimitées, 'de sa béatitude illimitée. L'hémisphère inférieur appartient aussi à l'Esprit, mais ici Il est étroitement et épaissement voilé par son expression inférieure dans un mental limité, une vie bornée, un corps séparateur. Dans l'hémisphère inférieur, le Moi est enseveli sous le nom et la forme, sa conscience est fragmentée par une division entre l'intérieur et l'extérieur, l'individuel et l'universel; sa vision et ses sens sont tournés au-dehors; sa force, elle-même limitée par la division de sa conscience, travaille |
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and suffering. We can indeed become aware of the true Self or Spirit in ourselves by turning our sense and vision inward; we can discover too the same Self or Spirit in the external world and its phenomena by plunging them there also inward through the veil of names and forms to that which dwells in these or else stands behind them. Our normal consciousness through this inward look may become by reflection aware of the infinite being, consciousness and delight of the Self and share in its passive or static infinity of these things. But we can only to a very limited extent share in its active or dynamic manifestation of knowledge, power and joy. Even this static identity by reflection cannot, ordinarily, be effected without a long and difficult effort and as the result of many lives of progressive self-development, for very firmly is our normal consciousness bound to the law of its lower hemisphere of being. To understand the possibility of transcending it at all, we must restate in a practical formula the relations of the worlds which constitute the two hemispheres. All is determined by the Spirit, for all from subtlest existence to grossest matter is manifestation of the Spirit. But the Spirit, Self or Being determines the world it lives in and the experiences of its consciousness, force and delight in that world by some poise—among many possible— of the relations of Purusha and Prakriti, Soul and Nature,—some basic poise in one or other of its own cosmic principles. Poised in the principle of Matter, it becomes the physical self of a physical universe in the reign of a physical Nature, Spirit is then absorbed in its experience of Matter; it is dominated by the ignorance and inertia of the tamasic Power proper to physical existence. In the individual it becomes a materialised soul, annamaya purusa, whose life and mind have developed out of the ignorance and inertia of the material principle and are subject to their fundamental limitations. For life in Matter works in dependence on the body; mind in Matter works in dependence on the body and on the vital or nervous being; spirit itself in Matter is limited and divided in its self-relation and its powers by the limitations and divisions of this matter-governed and life driven mind. This materialised soul lives bound to the physical body and its narrow superficial external consciousness, and it takes normally the experiences of its physical organs, its senses, its matter-bound life and mind, with at most some limited spiritual glimpses, as the whole truth of existence. |
enchaînée; sa connaissance, sa volonté, sa puissance, sa félicité,
divisées par cette division, limitées par cette limitation, sont sujettes à
l'expérience de leurs formes opposées et perverties — à l'ignorance, à la
faiblesse et la souffrance. Certes, nous pouvons devenir conscients du
vrai Moi ou Esprit en nous, si nous tournons nos sens et notre vision au-dedans; nous pouvons aussi découvrir ce même Moi ou Esprit dans le
monde extérieur et dans ses phénomènes si, là aussi, nous plongeons au-dedans sous le voile des noms et des formes, jusqu'à Cela qui demeure en
eux ou se tient derrière eux. Avec ce regard intérieur notre conscience
normale peut, par une sorte de réflexion, percevoir l'être infini, la conscience
et la félicité infinies du Moi et partager son infinitude passive ou statique
au cœur des choses, mais la manifestation active ou dynamique de sa
connaissance, de son pouvoir et de sa joie, nous ne pouvons y participer
que dans une mesure très restreinte. Et même cette identité statique, par
réflexion, n'est d'ordinaire accessible qu'après de longs et difficiles efforts
et au bout de nombreuses vies de développement progressif; car notre
conscience normale est très solidement liée à la loi de l'hémisphère inférieur de son être. Si nous voulons donc vraiment découvrir le moyen de
transcender la loi d'en bas, il nous faut de nouveau formuler d'une façon
pratique les relations des mondes qui constituent les deux hémisphères.
Tout est déterminé par l'Esprit, car tout, de l'existence la plus subtile
à la matière la plus grossière, est la manifestation de l'Esprit. Mais l'Esprit,
le Moi ou l'Être détermine le monde où il vit et les expériences de sa conscience, de sa force et de sa félicité en ce monde particulier, par un certain
équilibre (parmi beaucoup d'autres) qui règle les relations de Pourousha
et de Prakriti — l'Âme et la Nature —, un équilibre de base propre à
chacun de ses principes cosmiques. Quand son équilibre repose sur le
principe de la Matière, il devient le moi physique d'un univers physique
sous le règne d'une Nature physique; l'Esprit est alors absorbé dans son
expérience de la Matière; il est déterminé par l'ignorance et l'inertie du
pouvoir tâmasique propre à l'existence physique. Dans l'individu, il
devient une âme matérialisée, annamaya purusa, dont la vie et le mental
ont été façonnés par l'ignorance et l'inertie du principe matériel, et restent
soumis à leurs limitations fondamentales. Car la vie dans la Matière, est
dans la dépendance du corps et du vital ou être nerveux; l'Esprit lui-même,
dans la Matière, est limité et divisé dans ses pouvoirs et dans ses relations |
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Man is a spirit, but a spirit that lives as a mental being in physical Nature, he is to his own self-consciousness a mind in a physical body. But at first is this mental being materialised and he takes the materialised soul, annamaya purusa, for his real self. He is obliged to accept, as the Upanishad expresses it. Matter for the Brahman because his vision here sees Matter as that from which all is born, by which all lives and to which all return in their passing. His natural highest concept of Spirit is an Infinite, preferably an inconscient Infinite, inhabiting or pervading the material universe (which alone it really knows), and manifesting by the power of its presence all these forms around him. His natural highest conception of himself is a vaguely conceived soul or spirit, a soul manifested only by the physical life's experiences, bound up by with physical phenomena and forced on its dissolution to return by an automatic necessity to the vast indeterminateness of the Infinite. But because he has the power of self-development, he can rise beyond these natural conceptions of the materialised soul, he can supplement them with a certain derivative experience drawn from supra-physical planes and worlds. He can concentrate in mind and develop the mental part of his being, usually at the expense of the fullness of his vital and physical life and in the end the mind predominates and can open to the Beyond. He can concentrate this self-liberating mind on the Spirit. Here too usually in the process he turns away more and more from his full mental and physical life; he limits or he discourages their possibilities as much as his material foundation in nature will allow him. In the end his spiritual life predominates, destroys his earthward tendency and breaks its ties and limitations. Spiritualised, he places his real existence beyond in other worlds, in the heavens of the vital or mental plane, he begins to regard life on earth as a painful or troublesome incident or passage in which he can never arrive at any full enjoyment of his inner ideal self, his spiritual essence. Moreover, his highest conception of the Self or Spirit is apt to be more or less quietistic; for, as we have seen, it is its static infinity alone that he can entirely experience, the still freedom of Purusha unlimited by Prakriti, the Soul standing back from Nature. There may come indeed some divine dynamic manifestation in him, but it cannot rise entirely above the heavy limitations of physical Nature. The peace of the silent and passive Self is more easily attainable and he can more easily and fully hold it; too difficult for him is the bliss of an infinite activity, the |
avec lui-même par les limitations et les divisions de ce mental gouverné par
la Matière et poussé par la vie. Cette âme matérialisée vit enchaînée
au corps physique et à l'étroite surface de sa conscience extérieure; elle pense très normalement que les expériences de ses organes physiques, de
ses sens, de sa vie et de son mental liés à la Matière, avec tout au plus quelques aperçus spirituels limités, constituent la vérité totale de l'existence.
L'homme est esprit, mais un esprit qui vit comme un être mental
dans la Nature physique, pour sa propre conscience, il est un être mental
dans un corps physique. Mais au début, cet être mental est matérialisé; |
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dynamis of an immeasurable Power. But the spirit can be poised in the principle of Life, not in Matter. The Spirit so founded becomes the vital self of a vital world, the Life-soul of a Life-energy in the reign of a consciously dynamic Nature. Absorbed in the experiences of the power and play of a conscious Life, it is dominated by the desire, activity and passion of the rajasic principle proper to vital existence. In the individual this spirit becomes a vital soul, prānamaya purusa, in whose nature the life-energies tyrannise over the mental and physical principles. The physical element in a vital world readily shapes its activities and formations in response to desire and its imaginations, it serves and obeys the passion and power of life and their formations and does not thwart or limit them as it does here on earth where life is a precarious incident in inanimate Matter. The mental element too is moulded and limited by the life-power, obeys it and helps only to enrich and fulfil the urge of its desires and the energy of its impulses. This vital soul lives in a vital body composed of a substance much subtler than physical matter, it is a substance surcharged with conscious energy, capable of much more powerful perceptions, capacities, sense-activities than any that the gross atomic elements of earth-matter can offer. Man, too, has in himself behind his physical being, subliminal to it, unseen and unknown but very close to it and forming with it the most naturally active part of his existence, this vital soul, this vital nature and this vital body, a whole vital plane connected with the life-world or desire-world is hidden in us, a secret consciousness in which life and desire find their untrammelled play and their easy self-expression and from there throw their influences and formations on our outer life. In proportion as the power of this vital plane manifests itself in him and takes hold of his physical being, this son of earth becomes a vehicle of the life energy, forceful in his desires, vehement in his passions and emotions, intensely dynamic in his action, more and more the rajasic man. It is possible now for him to awaken in his consciousness to the vital plane and to become the vital soul, prānamaya purusa, put on the vital nature and live in the secret vital as well as the visible physical body. If he achieves this change with some fullness or one-pointedness—usually it is under great and salutary limitations, or attended by saving complexities —and without rising beyond these things, without climbing to a supra-vital |
son moi idéal intérieur et de son essence spirituelle. En outre, sa plus haute
conception du Moi ou Esprit tend à être plus ou moins quiétiste, car, nous
l'avons vu, seule l'infinitude statique du Moi est accessible à son expérience complète, seule la liberté immobile du Pourousha non limité par
Prakriti, de l'Âme qui se retire de la Nature. Certes, des manifestations
divines d'ordre dynamique peuvent se produire en lui, mais elles n'ont pas
le pouvoir de surmonter complètement les lourdes limitations de la Nature
physique. La paix du Moi silencieux et passif est plus aisément accessible
et il peut la garder plus facilement et plus pleinement, trop difficile
pour lui la béatitude d'une activité infime, le dynamisme d'un Pouvoir
immensurable.
Mais au lieu de faire reposer son équilibre sur la Matière, l'Esprit
peut se fonder sur le principe de Vie. Ainsi fondé, l'Esprit devient le moi
vital du monde vital, l'Âme de Vie de l'énergie de vie dans le règne d'une
Nature consciemment dynamique. Absorbé par les expériences du
pouvoir et du jeu de la Vie consciente, il est dominé par le désir, les activités
et les passions du principe râjasique propre à l'existence vitale. Dans l'individu, cet Esprit devient l'âme vitale, prānamaya purusa, dont les énergies
vitales naturellement tyrannisent les deux autres principes, mental et
physique. Dans le monde vital, l'élément physique a tôt fait de modeler
ses activités et ses formations sur le désir vital et ses imaginations, il sert
les passions et la puissance de vie, aide leurs formations, leur obéit sans
les contrecarrer ou les limiter comme il le fait ici-bas sur la terre où la vie
est un incident précaire au milieu de la Matière inanimée. L'élément
mental aussi se laisse modeler et limiter par la puissance de vie, il lui obéit
et sert seulement à enjoliver et à satisfaire la poussée des désirs et l'énergie
des impulsions vitales. Cette âme vitale vit dans un corps vital composé
d'une substance beaucoup plus subtile que la matière physique; c'est une
substance surchargée d'énergie consciente, douée de perceptions, de
capacités et d'activités sensorielles beaucoup plus puissantes qu'aucun des
éléments atomiques grossiers de la matière terrestre ne peut en offrir.
L'homme aussi possède subliminalement, derrière son être physique, cette
âme vitale, cette nature vitale et ce corps vital, invisibles et inconnus, mais
très proches de son corps physique et formant avec lui la partie la plus
naturellement active de son existence, tout un plan vital est caché en nous
et en relation avec le monde de la vie, ou monde du désir, toute une conscience
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height from which they can be used, purified, uplifted, he becomes the lower type of Asura or Titan, a Rakshasa in nature, a soul of sheer power and life-energy, magnified or racked by a force of unlimited desire and passion, hunted and driven by an active capacity and colossal rajasic ego, but in possession of far greater and more various powers than those of the physical man in the ordinary more inert earth-nature. Even if he develops mind greatly on the vital plane and uses its dynamic energy for self-control as well as for self-satisfaction, it will still be with an Asuric energism (tapasyā) although of a higher type and directed to a more governed satisfaction of the rajasic ego. But for the vital plane also it is possible, even as on the physical, to rise to a certain spiritual greatness in its own kind. It is open to the vital man to lift himself beyond the conceptions and energies natural to the desire-soul and the desire-plane. He can develop a higher mentality and, within the conditions of the vital being, concentrate upon some realisation of the Spirit or Self behind or beyond its forms and powers. In this spiritual realisation there would be a less strong necessity of quietism; for there would be a greater possibility of an active effectuation of the bliss and power of the Eternal, mightier and more self-satisfied powers, a richer flowering of the dynamic Infinite. Nevertheless that effectuality could never come anywhere near to a true and integral perfection; for the conditions of the desire-world are like those of the physical improper to the development of the complete spiritual life. The vital being too must develop spirit to the detriment of his fullness, activity and force of life in the lower hemisphere of our existence and turn in the end away from the vital formula, away from life either to the Silence or to an ineffable Power beyond him. If he does not withdraw from life, he must remain enchained by life, limited in his self-fulfilment by the downward pull of the desire-world in its own right alone, and its dominant rajasic principle. On the vital plane also, a perfect perfection is impossible; the soul that attains only so far would have to return to the physical life for a greater experience, a higher self-development, a more direct ascent to the Spirit. Above matter and life stands the principle of mind, nearer to the secret Origin of things. The Spirit poised in mind becomes the mental self of a mental world and dwells there in the reign of its own pure and luminous mental Nature. There it acts in the intense freedom of the cosmic |
secrète où la vie et le désir ont libre carrière et peuvent s'exprimer
sans entraves; et de là, ils projettent leurs influences et leurs formations
sur notre vie extérieure.
A mesure que le pouvoir de ce plan vital se manifeste dans l'homme et
se saisit de son être physique, le fils de la terre devient un véhicule de
l'énergie de vie, puissant dans ses désirs, véhément dans ses passions et
ses émotions, intensément dynamique dans son action — il est de plus
en plus l'homme râjasique. Dès lors, il lui est possible de s'éveiller au
plan vital dans sa conscience et de devenir l'âme vitale, prānamaya purusa,
de revêtir la nature vitale et de vivre dans le corps vital secret autant que
dans le corps physique visible. S'il parvient assez totalement à ce changement de nature et avec assez d'intensité (d'habitude, ce n'est possible que
dans certaines limites salutaires et avec des difficultés vraiment providentielles) et qu'il ne dépasse pas ces capacités, qu'il ne s'élève pas à une
hauteur supra-vitale d'où elles peuvent être utilisées, purifiées, sublimées,
il devient un bas type d'Asoura ou de Titan, un Râkshasa de nature, une
âme de pouvoir et d'énergie vitale, exalté ou tenaillé par une force de désir
et de passion sans limite, poursuivi et poussé par les capacités d'action d'un
ego râjasique colossal, mais en possession de pouvoirs beaucoup plus grands
et plus divers que ceux de l'homme physique dans son ordinaire nature
terrestre relativement inerte. Même s'il développe fortement son mental
sur le plan vital et qu'il se serve de cette énergie dynamique pour se maîtriser autant que pour s'assouvir, il le fera encore avec une énergie
(tapasyā)
âsourique, bien que d'un type supérieur, et pour satisfaire avec plus d'empire son ego râjasique.
Mais sur le plan vital aussi, comme sur le plan physique, il est possible
de s'élever à un certain genre de grandeur spirituelle. L'homme vital
peut très bien se hausser au-delà des conceptions et des énergies inhérentes à l'âme de désir et au plan du désir. Il peut développer une mentalité plus haute et, dans les conditions propres à l'être vital, se concentrer
sur une certaine réalisation de l'Esprit ou du Moi, derrière ou par-delà
ses formes et ses puissances. Avec cette réalisation spirituelle, le quiétisme
serait moins impérieusement nécessaire: on pourrait davantage réaliser
d'une façon active la béatitude et le pouvoir de l'Éternel, et parvenir
à des pouvoirs plus puissants et plus satisfaisants, et à une plus riche
efflorescence de l'Infini dynamique. Cependant, cette réalisation n'approche
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Intelligence supported by the combined workings of a psycho-mental and a higher emotional mind-force, subtilised and enlightened by the clarity and happiness of the sattwic principle proper to the mental existence. In the individual the spirit so poised becomes a mental soul, manomaya purusa, in whose nature the clarity and luminous power of the mind acts in its own right independent of any limitation or oppression by the vital or corporeal instruments; it rather rules and determines entirely the forms of its body and the powers of its life. For mind in its own plane is not limited by life and obstructed by matter as it is here in the earth-process. This mental soul lives in a mental or subtle body which enjoys capacities of knowledge, perception, sympathy and interpenetration with other beings hardly imaginable by us and a free, delicate and extensive mentalised sense-faculty not limited by the grosser conditions of the life nature or the physical nature. Man too has in himself, subliminal, unknown and unseen concealed behind his waking consciousness and visible organism this mental soul, mental nature, mental body and a mental plane, not materialised, in which the principle of Mind is at home and not as here at strife with a world which is alien to it, obstructive to its freedom and corruptive of its purity and clearness. All the higher faculties of man, his intellectual and psycho-mental being and powers, his higher emotional life awaken and increase in proportion as this mental plane in him presses upon him. For the more it manifests, the more it influences the physical parts, the more it enriches and elevates the corresponding mental plane of the embodied nature. At a certain pitch of its increasing sovereignty it can make man truly man and not merely a reasoning animal; for it gives then its characteristic force to the mental being within us which our humanity is in the inwardly governing but still too hampered essence of its psychological structure. It is possible for man to awaken to this higher mental consciousness, to become this mental being1, put on this mental nature and live not only
1 I include here in mind, not only the highest range of mind ordinarily known to man, but yet higher ranges to which he has either no current faculty of admission or else only a partial and mixed reception of some faint portion of their powers,—the illumined mind, the intuition and finally the creative Overmind or Maya which stands far above and is the source of our present existence. If mind is to be understood only as Reason or human intelligence, then the free mental being and its state would be something much more limited and very inferior to the description given here. |
en rien d'une perfection véritable et intégrale; car les conditions du
monde du désir, comme celles du monde physique, sont impropres au
développement d'une vie spirituelle complète. L'être vital, lui aussi, doit
développer l'esprit au détriment de sa propre plénitude et de ses activités
ou de sa force de vie dans l'hémisphère inférieur de notre existence, et
finalement il doit se détourner de la formule vitale, se détourner de la vie
vers le Silence, ou vers quelque Pouvoir ineffable par-delà. Et s'il ne se
retire pas de la vie, il reste nécessairement enchaîné par elle; son accomplissement reste soumis à la gravitation descendante du monde du désir
et limité par la domination du principe râjasique. Sur le plan vital
également, une parfaite perfection est impossible; l'âme qui ne parviendrait
que jusque-là, devrait revenir à la vie physique pour y acquérir une expérience plus grande, se développer plus haut, s'élever plus directement
vers l'Esprit.
Au-dessus de la matière et de la vie, nous trouvons le principe mental,
plus proche de l'Origine secrète des choses. Quand il fonde son équilibre
sur le mental, l'Esprit devient le moi mental d'un monde mental et demeure là dans le règne de sa propre Nature mentale, pure et lumineuse.
Là, il peut agir avec l'intense liberté d'une Intelligence cosmique soutenue
par les opérations combinées de la force psycho-mentale et de la force mentale des émotions supérieures, lesquelles sont sublimées et illuminées par la
clarté et la joie du principe sâttvique inhérent à l'existence mentale. Ainsi
fondé, l'Esprit devient l'âme mentale dans l'individu, manomaya purusa,
et cette âme est d'une nature telle que la clarté et la puissance lumineuse
du mental peuvent y agir souverainement, indépendamment de toutes les
limitations et les tyrannies des instruments vitaux ou corporels : c'est le
mental, au contraire, qui gouverne et détermine entièrement les formes de
son corps et les pouvoirs de sa vie. Car sur son propre plan, le mental
n'est pas limité par la vie ni entravé par la matière, comme il l'est ici-bas
dans les processus terrestres. Cette âme mentale vit dans un corps mental,
ou corps subtil, qui possède des facultés que nous pouvons à peine imaginer — facultés de connaissance, de perception, de sympathie et d'interpénétration avec les autres êtres — et des sens mentalisés très étendus,
fins, libres, qui ne sont pas limités par les conditions grossières de la nature
vitale ou de la nature physique.
L'homme aussi possède subliminalement, inconnus et invisibles, |
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in the vital and physical sheaths, but in this mental body. If there were a sufficient completeness in this transformation he would become capable of a life and a being at least half divine. For he would enjoy powers and a vision and perceptions beyond the scope of this ordinary life and body; he would govern all by the clarities of pure knowledge; he would be united to other beings by a sympathy of love and happiness; his emotions would be lifted to the perfection of the psycho-mental plane, his sensations rescued from grossness, his intellect subtle, pure and flexible, delivered from the deviations of the impure pranic energy and the obstructions of matter. And he would develop too the reflection of a wisdom and bliss higher than any mental joy and knowledge; for he could receive more fully and without our incompetent mind's deforming and falsifying mixture the inspirations and intuitions that are the arrows of the supramental Light and form his perfected mental existence in the mould and power of that vaster splendour. He could then realise too the self or Spirit in a much larger and more luminous and more intimate intensity than is now possible and with a greater play of its active power and bliss in the satisfied harmony of his existence. And to our ordinary notions this may well seem to be a consummate perfection, something to which man might aspire in his highest flights of idealism. No doubt, it would be a sufficient perfection for the pure mental being in its own character, but it would still fall far below the greater possibilities of the spiritual nature. For here too our spiritual realisation would be subject to the limitations of the mind which is in the nature of a reflected, diluted and diffused or narrowly intensive light, not the vast and comprehensive self-existent luminosity and joy of the spirit. That vaster light, that profounder bliss are beyond the mental reaches. Mind indeed can never be a perfect instrument of the Spirit; a supreme self-expression is not possible in its movements because to separate, divide, limit is its very character. Even if mind could be free from all positive falsehood and error, even if it could be all intuitive and infallibly intuitive, it could still present and organise only half-truths or separate truths and these too not in their own body but in luminous representative figures put together to make an accumulated total or a massed structure. Therefore the self-perfecting mental being here must either depart into pure spirit by the shedding of its lower existence or return upon the physical life to develop in it a capacity |
cachés derrière sa conscience de veille et son organisme visible, cette âme
mentale, cette nature mentale, ce corps mental et un plan mental non
matérialisés où le principe mental est chez lui et non, comme ici, en conflit
avec un monde étranger qui obstrue sa liberté et corrompt sa pureté et sa
clarté. Toutes les facultés supérieures de l'homme, son être intellectuel
et ses pouvoirs psycho-mentaux, sa vie émotive supérieure s'éveillent et
grandissent à mesure que ce plan mental en lui s'affirme. Car plus il se
manifeste et influence les parties physiques, plus il enrichit et élève le
plan mental correspondant dans notre nature incarnée. Quand il parvient
à un certain degré de souveraineté, il peut faire de l'homme un homme
véritable au lieu d'un animal qui raisonne, il peut communiquer sa force
caractéristique à l'être mental que nous sommes dans l'essence de notre
structure psychologique, et qui gouverne de l'intérieur, mais qui reste
encore trop entravé.
L'homme peut s'éveiller à cette conscience mentale plus haute, il peut
devenir cet être mental
1 J'inclus ici, dans le mental, non seulement les zones supérieures du mental, connues de l'homme, mais des régions plus hautes encore auxquelles il n'a pas couramment accès ou dont il ne reçoit qu'une faible partie des pouvoirs, et ce, d'une façon partielle et mélangée —le mental illuminé, l'intuition et finalement le Surmental créateur, ou Maya, situé très au-dessus, qui est la source de notre existence présente. Si, par mental, on entend seulement la Raison ou l'intelligence humaine, alors l'être mental libre et sa condition seraient quelque chose de beaucoup plus limité et de très inférieur à la description donnée ici. |
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not yet found in our mental and psychic nature. This is what the Upanishad expresses when it says that the heavens attained by the mind Purusha are those to which man is lifted by the rays of the sun, the diffused, separated, though intense beams of the supramental truth-consciousness, and from these it has to return to the earthly existence. But the illuminates who renouncing earth-life go beyond through the gateways of the sun, do not return hither. The mental being exceeding his sphere does not return because by that transition he enters a high range of existence peculiar to the superior hemisphere. He cannot bring down its greater spiritual nature into this lower triplicity; for here the mental being is the highest expression of the Self. Here the triple mental, vital and physical body provides almost the whole range of our capacity and cannot suffice for that greater consciousness, the vessel has not been built to contain a greater godhead or to house the splendours of this supramental force and knowledge. This limitation is true only so long as man remains closed within the boundaries of the mental Maya. If he rises into the knowledge-self beyond the highest mental stature, if he becomes the knowledge-soul, the Spirit poised in gnosis, vijñānamaya purusa, and puts on the nature of its infinite truth and power, if he lives in the knowledge-sheath, the causal body as well as in these subtle mental interlinking vital and grosser physical sheaths or bodies, then, but then only he would be able to draw down entirely into his terrestrial existence the fullness of the infinite spiritual consciousness; only then will he avail to raise his total being and even his whole manifested, embodied expressive nature into the spiritual kingdom. But this is difficult in the extreme, for the causal body opens itself readily to the consciousness and capacities of the spiritual planes and belongs in its nature to the higher hemisphere of existence, but it is either not developed at all in man or only as yet crudely developed and organised and veiled behind many intervening portals of the subliminal in us. It draws its stuff from the plane of the truth-knowledge and the plane of the infinite bliss and these pertain altogether to a still inaccessible higher hemisphere. Shedding upon this lower existence their truth and light and joy they are the source of all that we call spirituality and all that we call perfection. But this infiltration comes from behind thick coverings through which they arrive so tempered and weakened that they are entirely obscured in the |
supramentale, et façonner une existence mentale plus parfaite par le
pouvoir de cette vaste splendeur. Il pourrait alors réaliser le Moi ou
Esprit avec une intensité beaucoup plus large et plus lumineuse, et d'une
façon plus intime qu'il n'est maintenant possible, et faire intervenir davantage la puissance et la béatitude actives de l'Esprit dans une existence
harmonieusement satisfaite.
Pour nos conceptions ordinaires cette réalisation peut certes apparaître comme une perfection suprême, un sommet auquel l'homme pourrait aspirer dans les plus hautes envolées de son idéalisme. Et sans doute
serait-ce une perfection suffisante pour l'être mental pur dans son propre
genre, mais ce serait encore très en dessous des hautes possibilités de la
nature spirituelle. Car ici aussi notre réalisation spirituelle serait soumise
. aux limitations du mental, qui naturellement possède une lumière réfléchie, diluée et diffuse, ou étroitement intense, mais non la luminosité
et la joie de l'esprit avec son indépendance et son ampleur intégrale. Cette
lumière plus vaste, cette béatitude plus profonde ne sont pas à la portée
du mental. En vérité, le mental ne pourra jamais être un parfait instrument de l'Esprit; son fonctionnement ne permet pas une suprême expression de soi, parce que son caractère même est de séparer, de diviser et
de limiter. Même si le mental pouvait être positivement exempt de toute
erreur et de tout mensonge, même s'il pouvait être entièrement et infailliblement intuitif, il ne saurait toutefois offrir et organiser que des
demi-vérités ou des vérités séparées, et encore ne le seraient-elles pas dans leur
intégrité propre, mais sous des formes imagées et des représentations plus
ou moins lumineuses additionnées ensemble pour faire un agglomérat
total ou une structure massive. Par conséquent, l'être mental ici-bas qui
cherche la perfection de soi est obligé, ou bien de se retirer dans le pur
esprit en se dépouillant de son existence inférieure, ou bien de revenir à la
vie physique afin d'y développer une capacité encore inconnue dans notre
nature mentale et psychique. C'est ce qu'exprime l'Oupanishad quand
elle dit que les cieux atteints par le Pourousha mental sont ceux auxquels
l'homme s'élève par les "rayons du soleil" — les rayons diffus et séparés,
quoique intenses, de la Conscience de Vérité supramentale — et, de là,
il doit revenir à l'existence terrestre. Mais les illuminés qui renoncent à
la vie terrestre et passent les portails du soleil ne reviennent plus ici-bas.
Quand l'être mental dépasse sa sphère, il ne revient pas, parce que cette |
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materiality of our physical perceptions, grossly distorted and perverted in our vital impulses, perverted too though a little less grossly in our ideative seekings, minimised even in the comparative purity and intensity of the highest intuitive ranges of our mental nature. The supramental principle is secretly lodged in all existence. It is there even in the grossest materiality, it preserves and governs the lower worlds by its hidden power and law; but that power veils itself and that law works unseen through the shackled limitations and limping deformations of the lesser rule of our physical, vital, mental Nature. Yet its governing presence in the lowest forms assures us, because of the unity of all existence, that there is a possibility of their awakening, a possibility even of their perfect manifestation here in spite of every veil, in spite of all the mass of our apparent disabilities, in spite of the incapacity or unwillingness of our mind and life and body. And what is possible, must one day be, for that is the law of the omnipotent Spirit. The character of these higher states of the soul and their greater worlds of spiritual Nature is necessarily difficult to seize. Even the Upanishads and the Veda only shadow them out by figures, hints and symbols. Yet it is necessary to attempt some account of their principles and practical effect so far as they can be grasped by the mind that stands on the border of the two hemispheres. The passage beyond that border would be the culmination, the completeness of the Yoga of self-transcendence by self-knowledge. The soul that aspires to perfection, draws back and upward, says the Upanishad, from the physical into the vital and from the vital into the mental Purusha,—from the mental into the knowledge-soul and from that self of knowledge into the bliss Purusha. This self of bliss is the conscious foundation of perfect Sachchidananda and to pass into it completes the soul's ascension. The mind therefore must try to give to itself some account of this decisive transformation of the embodied consciousness, this radiant transfiguration and self-exceeding of our ever aspiring nature. The description mind can arrive at, can never be adequate to the thing itself, but it may point at least to some indicative shadow of it or perhaps some half-luminous image. SRI AUROBINDO |
transition le fait entrer dans une haute zone d'existence, qui est particulière à l'hémisphère supérieur. Il ne peut pas ramener cette nature
spirituelle plus grande et la faire rentrer dans la triplicité inférieure, car
ici-bas l'être mental est la plus haute expression du Moi. Ici, notre triple
corps — mental, vital et physique — renferme presque toute l'étendue de
nos facultés et n'est pas à la dimension de cette conscience plus grande; le
réceptacle n'a pas été construit pour contenir une divinité plus vaste ou
pour abriter les splendeurs de cette force et de cette connaissance supramentales.
Cette limitation n'est vraie que dans la mesure où l'homme reste
enfermé dans les frontières de la Maya mentale. S'il s'élève au Moi de
Connaissance, par-delà les sommets du mental, s'il devient l'Âme de Connaissance, l'Esprit établi en la gnose, vijñānamaya purusa, et qu'il revête la
nature de cette vérité et de cette puissance infimes, s'il vit dans "l'enveloppe de connaissance" ou corps causal, autant que dans les autres
enveloppes ou les autres corps — mental subtil, vital intermédiaire et physique grossier — alors, et alors seulement, il aura le pouvoir de faire
descendre entièrement dans son existence terrestre la plénitude de la conscience spirituelle infime; alors seulement il aura le privilège d'élever la
totalité de son être, y compris toute sa nature manifestée dans un corps et
tous ses modes d'expression, jusqu'au royaume de l'Esprit. Mais ceci est
difficile à l'extrême; car le corps causal s'ouvre spontanément à la conscience et aux facultés des plans spirituels et, par nature, appartient à
l'hémisphère supérieur de l'existence, tandis que chez l'homme, il n'est
pas du tout développé, ou il n'est encore que grossièrement développé et
organisé, encore voilé derrière bien des portails interposés dans le subliminal. Il tire sa substance du plan de la connaissance de vérité et du plan
de la béatitude infinie, et ceux-ci relèvent entièrement d'un haut
hémisphère encore inaccessible. Ils versent sur cette existence inférieure
leur lumière, leur vérité et leur joie, ils sont la source de tout ce que
nous appelons spiritualité et de tout ce que nous appelons perfection. Mais
cette infiltration doit traverser d'épaisses enveloppes à travers lesquelles
la joie et la lumière, la vérité arrivent si diluées et affaiblies qu'elles sont
tout à fait obscurcies dans la matérialité de nos perceptions physiques,
grossièrement déformées et perverties dans nos impulsions vitales, perverties aussi, bien qu'un peu moins grossièrement, dans nos recherches |
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idéatives, amoindries même dans la pureté et l'intensité relatives des régions intuitives les plus hautes de notre nature mentale. Certes, le principe supramental demeure secrètement au cœur de toute existence. Il est là, même dans la matérialité la plus grossière; il préserve et gouverne les mondes inférieurs par sa puissance et sa loi cachées, mais cette puissance se voile et cette loi œuvre invisible sous les limitations contraignantes et les déformations boiteuses du règne inférieur de notre Nature physique, vitale et mentale. Et pourtant, sa présence directrice au sein des formes inférieures nous assure, en raison de l'unité de toute existence, que ces formes elles-mêmes peuvent s'éveiller, qu'elles peuvent même arriver à une manifestation parfaite ici-bas, en dépit de tous les voiles, en dépit de toute la masse de nos infirmités apparentes, en dépit de l'incapacité ou de la mauvaise volonté de notre mental, de notre vie et de notre corps. Et ce qui est possible se réalisera un jour, nécessairement, car telle est la loi toute-puissante de l'Esprit. Les caractéristiques de ces états supérieurs de l'âme et des mondes plus vastes de la Nature spirituelle sont évidemment difficiles à saisir. Même les Oupanishads et les Védas n'en parlent qu'obscurément, par des images, des allusions, des symboles. Pourtant, il est nécessaire de tenter quelque formulation de leurs principes et de leurs effets pratiques, pour autant qu'ils puissent être saisis par le mental précisément situé à la frontière des deux hémisphères. Le passage de cette frontière serait le point culminant, l'achèvement d'un yoga de la transcendance de soi par la connaissance de soi. L'âme en quête de perfection se retire en arrière et en haut, dit l'Oupanishad; elle passe du Pourousha physique au Pourousha vital et du Pourousha vital au Pourousha mental, puis du mental à l'âme de connaissance et de ce Moi de connaissance au Pourousha de béatitude. Ce Moi de béatitude est la base consciente du parfait Sachchidânanda; quand le chercheur a passé en lui, l'ascension de l'âme est achevée. Le mental doit donc essayer de se formuler à lui-même, si peu que ce soit, cette transformation décisive de la conscience incarnée, cette radieuse transfiguration, ce dépassement de notre nature qui sans cesse aspire davantage. Les descriptions du mental ne seront jamais exactes quant à la chose en soi, mais elles peuvent au moins projeter une ombre indicatrice ou, peut-être, quelque image à demi lumineuse.
SRI AUROBINDO |
You base yourself evidently on the position that the Divine Consciousness is above good and evil. But that does not mean that it does evil and good impartially. It can only mean that it acts from a light that is beyond that level of human consciousness which makes the human standard of these things. It acts for and from a greater good than the apparent good men follow after. It acts also according to a greater truth than men conceive. It is for this reason that the human mind cannot understand the divine action and its motives—he must first rise into a higher consciousness and be in spiritual contact or union with the Divine. But if anyone recognises that, he can no longer judge the divine action with his human mind and from his human point of view. The two things would be quite incompatible.
SRI AUROBINDO
Vous vous basez évidemment sur le principe que la Conscience divine est au-dessus du bien et du mal. Mais cela ne signifie pas qu'elle fasse indifféremment le bien et le mal. Cela peut seulement vouloir dire qu'elle agit avec une lumière qui est au-dessus du niveau de la conscience humaine où se constitue la norme humaine de ces choses. Elle agit à partir d'un bien et en vue d'un bien beaucoup plus grand que le bien apparent recherché par les hommes. Elle agit aussi en accord avec une vérité plus grande que celle conçue par les êtres humains. C'est pour cette raison que le mental humain ne peut pas comprendre l'action divine et ses motifs — l'homme doit d'abord s'élever jusqu'à une conscience plus haute et être en contact spirituel ou en union avec le Divin. Mais quiconque admet ce fait, ne peut plus juger l'action divine avec le mental humain et du point de vue humain. Les deux choses sont tout à fait incompatibles.
SRI AUROBINDO
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Le 10 mars 1951
".. .Le pouvoir sur l'argent est maintenant sous l'influence ou entre les
mains des forces et des êtres du monde vital. Du fait de cette
influence, jamais on ne voit l'argent aller en sommes considérables à la
cause de la vérité. Toujours il se fourvoie, car il est sous la griffe
des forces hostiles et c'est l'un de leurs principaux moyens de garder
leur emprise sur la terre. La mainmise des forces hostiles sur le pouvoir de l'argent est puissamment, complètement et soigneusement
organisée, et c'est l'une des tâches les plus difficiles que d'extraire
quoi que ce soit de cette compacte organisation. Chaque fois que l'on
essaye de retirer un peu d'argent à ses gardiens actuels, on doit livrer
une bataille féroce."
(Entretiens suivis de Quelques Paroles, p.88)
On dit souvent, dans les contes de fée, qu'un trésor est gardé par les
serpents. Est-ce vrai ?
OUI, mais ce n'est pas un serpent physique, c'est un serpent vital. La clé des trésors est dans le monde vital et elle est gardée par un immense serpent noir, qui est formidable — dix fois, cinquante fois plus grand qu'un serpent ordinaire. Il garde les portes du trésor. Il est noir, magnifique, toujours dressé et éveillé. Il m'est arrivé une fois de me trouver devant lui (d'habitude, ces êtres-là m'obéissent quand je leur donne un ordre), je lui ai dit : "Laisse-moi passer." Il m'a répondu : "Moi, je te laisserais bien passer, mais si je te laisse passer, ils me tueront; alors je ne peux pas te laisser passer." Je lui ai demandé : "Que faut-il que je t'apporte pour que tu me laisses passer?" Il m'a dit : "Oh, une seule chose m'obligerait à céder la place — si tu pouvais devenir le maître de l'impulsion sexuelle dans l'homme, si tu arrivais à maîtriser cela dans l'humanité, je ne pourrais plus résister, je te laisserais passer." |
10th March 1951
"...The power of money is at present under the influence or in the hands of the forces and beings of the vital world. It is because of this influence that you never see money going in any considerable amount to the cause of the Truth. Always it goes astray, because it is in the clutch of the hostile forces and one of the principal means by which they keep their grip upon the earth. The hold of the hostile forces upon money-power is powerfully, completely and thoroughly organised and to extract anything out of this compact organisation is a most difficult task. Each time that you try to draw a little of this money away from its present custodians., you have to undertake a fierce battle" (Conversations with the Mother) It is often said in fairy tales that a treasure is guarded by serpents. Is it true ?
YES, but it is not a physical serpent, it is a vital serpent. The key to treasure is in the vital world and it is guarded by an immense, black serpent—a formidable serpent, ten times, fifty times larger than the ordinary one. It is on guard at the gates of the treasure. It is magnificent, black, always erect and awake. I happened once to find myself before it (usually these beings obey me when I give them an order). I said to it: "Let me pass." It replied, "I would willingly let you pass, but if I do, they will kill me so I cannot let you pass." I asked : "What must I furnish in order to gain entrance ?" It said, "Oh, only one thing would oblige me to give way to you—if you could become master of the sex impulse in man, if you succeeded in overcoming that in humanity, I could no longer resist, I would allow you to pass." As it has not yet allowed me to pass, I must avow that I have not fulfilled the condition. I have not been able to obtain such mastery of it as to conquer it in all of humanity. That is quite difficult. |
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Il ne m'a pas encore laissé passer. Je dois avouer que je n'ai pas rempli la condition, je n'ai pas pu maîtriser cela de façon à le conquérir en tout le monde—c'est assez difficile.
Avant de couper ses relations avec les êtres qui sont liés à une entité
vitale, il faut en être sûr. Comment être sûr ?
Évidemment, à moins que l'on n'ait la vision vitale directe, c'est-à-dire
que l'on puisse voir directement dans le monde vital, il est difficile de
savoir. J'ai vu maintes et maintes fois... enfin, deux choses peuvent se
produire, et généralement se produisent. Quand, pour une raison quelconque, on ne s'entend pas avec quelqu'un — s'il y a conflit d'intérêts,
si l'on s'est disputé — on a tendance à dire de l'autre: "C'est un être vital."
Il faut se méfier de soi, d'abord, et de ce que l'autre dit, ensuite. Il y a un
autre cas, encore plus intéressant : j'ai connu au moins deux personnes
qui étaient, non seulement sous l'influence vitale mais des incarnations
d'êtres du monde vital; eh bien, c'étaient elles, justement, qui le plus constamment dénonçaient les autres comme étant possédés par des êtres du
monde vital! Alors, il vaut mieux ne rien décider soi-même. Il y a des
cas où l'ignorance est mieux qu'une demi-connaissance, car si l'on ne sait
pas que l'on a affaire à un être du monde vital, on peut agir comme on agit
avec un être humain ordinaire, c'est-à-dire se protéger suffisamment, ne
pas se livrer si c'est un ennemi, être sur ses gardes, avoir beaucoup de
patience; et plus tard, on ne fait plus aucune attention à ce que cette
personne vous fait ou ne vous fait pas. Seuls, ceux qui possèdent la perfection vitale et qui sont complètement désintéressés peuvent vous dire :
(Mère poursuit sa lecture)... "L'être humain est chez lui-, en
sécurité, dans son corps matériel; le corps est sa protection. Il y a des
gens qui sont pleins de dédain pour leur corps et qui pensent que tout
deviendra bien meilleur et plus facile après la mort, sans lui.
Mais en fait, le corps est leur abri, leur forteresse; tant qu'ils y sont
logés, les forces du monde vital trouvent difficile d'avoir une prise |
Before cutting one's relations with beings who are linked with a dangerous vital entity, one must be sure of their connection. How can one be sure ?
Evidently it is difficult to know, unless one has the direct, inner vision of the vital, that is to say, unless you are able to see directly into the vital world. I have seen many, many times that two things may, and generally do, happen. When, for some reason or other, you do not agree with someone—if there is a conflict of interests, if there has been a quarrel, there is a tendency to say of him, "He is a dangerous vital being." First, one ought to beware of oneself and then, secondly, of that which the other says. There is another case, still more interesting. I know two persons; at least, who were, not only under the vital influence, but incarnations of beings of the vital world. Well, it was these very persons who most constantly denounced others as being possessed by beings of the vital world ! So then, it is better not to jump to conclusions oneself. There are cases where ignorance is better than half-knowledge. For if you do not know that you are dealing with a being of the vital world, you can act as you do with an ordinary human being, that is to say, protect yourself sufficiently, not let yourself go if it is an enemy, be on your guard, have great patience. And afterwards you don't pay any attention to what this man does or does not do to you. Only those who possess a perfected vital being and are completely disinterested can tell you, "This person or that person is a dangerous being."
(Mother continues reading).. ..The human being is at home and safe in the material body ! the body is his protection. There are some who are full of disdain for their bodies and think that things will be much better and easier after death without them. But in fact the body is their fortress and their shelter. While they are lodged in it the forces of the hostile world find it difficult to get a direct hold on , them. Do you know what nightmares are ? They are your sorties into the vital world. And what is the first thing you try to do when you are in the grip of a nightmare ? You rush back into your body and shake yourself back into your normal physical consciousness." (ibid) |
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directe sur eux. Savez-vous ce que sont les cauchemars ? ce sont vos sorties dans le monde vital. Et quelle est la première chose que vous essayez de faire quand vous êtes en proie à un cauchemar ? Vous revenez en grande hâte vers votre corps et vous vous secouez jusqu'à ce que vous ayez repris votre conscience physique normale." (ibid., p. 92)
Que devient le vital après la mort ?
Il se dissout. C'est rare qu'il en soit autrement. Mais si vous avez eu une passion très forte, si vous étiez divisé par des impulsions très fixes, cela fait des petits morceaux. Au lieu de s'en aller comme une vapeur ou un liquide, cela s'en va par petits morceaux. Chacun de ces morceaux de substance vitale est centré autour de l'impulsion centrale, du désir central, de la passion centrale du morceau, et cela fait des petites entités, qui n'ont pas la forme humaine, qui ont parfois une forme indéfinie : parfois elles ressemblent au corps auquel les morceaux appartenaient, parfois elles prennent une forme expressive du désir qu'elles représentent. Et naturellement, leur seul souci est de satisfaire leur désir ou leur passion, et elles cherchent partout le moyen de se satisfaire.Prenons la passion d'un avare pour sa fortune, par exemple. Il meurt. Son être vital se dissout, mais sa passion pour son argent reste vivante. Elle rassemble autour d'elle un certain nombre d'éléments, qui forment une entité vivante et consciente dans le monde vital. Si cet homme, de son vivant, avait caché un trésor quelque part, cette entité va s'installer juste au-dessus de l'endroit où se trouve le trésor, comme pour le garder et empêcher les gens de s'en approcher. Mais il y a des personnes sensibles qui, sachant qu'un trésor est caché quelque part, sentent la présence et disent : "Le trésor est là." C'est un premier effet. L'autre effet est que cette entité, ne voulant pas que le trésor soit touché, produit toujours une sorte de catastrophe pour défendre son bien. Elle rend malades les gens qui s'approchent, ou elle provoque un accident, même un assassinat, tous les moyens lui sont bons, ou si la personne est très sensible, elle lui cause une telle frayeur qu'elle devient folle. Il y a aussi des quantités de petites entités, assez répugnantes, en très grand nombre, qui proviennent de ce misérable désir sexuel. Si ce désir |
What becomes of the vital being after death ?
It is dissolved. Rarely does it happen otherwise. But if you have had a very strong passion, if you were divided by fixed impulses, the vital being would disintegrate into little bits. Instead of vanishing like a vapour or a liquid, it forms little morsels. Each of these bits of the vital substance is gathered around the central impulse, the central desire of the bit thus creating little entities which don't have a human form, but take at times an indefinite form, at times they look like the body to which the bit belonged, at other times they take a form expressing the desire they represent. Naturally their single concern is to satisfy their desire or passion and they search everywhere for the means of self-satisfaction. Take, for example, the passion of a miser for his fortune. He dies. His vital is dissolved, but his passion for his money remains living. It gathers around itself a certain number of elements to form a living and conscious entity in the vital world. If this man had in his lifetime hidden a treasure somewhere, that entity goes to install itself just above the place where the treasure is, as if to guard it and to prevent people from coming near it. But there are sensitive people who when they know that a treasure is hidden somewhere, can feel its presence and say : "There the treasure is." That is the first effect. The other effect is that the entity, not wanting the treasure to be touched, always brings about some catastrophe to protect its property. It makes the persons who approach ill, or it provokes an accident, even an assassination, any means to secure its object is good; or if the person is very sensitive, it causes such a terror in him that he loses his head. There are also a number of little entities, a large number, repugnant enough, that spring from this wretched sexual desire. If this desire (and its corresponding entities) is not dissolved at the time of death, these entities continue to exist and they come and settle in the atmosphere of sensitive persons to goad them, to egg them on. These entities feed upon the, vital force emanated at the time of the sex act and naturally, their only desire is to get as much nourishment as they can. I have seen persons enringed by dozens of these beings. It is a very concrete thing....! don't know if you have heard of Maurice Magre, the writer who came here. He has |
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(et les entités correspondantes) n'est pas dissout à la mort, ces entités continuent d'exister et elles viennent s'installer dans l'atmosphère des personnes sensibles et les poussent, les poussent. Ces entités se nourrissent de la force vitale émanée au moment de l'acte et, naturellement, leur seul désir est d'avoir autant de nourriture qu'elles peuvent. J'ai vu des gens qui étaient entourés de douzaines de ces êtres. C'est une chose très concrète. .. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de Maurice Magre, l'écrivain qui est venu ici. Il disait dans l'un de ses livres, que les gens qui ont un instinct sexuel très fort sont entourés d'une nuée de ces petits êtres, qui les harcèlent pour se satisfaire, se nourrir de la force vitale. Il le savait très bien, il l'avait observé. Pour ceux qui sont un tout petit peu sensibles, c'est très perceptible. Même, les gens qui sont harcelés sentent très souvent que l'impulsion vient du dehors — cela éveille quelque chose en eux au-dedans, mais ils sentent que l'excitation vient du dehors. Et il y en a des centaines de milliers, car malheureusement c'est l'une des plus grosses difficultés du genre humain, c'est un esclavage terrible.
Dans les cauchemars vitaux, quelle partie de l'être sort du corps ?
Votre vital — pas tout entier, car cela produirait un état cataleptique,
mais une partie du vital va se promener. Certains vont toujours dans des
endroits très vilains, alors ils ont des nuits très mauvaises — elles sont innombrables, les possibilités de promenades. Ce peut être une très petite
chose, une petite partie de l'être, mais il suffit qu'elle soit consciente pour
vous donner un bon petit cauchemar!
N'est-ce pas, quand on dort, les êtres intérieurs ne sont pas concentrés
sur le corps, ils sortent et deviennent plus ou moins indépendants —
d'une indépendance limitée, mais indépendants tout de même—et ils
vont vivre dans leur domaine propre. Le mental encore plus, car il est à
peine tenu dans le corps, il est seulement concentré, il n'est pas contenu
dans le corps. Le vital aussi déborde le corps, mais il est davantage concentré sur le corps. Mais le mental est une substance tellement souple qu'il
suffit de penser à quelqu'un pour être avec cette personne, au moins
partiellement, mentalement. Si vous pensez fortement à un endroit, une
partie de votre mentalité est là —la distance n'existe pour ainsi dire pas. |
said in one of his books that people who have a very strong sexual instinct are surrounded by a swarm of these small beings, who plague them to satisfy themselves, to feed upon the vital force. He knew the thing quite well, he had observed it. For those who are just a bit sensitive, it is very perceptible. Even the people who are being prodded feel very often that the impulse comes from outside—it arouses something inside them, but they feel that the excitation comes from outside. There are hundreds of thousands of them; for unfortunately it is one of the greatest difficulties of the human species, it is a terrible slavery.
In vital nightmares, which part of the being goes out of the body ?
Your vital—not the whole of it for that would produce a catalyptic state, but a portion of the vital goes out for a stroll. Some always go to the nastiest spots which give them some very bad nights—the possibilities on these nightly rambles are innumerable. It may be a very small thing, involving just a little portion of your being, but if it is a conscious part, that is enough to give you a fine nightmare. You know, when you sleep, the inner beings are not concentrated in the body, they leave it, they become more or less independent—a limited independence, but independent all the same—they go to inhabit their own domains. The mind does this to a greater degree for it is hardly held within the body, it is only concentrated but not contained in the body. The vital also goes beyond the body, but it is more concentrated in the body. The mind however is such a supple substance that it is sufficient to think about a person in order to be with that person, at least partially, mentally. If you think strongly of a place, a part of your mind locates there—distance, so to say, does not exist. Of course, to have a mind centralised around the body requires good training. Few people have a mind with a well-defined form : usually the form is like an undulating cloud mass which comes and goes. Even to have a vital possessing a form similar to that of your physical body, an analogous form, it must have become very much individualised, very much centralised. This holds true for the mind even more, it must be completely individualised, centralised, organised around the psychic centre in order to have a definite form. |
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Naturellement, pour avoir un mental centralisé autour du corps, il faut avoir une bonne éducation. Peu de gens ont un mental d'une forme définie : c'est comme des nuages qui roulent, qui vont, qui viennent. Même pour avoir un vital qui ait une forme semblable à celle de votre corps physique, une forme analogue, il faut qu'il soit très individualisé, très centralisé. L'être mental encore plus, il faut qu'il soit tout à fait individualisé, centralisé, organisé autour du centre psychique pour avoir une forme définie. Ils y a des êtres qui passent leur vie à organiser leur mental. J'en ai connu qui avaient fait de leur mental une sorte de forteresse, une construction énorme (je parle de gens qui avaient des capacités mentales peu ordinaires). Ils avaient fait de leur mental un édifice assez grand, très puissant, d'une telle fixité, avec des murs si solides qu'ils n'avaient plus aucun contact avec le monde mental extérieur — ils vivaient complètement dans leur propre construction et tous les phénomènes de leur conscience appartenaient à leur propre construction, ils n'avaient plus aucun contact avec le monde mental extérieur. Ils avaient un contact avec leur propre vital et leur corps, comme cela, mais tous les phénomènes de la conscience se plaçaient dans leur construction mentale — ils ne pouvaient plus en sortir. Eh bien, cela arrive très fortement aux gens qui recherchent la vie spirituelle par les moyens classiques d'abandon de la conscience matérielle, de concentration sur leur être intérieur et d'identification avec lui. Si je vous donnais des noms, vous seriez tout à fait étonnés. Ils se construisent une conception dans laquelle on trouve toutes les gradations du mental, une construction si solide et si fixe qu'ils sont enfermés là-dedans, et quand ils croient avoir atteint à la Vérité suprême, ils ont seulement atteint au centre de leur propre construction mentale. Et ils ont toutes les expériences qu'ils prévoyaient : expérience de la libération, expérience de la sortie du corps, expérience de l'identification avec le Suprême, tout, tout, mais tout dans leur construction, cela n'a aucun contact avec la réalité universelle. Alors, si l'on touche à cela, si pour une raison quelconque on a le pouvoir de toucher cela, ou simplement de faire une brèche dans un de ces murs, ils sont d'abord complètement bouleversés, puis ils considèrent la force qui a pu faire cela comme une force de destruction épouvantable, une manifestation d'une force hostile de la pire catégorie ! |
There are persons who spend their life organising their mind. I knew some who had made of their mind a kind of fortress, a huge construction (I speak of people who had uncommon mental capacities). They had made of their mind an edifice, so big, powerful and of such fixity, with such solid walls that they had no contact with the outer mental world. They lived completely within their own construction and all the phenomena of their consciousness were of their own making—they no longer had any contact with the outside mental world. They retained contact with their own vital and their body, in a way, but all the phenomena of their consciousness were lodged within their mental construction. They could no longer get out of it. Well, this happens in a very marked way to people who seek for a spiritual life by following the classical method of a renunciation of the material consciousness, a total concentration on their inner being and identification with it. If I gave you the names of some, you would be quite astonished. They construct for themselves a conception in which one finds all the gradations of the mind, a construction so solid and so fixed that they remain imprisoned within it, and when they believe they have reached the supreme Truth, it is only the summit of their own construction that they have touched. And they have all the experiences they foresaw : the experience of liberation, the experience of going out of the body, the experience of identification with the Supreme, all, all, but all is of their own making, not having any contact with the universal reality. Then, if someone touches it, someone who has, for some reason or other, the power to examine it, or simply to make a breach in one of the walls, at first they are completely upset, then they come to regard the force that could do this as a force of frightful destruction, a manifestation of hostile force of the worst category.
What is a mental nightmare ?
When there is a chaos in the brain, a local fever, a special effervescence there, a strain, or if there is a want of control, you may allow yourself to be possessed by mental formations,—it is that which happens most often —mental formations which, most often, you, yourself, have made. And as the control of the rational, waking consciousness is absent, a saraband |
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Qu'est-ce qu'un "cauchemar mental" ?
Quand il y a un chaos dans le cerveau ou une fièvre locale, une ébullition spéciale dans le cerveau, un surmenage, ou qu'il y a un manque de contrôle, on se laisse posséder par les formations mentales, c'est ce qui arrive le plus souvent—par des formations mentales que l'on a le plus souvent faites soi-même, d'ailleurs. Et comme le contrôle de la conscience raisonnable, éveillée, est paru, tout cela commence à danser une sarabande dans la tête, avec une espèce de folie déchaînée; les idées se mêlent, s'entrechoquent, se battent, c'est vraiment hallucinant. Alors, à moins que l'on n'ait le pouvoir d'amener dans sa tête une grande paix, une grande tranquillité, une lumière très forte et pure, eh bien, c'est dix fois pire qu'un cauchemar vital. Le pire du cauchemar vital consiste généralement à se battre avec un ennemi qui veut vous tuer, et on lui assène des coups terribles, et les coups ne portent jamais, vous y mettez toute votre force, toute votre énergie et vous n'arrivez pas à toucher l'adversaire. Il est là devant vous, il vous menace, il va vous étrangler et vous rassemblez toute votre énergie, vous essayez de frapper, mais rien ne touche, quand la lutte est comme cela, corps à corps, avec un être qui se jette sur vous, c'est particulièrement pénible. C'est pour cela qu'il est recommandé de ne pas sortir du corps à moins d'avoir le pouvoir nécessaire, ou la pureté. N'est-ce pas, dans ce genre de cauchemar, la force dont on veut se servir, c'est le "souvenir" d'une force physique; mais on peut avoir une grande force physique, être un boxeur de premier ordre, et être tout à fait sans force dans le monde vital, parce que l'on n'a pas le pouvoir vital nécessaire. Quant à ces cauchemars du mental, cette espèce de sarabande effroyable dans la tête, on a tout à fait l'impression de perdre la raison.
Au moment de la mort, l'être psychique va se reposer, n'est-ce pas ?
mais le vital est arrêté dans le monde vital, cela empêche-t-il le
psychique d'aller se reposer ?
Mais le vital ne va pas se reposer, l'être mental ne se repose pas.
Généralement, ils se dissolvent. C'est seulement si l'on a suivi toute sa vie
un yoga, si l'on a pris le plus grand soin d'individualiser, de centraliser le |
dance sets up in the head, a kind of raging madness; ideas get entangled, they jostle, they battle, it is truly hallucinating. Then, unless you have the power to bring a great peace into your head, a great tranquillity, a very strong, pure light, it is ten times worse than a vital nightmare. The worst part of a vital nightmare consists generally in fighting with an enemy who wants to kill you. You hurl mighty blows upon him and the blows do not reach, you exert all your force, all your energy, yet you do not succeed in touching your adversary. He is there in front of you, he threatens you, he is going to strangle you and you gather all your strength, you try to strike, nothing touches him; when the struggle is like that, hand to hand, with a being who throws himself upon you, it is particularly painful. That is why it is advised not to come out of the body unless you have the necessary power or the purity. In this kind of nightmare the force you want to use is the "memory" of a physical force; but one may have great physical strength, be a first-class boxer, and yet be without any strength in the vital world because one does not have the necessary vital power. As for the mental nightmares, that kind of horrible saraband in the head, one has altogether the impression of having gone mad.
At the time of death, the psychic being goes to rest, doesn't it? But the vital is stopped in the vital world,—does this prevent the psychic from going to rest ?
But the vital does not go to rest, nor the mental being. Generally they are dissolved. It is only if one has followed a Yoga during his whole life, if one has taken great care to individualise, to centralise the vital and the mental around the psychic being that they remain—that happens once in ten million cases, it is very exceptional. Take the case of a philosopher or a writer who has worked considerably in his brain, tried to organise it; that, then persists, but as a capacity to think, nothing else. There are these capacities of thinking that persist after death and they try naturally to find another physical brain in which to function. It is in this way that the mind of a great thinker can identify itself with another mind and be able to express itself. From the vital point of view, take the case of a great musician, who has |
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vital et le mental autour de l'être psychique, qu'ils restent — cela arrive une fois sur dix millions, c'est très exceptionnel. Prenons le cas d'un philosophe ou d'un écrivain qui a travaillé considérablement dans son cerveau, qui a essayé de l'organiser, cela persiste, mais comme une capacité de penser, pas autre chose. Il y a de ces capacités de penser qui persistent après la mort et qui essayent, naturellement, de trouver un autre cerveau physique peur se manifester. C'est comme cela que le mental d'un grand penseur peut s'identifier à un autre mental et être capable de l'exprimer.Du point de vue vital, prenons le cas d'un grand musicien qui a travaillé toute sa vie à faire de son être extérieur un bon instrument pour la musique, il a organisé cette puissance vitale dans son corps pour exécuter de la musique; eh bien ses mains, par exemple, sont tellement individualisées dans leur capacité d'exécution, qu'elles peuvent persister subtilement après la mort, avec leur forme, une forme analogue à l'ancienne forme physique. Elles flottent dans le monde vital et sont attirées par les gens qui ont des capacités analogues; elles essayent de s'identifier à eux. Si quelqu'un est assez sensible, assez réceptif, il peut s'identifier à ces mains et exécuter des choses merveilleuses, profiter de toute l'individualisation de la vie passée de ces mains.
Le même phénomène se produit-t-il dans le cas des savants, quand
les résultats de leurs travaux se réalisent quelque temps après leur
mort ?
Oui, dans le cas de Pierre et de Marie Curie, par exemple, il est
certain que la puissance de travail de Pierre Curie est entrée dans sa
femme à sa mort.
Il arrive souvent des accidents aux gens qui font des fouilles dans les
tombes d'Égypte, pourquoi ?
Ils le méritent ! quand on viole des tombes, n'est-ce pas. Il y a
des histoires innombrables de ce genre. Mais c'est un autre phénomène.
Je m'explique : dans la forme physique se trouve "l'esprit de la
forme", et cet esprit de la forme persiste pendant un certain temps, même |
worked all his life to make his external being a good instrument for music, he has organised this vital power in his body for playing music. Thus, his hands for example, are so individualised in their capacity of execution, that they can persist subtly even after death, with their form, a form analogous to the ancient physical form. They float in the vital world and are attracted by people who have similar capacities, they try to become identified with them. A person who is sensitive enough, receptive enough, can become identified with these hands and execute wonderful things, profiting by all the individualisation of the past life of these hands.
Does not the same phenomenon occur in the case of scientists when the results of their work are realised some time after their death ?
Yes, in the case of Pierre and Marie Curie, for example, it is certain that the power of work of Pierre Curie passed into his wife at his death.
Accidents often happen to men who undertake excavations in the tombs of Egypt, why?
They deserve it when they violate the tombs, don't they ? There are countless stories of this kind. But that is another phenomenon. Let me explain. In the physical form is found the "spirit of the form" and this spirit of the form persists for some time even when the person is pronounced dead. And as long as the spirit of the form persists, the body is not destroyed. In ancient Egypt they had this knowledge, they knew that if they prepared the body in a certain way, the spirit of the form would not leave it and the body would not disintegrate. In some cases they have succeeded wonderfully. If one violates the repose of beings who have remained thus for thousands of years, it is understandable that they may not be very pleased especially when their repose is violated out of an unhealthy curiosity, legitimised in the "cause of science". In the Guimet Museum in Paris, there are two mummies. In one nothing is left, but in the other, the spirit of the form has remained very conscious, conscious to such an extent that one can make contact with |
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quand, extérieurement, on dit que la personne est morte. Et aussi longtemps que l'esprit de la forme persiste, le corps ne se détruit pas. Dans l'ancienne Égypte, ils avaient cette connaissance; ils savaient que s'ils préparaient le corps d'une certaine façon, l'esprit de la forme ne s'en irait pas et le corps ne se dissoudrait pas. Dans certains cas ils ont merveilleusement réussi, et si l'on va violer le repos des êtres qui ont été ainsi pendant des milliers d'années, je comprends qu'ils ne soient pas très satisfaits, surtout quand on viole leur repos par une curiosité malsaine que l'on légitime avec des idées scientifiques. Il y a au Musée Guimet, à Paris, deux momies. De l'une, il ne reste plus rien, mais dans l'autre, l'esprit de la forme est resté très conscient, conscient au point que l'on peut avoir un contact de conscience. Il est évident que quand un tas d'idiots viennent vous regarder avec des yeux ronds qui ne comprennent rien, en disant : "Oh ! il est comme ça, il est comme ceci", cela ne doit pas faire plaisir. N'est-ce pas, on commence par faire une chose infâme : ces momies sont enfermées dans une boîte, d'une forme spéciale suivant la personne, avec tout ce qu'il faut pour les conserver; alors, on ouvre la boîte, plus ou moins violemment, on enlève quelques bandelettes ici et là pour mieux voir... Et étant donné que l'on ne momifiait jamais les gens ordinaires, c'étaient des êtres qui avaient réalisé une puissance intérieure considérable ou des membres de la famille royale, des gens plus ou moins initiés. Il y a une momie qui a été la cause d'un grand nombre de catastrophes; elle était princesse, fille de Pharaon et secrètement à la tête d'un collège initiatique à Thèbes. Enfin, les hommes sont ainsi...
*
**
Le 12 mars 1951
Dans le monde vital, il existe des forces; est-ce qu'il',existe des formes
mentales dans le monde mental ?
Oui, il y a un monde mental concret et il y a des formes mentales,
qui ne ressemblent pas aux forces vitales et qui ont leur loi propre. Il y a |
the consciousness. Evidently when a bunch of idiots come to stare at you with their blank, saucer-eyes that understand nothing and say, "Oh, it was like this, it was like that," it is not a pleasure. They start off by committing an outrage: these mummies are enclosed in a box of a particular form befitting the deceased, and arranged with all that is necessary to preserve them, then the box is opened more or less violently, some wrappings are stripped away here and there to provide a better view... it is understood that it was not ordinary people who were mummified, but those beings who had attained appreciable inner power or who were of royal birth, people more or less of the 'initiated'. There was a mummy who had been the cause of a large number of catastrophes. She was a princess, daughter of a Pharaoh, who was secretly at the head of the College of Initiation at Thebes. Indeed,—men are like that...
* **
12th March 1951
In the vital world forces exist: do mental forms exist in the mental world ?
Yes, there is a concrete mental world and there are mental forms which do not resemble vital forces and have their own law. There are many, countless-mental forms. They are almost indestructible; one can only say of them that they change form and relations,—something very fluid and moving all the time.
(Mother , passing on to another subject)... "You can understand only what you already know in your own inner self. What strikes you in a book is what you have already experienced deep within you.. ..The knowledge that seems to come to you from outside is only an occasion/or bringing out the knowledge that is within you". (Conversations with the Mother VII) |
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beaucoup, d'innombrables formes mentales. Elles sont presque indestructibles, on peut seulement dire qu'elles changent de forme et de relations, c'est quelque chose de très fluide qui bouge tout le temps.
(Mère passe à un autre sujet)... "On ne peut comprendre que ce que l'on sait déjà dans son être intérieur. Vous êtes frappé dans un livre par ce que vous avez déjà expérimenté profondément au-dedans de vous... La connaissance qui semble vous venir du dehors est seulement une occasion d'amener à la surface la connaissance qui était au-dedans de vous." (Entretiens suivis de Quelques Paroles, p. 102)
Pourquoi certains sujets sont-ils très difficiles ?
Cela dépend de beaucoup de choses — de la formation du cerveau, de l'atavisme, des premières années d'éducation, surtout de l'atavisme. Mais il y a un phénomène très intéressant : chaque idée nouvelle forme dans le cerveau comme une petite circonvolution, et cela prend du temps. N'est-ce pas, on vous dit quelque chose que vous n'avez jamais entendu; vous écoutez, mais c'est incompréhensible, cela n'entre pas dans votre tête. Mais si vous entendez la même chose une seconde fois, un peu plus tard, elle a un sens. C'est parce que le choc de la nouvelle idée a fait un petit travail dans le cerveau et a préparé juste ce qui était nécessaire pour comprendre. Et non seulement cela se construit, mais cela se perfectionne. C'est pourquoi, si vous lisez un livre difficile, au bout de six mois ou un an vous le comprenez infiniment mieux qu'à la première lecture, et parfois d'une façon très différente. Ce travail dans le cerveau se fait sans la participation de votre conscience active. De la façon dont l'être humain est formé actuellement, il faut toujours compter avec le facteur temps.
Est-ce le cerveau ou la présence de la pensée qui donne le choc ?
Non, c'est la conscience. La plupart des gens n'en sont pas conscients,
mais elle travaille tout le temps en chacun. |
Why are certain subjects so very difficult?
That is due to many things—to the formation of the brain, to atavism, to the early years of education, particularly to atavism. But there is a very interesting phenomenon here. Each new idea forms a small convolution in the brain and that takes time. You are told something which you have never heard before; you listen, but it is incomprehensible, it does not penetrate. But if you hear the same thing a second time, a little later on, it makes sense. It is because the shock of the new idea has done a little work in the brain and prepared just what was necessary for understanding. Not only does it build itself up, but it is self-perfecting. That is why if you are reading a difficult book, at the end of six months or a. year you will understand it infinitely better than at the first reading and, at times, in a very different way. This work in the brain is done without the participation of your active consciousness. The way the human being is at present constituted, necessitates taking into account the time factor.
Is it the brain or the presence of thought that produces the shock ?
No, it is the consciousness. Most people are not aware of it, but it works all the time in everyone.
(Mother resumes her reading).. .."We say something that is perfectly clear, but the way in which it is understood is stupefying ! Each sees in it something else than what was intended and at times., even gives it a contrary sense. If you want to understand truly and avoid this kind of error, you must go behind the sound and the movement of the words and learn to listen in silence. (Ibid)
How can one learn to listen in silence?
It is a matter of attention. If you concentrate your attention on |
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(Mère reprend sa lecture).. ."On dit une chose parfaitement claire, mais la manière dont elle est comprise est stupéfiante ! chacun y voit autre chose que ce que l'on voulait dire, et même parfois, lui donne un sens contraire à celui qu'elle avait. Si vous voulez comprendre vraiment et éviter ce genre d'erreur, vous devez passer derrière le son et le mouvement des mots, et apprendre à écouter en silence." (ibid.)
Comment apprendre à écouter en silence ?
C'est une question d'attention. Si l'on concentre son attention sur ce
qui est dit, avec la volonté de comprendre correctement, le silence se fait
spontanément — c'est l'attention qui fait le silence.
Est-il possible de sortir de la "forteresse mentale ?
Mais il y a des gens qui sortent de la forteresse ! On peut même
envoyer une armée hors de la forteresse !
Non, ce n'est pas le chef de la place qui sort, il tient beaucoup à sa
forteresse : il envoie des soldats. Il tient beaucoup à sa forteresse, car
c'est elle qui lui donne l'impression d'exister et d'être une individualité.
Et si l'on se débarrasse de la forteresse ?
Oh, mais il faut faire attention ! Il ne faut pas s'en débarrasser si
l'on n'est pas capable de vivre sans forteresse, ce qui est infiniment plus
difficile. Ce que les hommes font généralement, avec beaucoup d'effort
et une quantité de souffrances qui leur donne l'impression d'être des
héros, c'est de jeter bas leur forteresse... pour entrer aussitôt dans
une autre ! Cela ne fait pas beaucoup de différence du point de vue de la
Vérité, mais cela leur donne l'impression d'avoir fait un grand progrès,
parce que la vieille forteresse est par terre et qu'ils en ont construit une
autre.
Vivre sans forteresse est extrêmement difficile—les gens ont l'impression
1 Voir Entretien du 10 mars. |
what is said, with the will to understand it correctly, the silence comes spontaneously—it is attention that makes the silence.
Is it possible to get out of the "mental fortress" ?
But there are people who do get out of the fortress ! One can even send an army out of the fortress ! No, it is not the chief of the place who goes out; he holds fast to the fort and orders out the soldiers. A tight hold is kept on the fortress for it is that which gives him the impression of existing and of being an individuality.
What if one gets rid of the fortress?
Oh, but you must take care ! You had better not get rid of it unless you are able to live without a fortress—something which is infinitely more difficult to do. What men generally do, by dint of much effort and a good deal of suffering, which gives them the impression that they are heroes, is to knock down the fortress... only to enter immediately into another ! That exchange does not make much difference from the standpoint of the Truth, but it serves to give them the impression of having made a great progress, because the old fortress is razed and they have built up another. To live without a fortress is extremely difficult—people have the feeling that they are not living, that they are not individualised, that they are floating about. It is extremely difficult to live in something infinitely vast, moving, constantly changing, perpetually in progress, to be tied to nothing upon which one can fasten, saying "I am this; this is my way of thinking." It is very difficult, one must not try it too soon; there are those whose reason was deranged by it.
What is it that makes the mental construction ?
It is the mental ego that makes the construction and it clings to it desperately. |
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qu'ils ne vivent pas, qu'ils ne sont pas individualisés, qu'ils sont flottants. Il est extrêmement difficile de vivre dans quelque chose d'infiniment vaste, mouvant, constamment changeant, perpétuellement en progrès, de n'être fixé par rien à quoi l'on puisse s'accrocher en disant : "C'est moi, c'est ma façon de penser." C'est très difficile, il ne faut pas essayer trop tôt, il y a des êtres à qui cela trouble la raison.
Qu'est-ce qui fait la construction mentale ?
C'est l'ego mental qui fait la construction et il s'y accroche désespérément.
Le "je" et l'ego sont-ils une même chose ?
Généralement !
Comment se fait-il qu'il y ait des gens qui pensent une chose et en
disent une autre?
Oui, cela arrive souvent. Ils pensent une chose, et quand ils se mettent
à parler ils disent juste le contraire. Si la pensée contrôlait la langue,
beaucoup de bêtises seraient évitées. On perd le contrôle et dans une
impulsion on dit n'importe quelle stupidité, c'est comme une machine
qui se met à parler pour le plaisir de parler. Cela a l'air d'une absurdité,
mais cela arrive tout le temps, il y a très peu de gens à qui cela n'arrive pas.
Ils disent toutes sortes de choses, puis ils se demandent : "Pourquoi ai-je
dit tout cela ?" Ils ne savent même pas pourquoi. J'en connais qui
disent toujours ce que l'autre veut. La personne avec qui ils parlent se
dit : "Il va me dire ceci ou cela", ou elle craint : "J'espère qu'il ne me dira
pas cela", et l'autre, comme un petit pantin, commence à le dire tout tranquillement sans savoir pourquoi ! |
Are the "I" and the ego the same thing ?
Generally they are.
How does it happen that there are people who think one thing and say another?
Yes, that often happens. They think one thing and when they begin talking they say just the contrary. If thought controlled the tongue, many stupidities would be avoided. You lose control and on impulse you speak any kind of nonsense, it is like a machine that begins talking for the pleasure of talking. That seems like an absurdity, but it is happening all the time. There are very few people who do not fall prey to it. They say all kinds of things and they ask, "Why did I say all that ?" They do not even know why. I know people who always say what another wants to hear. The person addressed says to himself: "He is going to tell me this or that," or he fears : "I hope he will not tell me that," and the other one, like an obliging puppet, begins to tranquilly mouth the anticipated without knowing why !
Is it because of a lack of will?
No, it is a mental deformation. There is not much will exerted in it. If the will does intervene, it becomes less absurd, perhaps. No, they are mental movements, a formation of the mind, a mental force that moves all the time, that comes and goes, like a squirrel in a cage who runs round and round without knowing why.
Then is it a Universal play?
No, not very universal; it is of humanity, it is very human. How many human beings have a thought of their own ? I don't believe there are any in the ordinary humanity with the ordinary mental make-up. How |
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Est-ce à cause d'un manque de volonté ?
Non, c'est la déformation mentale. Il n'y a pas beaucoup de volonté là-dedans. Si la volonté intervient, cela devient moins absurde, peut-être. Non, ce sont des mouvements du mental, la formation du mental, la force mentale qui bouge tout le temps, qui va, qui vient, comme un écureuil dans une cage qui court, qui court, et qui ne sait pas pourquoi.
Alors, c'est un jeu universel ?
Non, pas très universel, c'est de l'humanité, c'est très humain.
Combien d'êtres ont-ils une pensée propre ? Je crois bien qu'il n'y en
a pas dans l'humanité ordinaire avec la mentalité ordinaire. Combien
d'êtres ont-ils une pensée parce qu'ils ont réfléchi ? Très peu, et s'ils en
ont, on considère qu'ils sont terriblement durs, ou remarquablement intelligents, ou despotiques ou autoritaires — on les couvre de toutes sortes
de compliments ! Et cela, simplement parce qu'ils ont une façon précise
de penser.
Prenons n'importe quelle idée générale, par exemple : "Le monde
a-t-il une durée indéfinie, ou, est-ce qu'il commence et est-ce qu'il finit ?"
Qui a une pensée précise à ce sujet ? Ou encore : "Comment cette terre
a-t-elle commencé et comment l'humanité a-t-elle commencé sur la
terre ?" Le mental est incapable de résoudre cette question, il se trouvera
devant une quantité indéfinie de possibilités et il ne saura pas choisir.
Alors, que fait-il, que choisit-il ? — une préférence personnelle, la pensée
qui lui donne une sensation agréable, confortable; il dit : "Oui, ce doit
être cela." Mais si vous êtes tout à fait honnête et scrupuleux et que vous
ne laissiez pas vos préférences entrer en jeu, comment déciderez-vous ?
C'est un sujet assez proche de l'humanité pour qu'elle s'y intéresse, n'est ce pas, la terre est son domaine ! Bon, si vous lisez un livre, il vous dira
une chose, si vous en lisez un autre, il vous dira autre chose. Puis les
religions s'en mêlent avec leurs théories et, de plus, elles vous diront que
telle et telle idée est la "vérité absolue" et qu'il faut y croire, autrement
vous serez damné. Vous lisez les hommes de science — ils vous diront des
choses scientifiques. Vous lisez les philosophes — ils vous diront des choses |
many persons have a thought because they have reflected over it ? Very few. If they do, they are considered terribly hard, or remarkably intelligent, or despotic or authoritative—they are covered with all sorts of compliments ! And that, simply because they have a precise fashion of thinking. Take any general idea, for example: Is the world's duration indefinite or has it a beginning and an end ?" Who has a precise thought on this subject ? Or again; "How did the earth begin and how did humanity commence on earth ?" The mind is incapable of resolving this question : it will find itself before an indefinite number of possibilities and would not know how to choose. Then what does it do, how does it choose ?—by personal preference, the thought that gives it an agreeable, a comfortable feeling; it says, "Yes, that must be it." But if you are ' quite honest and scrupulous and do not give way to your preferences, how would you decide ? It is a subject close enough to humanity for it to take an interest in it, isn't it ?—Earth is, after all, its domain. Well, if you read a book, it will tell you one thing; if you read another, it will tell you another thing. And then the religions mix in the matter with their theories, and, moreover, they tell you that such and such an idea is the "absolute Truth" and you must believe it, otherwise you will be damned ! You read the scientists—they will tell you scientific things. You read the philosophers—they will tell you philosophical things. You read the spiritualists, they will give you a spiritual slant, and... you will be exactly at the same point from which you started. But there are people who like to have a kind of stability in their mind (precisely those who build "fortresses"—they like very much to be in a fortress, it gives them a comfortable sensation.) These then, make a choice; and if they have a sufficiently strong mental force, they make a choice out of a considerable number of ideas; then they trim it up for you, set up a strong wall by putting each thing at what they consider to be its proper place (that is to say, there must not be too many contradictions set too closely lest they clash ! It must make a coordinated organisation) and they affirm : "Now, I know !" They know nothing at all ! It is quite interesting, for the more the mental activity you have, the more you give yourself up to this petty game. And the ideas to which one fastens !—gripping them as though all life depended upon it ! I have known people who fixed upon one central idea and said: "All the rest |
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philosophiques. Vous lisez les spiritualistes, ils vous feront de la spiritualité et... vous en serez exactement au même point qu'avant de partir. Mais il y a des gens qui aiment avoir une sorte de stabilité dans la tête (justement ceux qui font des "forteresses" — ils aiment bien être dans une forteresse, cela leur donne une sensation confortable), alors ils font un choix, et s'ils ont une force mentale suffisante, ils font un choix entre une quantité considérables d'idées; puis ils vous arrangent cela, ils en font un bon mur, en mettant chaque chose à ce qu'ils considèrent être sa place (c'est-à-dire qu'il ne faut pas trop de contradictions l'une près de l'autre, sinon cela s'entrechoque : il faut que cela fasse une organisation convenable) et ils vous disent : "Maintenant, je sais !" — Ils ne savent rien du tout ! C'est tout à fait intéressant, car plus on a d'activité mentale, plus on se livre à ce petit jeu. Et il y a des idées auxquelles on tient ! On y est accroché comme si toute la vie en dépendait. J'ai connu des personnes qui avaient mis au centre de leur formation une idée, et qui disaient : "Tout le reste peut s'écrouler, cela m'est égal, mais cette idée-là ne bougera pas — c'est la vérité." Et quand elles viennent au yoga (et c'est le plus amusant de tout) c'est sur cette idée qu'elles reçoivent tout le temps des coups, constamment ! Tous les événements, toutes les circonstances viennent taper là-dessus jusqu'à ce que cela commence à chanceler, puis, un beau jour, elles disent avec désespoir : "Ah ! mon idée est partie". Quelqu'un a dit d'une façon assez poétique : "Il faut savoir tout perdre pour tout gagner." Et c'est vrai, surtout pour le mental, car si l'on ne sait pas tout perdre, on ne peut rien gagner.
Comment cette terre a-t-elle commencé?
Demandez aux savants, ils vous le diront !
Si, finalement, le progrès consiste à désapprendre tout ce que l'on
a appris, pourquoi apprendre?
Mais c'est comme pour la gymnastique. Vous faites toutes sortes
de mouvements pour former votre corps et le rendre fort, mais cela ne |
can go to pieces. I don't care, but this idea must stand—This is the Truth !" And when they come to Yoga (amusingly enough), it is this idea which is constantly battered, all the time ! All events, all circumstances come to hit upon it until it starts to totter, and then one fine day they say in despair : "Ah, my idea has left." Someone has said rather poetically, "One must know how to lose all to win all." And it is true, especially for the mind because if you do not know how to lose everything, you cannot gain anything.
How did this earth begin ?
Ask the scholars, they will tell you!
If, in the end, progress consists in unlearning all that one has learned, what is the use of learning?
But it is as in gymnastics. You make all kinds of movements to form your body and make it strong, but that does not mean that you will spend your whole life lifting weights and playing on parallel bars ! You may continue to do that as a distraction, as a pastime but it is not the supreme goal ! For the mind it is the same thing. To have a mind capable of progressing, of adapting itself to a new life, of opening itself to higher forces, one must make it go through all kinds of gymnastics. That is why children are sent to school, it is not in order that they may remember all that they learn— who remembers what he has learned ? When they are obliged to teach others, later on, they have to relearn it all, they have forgotten everything. It comes back quickly although they forgot it all. But if they had never gone to school, if they had never learned and had to begin everything anew... well, if you begin to do parallel bars at forty-five, it is a painful job, isn't it ? It is the same thing for the brain which lacks plasticity. Do you know what is the best gymnastic ? It is to have a daily conversation with a metaphysician because there is nothing concrete there. You cannot concentrate on anything that has a form, an objective reality, everything goes on in an exclusively verbal realm, an abstract domain. It is a purely mental |
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veut pas dire que vous allez passer toute votre existence à lever des poids et à faire des barres parallèles ! Vous pouvez continuer à le faire comme une distraction, comme une occupation, mais enfin ce n'est pas un but suprême. Pour la mentalité, c'est la même chose. Pour avoir un mental capable de progresser, de s'adapter à une vie nouvelle, de s'ouvrir à des forces supérieures, il faut lui faire faire toutes sortes de gymnastiques. C'est pour cela que l'on envoie les enfants à l'école, ce n'est pas pour qu'ils se souviennent de tout ce qu'ils apprennent—qui se souvient de ce qu'il a appris ? Quand ils sont obligés d'enseigner aux autres, plus tard, il faut qu'ils rapprennent tout, ils ont tout oublié. Cela revient vite, mais ils ont oublié, mais s'ils ne sont jamais allés à l'école, s'ils n'ont jamais appris et qu'ils doivent tout commencer... quand on commence à faire des barres parallèles à 45 ans, n'est-ce pas, cela fait mal. C'est la même chose, le cerveau manque de plasticité. Savez-vous quelle est la meilleure gymnastique ? C'est d'avoir une conversation quotidienne avec un métaphysicien, parce qu'il n'y a rien de concret, vous ne pouvez pas vous concentrer sur quelque chose qui ait une forme, une réalité objective; tout se passe, justement, exclusivement avec des mots, dans le domaine de l'abstraction, c'est une gymnastique purement mentale. Et si vous pouvez entrer dans la formation mentale d'un métaphysicien et arriver à comprendre et à lui répondre, c'est une gymnastique parfaite !
(un disciple mathématicien)
C'est la même chose pour les mathématiciens, je suppose !
Oui.
Si au moment de la mort, le vital est attaqué dans le monde vital
par des forces ou des entités hostiles, ne cherche-t-il pas un abri
quelque part?
Oui, c'est pour cette raison que l'on recommande dans tous les pays
et dans toutes les religions de se rassembler pendant sept jours, au moins, |
gymnastic. And if you can enter into the mental formation of a metaphysician and are able to understand and answer him, it is a perfect gymnastic ! (A mathematician disciple)
It is the same with regard to the mathematicians, I suppose?
Yes.
If at the time of death the vital being is attacked in the vital world by hostile forces or entities, does it not look for a shelter somewhere?
Yes, it is for this reason that in all countries and in all religions, following the death of someone, it is recommended that for a period of at least seven days, the deceased be a subject of concentrated recollection. Because when you think of him with affection (without any inner disorder, without weeping, without any of those distraught passions), if you can be quiet, your atmosphere becomes a kind of beacon for him, and when he is attacked by hostile forces (I speak of the vital being and not the psychic being that is going to its repose), he may feel altogether lost, not know what to do and find himself in great distress, then he sees by affinity the light of those who are thinking of him with affection and he rushes there. It happens almost constantly that a vital formation, a part of the vital being of the person who is dead (or at times the whole vital if it is well organised) takes shelter in the aura, in the atmosphere of the people or of the person who had loved him. There are persons who always carry with them a part of the vital of one who is gone. That is the real utility of these so-called ceremonies, which otherwise have no sense. It is preferable to do this without the ceremonies—ceremonies are, if anything, rather harmful for a very simple reason : when you are busy making gestures, movements, following a ritual, you think much more of all that than of the person who is dead. Moreover, people use these ceremonies most of the time, for that very reason—their continual habit of trying to forget. The fact is that one of the two principal occupations of man is to try to forget what is painful, the other is to try to hunt for distractions |
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après la mort de quelqu'un pour penser à lui. Parce que, quand vous pensez à lui avec affection (sans désordre intérieur, sans sanglots, sans toutes ces passions désespérées), si vous pouvez être tranquille, votre atmosphère devient comme un phare pour lui, et quand il est attaqué par des forces hostiles (je parle de l'être vital, n'est-ce pas, pas de l'être psychique, qui va se reposer), il peut se sentir tout à fait perdu, ne pas savoir que faire et être en grande détresse; alors il voit, par affinité, la lumière de ceux qui pensent à lui avec affection et il se précipite là. Il arrive presque constamment qu'une formation vitale, une partie du vital de la personne qui est morte (ou parfois la totalité du vital s'il est bien organisé) se réfugie dans l'aura, dans l'atmosphère des gens ou de la personne qui l'ont aimé. Il y a des personnes qui portent toujours avec elles une partie du vital de celui qui est parti. C'est cela l'utilité réelle de ces soi-disant cérémonies, qui n'ont pas de sens autrement. Il est préférable de le faire sans cérémonies — les cérémonies sont plutôt nuisibles, pour une raison très simple : quand on est occupé à faire une cérémonie, on pense plus à elle qu'à la personne. Quand on est occupé à faire des gestes, des mouvements, à suivre un rituel, on pense beaucoup plus à tout cela qu'à la personne qui est morte. D'ailleurs, les gens le font pour cela, la plupart du temps, car ils ont une très constante habitude d'essayer d'oublier. Le fait est que l'une des deux principales occupations de l'homme, est d'essayer d'oublier ce qui lui est pénible, et l'autre, d'essayer de se distraire pour échapper à l'ennui. Ce sont les deux principales occupations de l'humanité, c'est-à-dire que l'humanité passe la moitié de son temps à ne rien faire de vrai. Et quand les gens s'ennuient (certains ne sont pas dans la nécessité absolue de s'occuper, ou ils ont le malheur d'être riches) ils font des bêtises ! L'origine de tous les débordements, de toutes les stupidités humaines est l'ennui, ce que l'on appelle en anglais "dullness", cet état où l'on est comme un chiffon mouillé : on ne réagit plus à rien et on est obligé de se fouetter (au figuré) pour se faire bouger et marcher. Dans l'économie de la Nature, des moments de répit sont donnés pour que les hommes se retrouvent eux-mêmes, mais ils ne savent pas s'en servir. |
to escape boredom. These are the two principal occupations of humanity. That is to say, humanity spends half of its time in doing nothing that partakes of the true. When people get bored (some are not bound by the absolute necessity of keeping busy, or have the misfortune of being rich) they do silly things ! The origin of all excesses, all stupidity in man is boredom, what is called dullness in English, the state in which you are like a damp rag. You do not react to anything and you are compelled to whip yourself (figuratively) just to make yourself move and get about. In Nature's economy, moments of respite are given to men to recoup themselves but they do not know how to make use of them.
While reviewing the conclusion of this talk, the Mother made the following reflection (10.3.65):
I would say many things now... like... when, for example, the Lord approaches most closely to men, to establish a conscious relation with them, it is then that in their folly they commit the grossest stupidities. This is true, altogether true, it is at the moment when all is silenced in order that man may become conscious of his Origin that he, in his folly, in order to distract himself conceives or carries out the worst stupidities.
To distract himself because he is unable to bear the force of the Light ?
Yes.
The pressure is too strong.
Yes, there are those who are afraid, they are panic-stricken. They cannot support it so they turn to anything whatsoever to get out of it . THE MOTHER
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En revoyant la fin de cet Entretien, Mère a fait la réflexion suivante (le 10 mars 1965):
Je dirais beaucoup de choses maintenant...
Ainsi, lorsque le Seigneur s'approche le plus près des hommes pour
établir un rapport conscient avec eux, dans leur folie, c'est à ce moment-là qu'ils font les plus grosses bêtises.
C'est vrai, c'est tout à fait vrai, c'est au moment où tout se tait pour
que l'homme devienne conscient de son Origine, que, dans sa folie, pour
se distraire, l'homme conçoit ou exécute les pires stupidités.
Pour se distraire parce qu'il ne peut pas supporter la force de la Lumière ?
Oui.
La pression est trop forte.
Oui, il y en a qui ont peur, ils s'affolent. Ils ne peuvent pas le supporter, alors ils font n'importe quoi pour se sortir de là.
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Commentaires sur les Aphorismes de Sri Aurobindo
(suite)
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Tout ce qui dépasse son niveau semble dur à l'homme, et c'est dur, en effet, pour son seul effort et sans aide; mais la même chose devient facile aussitôt, et simple, quand Dieu en l'homme prend le travail en main.
C'EST parfait.
Justement, j'écrivais quelque chose il y a deux ou trois jours, en réponse à une question, et je disais à peu près ceci : Sri Aurobindo est le Seigneur, mais seulement une partie du Seigneur, pas le Seigneur dans Sa totalité, parce que le Seigneur est tout — tout ce qui est manifesté et tout ce qui n'est pas manifesté. Puis j'ai mis : Il n'y a rien qui ne soit le Seigneur, rien — there is nothing —, il n'y a rien qui ne soit le Seigneur, mais très rares ceux qui sont conscients du Seigneur. Et c'est cette inconscience de la création qui constitue son Mensonge. C'était tout d'un coup si évident : "Voilà ! voilà !" — comment est venu le Mensonge ? mais c'est cela, c'est l'inconscience de la création qui constitue le Mensonge de la création. Et dès que la création redeviendra consciente d'être le Seigneur, le Mensonge cessera. Et c'est cela, n'est-ce pas : tout est difficile, tout est laborieux, tout est pénible, tout est douloureux, parce que tout est fait en dehors de la conscience du Seigneur. Mais quand Il reprendra possession de Son domaine (ou plutôt qu'on Lui laissera reprendre possession de Son domaine) et que ce sera dans Sa conscience, avec Sa conscience que les choses seront faites, tout deviendra, non seulement facile, mais merveilleux, glorieux — et dans une joie inexprimable. |
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C'est venu comme une évidence. On dit : "Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que l'on appelle le Mensonge ? pourquoi la création est-elle mensongère ?" Ce n'est pas une illusion au sens où ce serait inexistant — c'est tout à fait existant, mais... ce n'est pas conscient de ce que c'est ! Non seulement pas conscient de son origine, mais pas conscient de son essence, de sa vérité — ce n'est pas conscient de sa vérité. Et c'est pour cela que ça vit dans le Mensonge. Cet aphorisme est magnifique. Il n'y a rien à dire, n'est-ce pas, ça dit tout.
Le 3 mars 1965
One may have ego about the work, even if the work itself comes from the Mother. The ego of the instrument is one of the things against which there must be special care in the Yoga. SRI AUROBINDO
On peut avoir un ego dans le travail, même si le travail vient de la Mère. L'ego de l'instrument est l'une des choses dont il faut se méfier le plus dans le Yoga.
SRI AUROBINDO
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Thoughts and Aphorisms
109
All things seem hard to man that are above his attained level and they are hard to his unaided effort; but they become at once easy and simple when God in man takes up the contract.
IT is perfect. Just two or three days ago I wrote something in reply to a question and I said somewhat like this : Sri Aurobindo is the Lord, but only a part of the Lord, not the Lord in His totality, because the Lord is the all—all that is manifested and all that is not manifested. And then I added : There is nothing that is not the Lord, nothing—there is nothing that is not the Lord, but very few are those that are conscious of the Lord. And it is this unconsciousness in the creation that constitutes its Falsehood. All at once it was so evident: There ! There !—how did the Falsehood come in ? But it is this, it is the unconsciousness of the creation that constitutes the Falsehood of the creation. And as soon as the creation will become conscious again of being the Lord, the Falsehood will cease. It is that, is it not so ? All is difficult, all is laborious, all is painful, all is grievous, because all is done outside the consciousness of the Lord. But when He will again take possession of His domain (or rather when He will be allowed to take possession of His domain back again) and when things will be done within His consciousness, with His consciousness, then all will become not only easy, but wonderful, glorious—and in an inexpressible delight. It came like an evidence. People ask : "What is this, what is it called Falsehood ? Why is the creation false ?" It is not an illusion in the sense that it is non-existent—it is quite existent, but... it is not conscious of |
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what it is ! Not only not conscious of its origin, but not conscious of its essence, of its truth—it is not conscious of its truth. And that is why it lives in the Falsehood. This aphorism is magnificent. There is nothing to say, it says every- thing.
3-3-1965
The impersonal worker puts his best capacity, zeal, industry into the work, but not his personal ambitions, vanity, passions. He has always some- thing in view that is greater than his little personality and his devotion or obedience to that dictates his conduct. SRI AUROBINDO
Le travailleur impersonnel met toutes ses capacités, son zèle, son ingéniosité dans le travail, mais non ses ambitions personnelles, sa vanité, ses passions. Il a toujours en vue quelque chose qui est plus grand que sa petite personnalité, et c'est sa dévotion ou son obéissance à Cela, qui dicte sa conduite. SRI AUROBINDO
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Le 12 janvier 1965
...LE tout est de tenir le coup. Et pour tenir le coup, je n'ai trouvé qu'un seul moyen, c'est ce Calme, le calme intérieur — un calme qui doit se faire d'autant plus ... comment dire ? complet, que la lutte est plus matérielle. Il y a eu ces temps derniers (surtout depuis le premier janvier) une 'espèce de bombardement des forces adverses—une rage, tu sais. Alors, il faut se tenir comme cela (Mère devient immobile comme une statue), c'est tout. Et quand on a été secoué physiquement, il ne faut pas trop demander au corps, il faut lui donner beaucoup de tranquillité, beaucoup de repos.
La difficulté, c'est que je suis très absorbé par l'état de ce corps, il me prend beaucoup de conscience — le mental physique, par exemple, m'envahit complètement.
Oui, je le sais bien. Mais c'est toujours la difficulté, c'est la difficulté de tout le monde. C'est pour cela que dans le temps on vous disait : "Allez-vous en ! laissez cela tranquille barboter— allez-vous en." Mais nous n'avons pas le droit de le faire, c'est le contraire de notre travail. Et tu sais, on arrive très bien à une liberté presque absolue à l'égard de son corps, au point que l'on peut ne rien sentir, rien, mais je n'ai même plus le droit de m'extérioriser, figure-toi ! Même quand j'ai assez mal ou que les choses sont assez difficiles, ou même quand je suis un peu tranquille, c'est-à-dire la nuit, et que je me dis : "Oh ! m'en aller dans mes béatitudes" — cela ne m'est pas permis. Je suis liée là (Mère touche son corps). C'est là, là, qu'il faut réaliser.
Il n'y a que de temps en temps, pour une action précise (quelquefois cela vient comme un éclair, quelquefois quelques minutes seulement) |
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le grand Pouvoir d'avant, qui était constamment senti, vient, Brrm ! fait son travail, puis s'en va. Mais jamais sur ce corps. Jamais il ne fait rien pour ce corps — ce n'est pas une intervention supérieure qui changera, c'est... du dedans. Et c'est la même chose qui t'arrive et qui arrive à tous ceux qui font le travail, et c'est la difficulté. C'est pour cela que je te dis : "Cela ne fait rien, ne te tourmente pas si tu es occupé de ton corps : tâche seulement de profiter de cela — profiter de cette préoccupation — pour y amener la Paix, la Paix." Constamment, c'est comme si je t'enveloppais d'un cocon de paix. Et alors, si tu pouvais, justement dans ce mental qui vibre, bouge tout le temps — vraiment comme un singe—si tu pouvais y mettre... c'est une Paix qui agit directement dans cette vibration matérielle — une Paix où tout se détend. Ne pas penser — pas penser à vouloir transformer ce mental physique ou à le faire taire ou à l'abolir : tout cela, c'est encore de l'activité. Simplement, le laisser marcher, mais.. .mettre la Paix, sentir la Paix, vivre la Paix, connaître la Paix—la Paix, la Paix.. C'est la seule chose. LA MÈRE
Derrière toutes les destructions — que ce soient les immenses destructions de la Nature, tremblements de terre, éruptions volcaniques, cyclones, inondations, etc., ou les violentes destructions humaines, guerres, révolutions, émeutes — se trouve le pouvoir de Kâlî, qui, dans l'atmosphère terrestre, travaille à hâter le progrès de la Transformation. Tout ce qui est non seulement d'essence divine, mais aussi divin dans sa réalisation, est par sa nature même au-dessus de ces destructions et ne peut être touché par elles. Ainsi, l'étendue du dommage donne la mesure de l'imperfection. La vraie manière d'empêcher la répétition de ces destructions, est d'apprendre leur leçon et de faire le progrès nécessaire.
10-3-1965 LA MÈRE |
12th January 1965
...THE whole thing is to hold on. And to hold on, I have found only one way, it is this Calm, the inner calm—the calm that is to become all the more.. .how to say? complete, as the struggle is more material. There has been for sometime past (particularly since the first January) a kind of bombardment of adverse forces—a fury, you know. Then you must feel like that (Mother becomes immobile like a statue), that is all. And when physically you have been much shaken, you must not ask too much of the body, you must give it a good deal of tranquillity, a good deal of rest.
The difficulty is that I am very much absorbed by the condition of this body, it takes away much of my consciousness—the physical mind, for example invades me completely.
Yes, I know it very well. But that is always the difficulty, the difficulty of everyone. That is why in the past they used to tell you : "Get away ! leave it alone to flounder about—you get away" . But we have no right to do that, it is contrary to our work. You know, you can arrive very well at an almost absolute freedom with regard to the body, so much so, that you can feel nothing, nothing at all, but I have no more the right to exteriorise myself, just imagine ! Even when I am quite unwell or things are quite difficult or even when I am left a little quiet, that is say, at night and I say to myself: "Oh, to go into my blissfulness"—it is not permitted. I am bound there (Mother touches her body). It is there, there, it is to be realised. It is for that. Only from time to time, for a precise action (sometimes it comes like a lightning, sometimes for a few minutes only), the great Power that was there before, that used to be constantly felt, comes rushing, does its work. |
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and goes away. But never on this body. Never does it anything for this body—it is not a higher intervention that will change, it is from within. The same thing is happening to you, it happens to everybody who does the work, that is the difficulty. That is why I tell you: It does not matter, do not worry if you are occupied with your body; only try to profit by that—profit by this preoccupation—to bring into it Peace and Peace. Always it is as though I was enveloping you within a cocoon of peace. And then, if you could precisely put into this mind that vibrates, stirs all the while, truly like a monkey—if you could put in there...this Peace which acts directly into the material vibration—a Peace in which everything relaxes. Do not think—do not think of trying to transform the physical mind or to silence it or abolish it, all that is still activity. Simply let it go on, but put the Peace, feel the Peace, live the Peace, know the Peace—the Peace, the Peace. That is the only thing. THE MOTHER
Behind all the destructions—the big destructions of Nature —earthquakes, volcanic eruptions, cyclones, floods etc... or the human destructions—wars, revolutions, riots,—there is always Kali's power and upon earth Kali works for the hastening of the terrestrial progress. Whatever is Divine not only in its essence but also in its realisation is above these destructions and cannot be touched by them. In all cases the extent of the damage gives the measure of the imperfection and must be taken as a lesson for indispensable progress. 10-3-1965 THE MOTHER |
Le genre humain tolère et accepte l'existence d'êtres supérieurs seulement s'ils sont à son service.
14-2-1965 LA MÈRE
Dans ce monde matériel, pour l'homme, l'argent est plus sacré que la Volonté Divine.
12-3-1965 LA MÈRE
Nous ne luttons contre aucune croyance, aucune religion. Nous ne luttons contre aucune forme de gouvernement. Nous ne luttons contre aucune caste, aucune classe sociale. Nous ne luttons contre aucune nation, aucune civilisation. Nous luttons contre la. division, l'inconscience, l'ignorance, l'inertie et le mensonge. Nous nous efforçons d'établir sur la terre l'union, la connaissance, la conscience, la vérité, et nous luttons contre tout ce qui s'oppose à l'avènement de cette création nouvelle de Paix, de Vérité et d'Amour.
16-2-1965 LA MÈRE |
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The human race tolerates and accepts superior beings only on condition that they are at its service. 14-2-1965 THE MOTHER
In this material world, for men, money is more sacred than the Divine's Will. 12-3-1965 THE MOTHER
We do not fight against any creed, any religion. We do not fight against any form of government. . We do not fight against any caste, any social class. We do not fight against any nation or civilisation. We are fighting division, unconsciousness, ignorance, inertia and falsehood. We are endeavouring to establish upon earth union, knowledge, consciousness, truth; and we fight whatever opposes the advent of this new creation of Light, Peace, Truth and Love. 16-2-1965 THE MOTHER
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No error can be more perilous than to accept the immixture of the sexual desire and some kind of subtle satisfaction of it and look on this as a part of the sadhana. It would be the most effective way to head straight towards spiritual downfall and throw into the atmosphere forces that would block the supramental descent, bringing instead the descent of adverse vital powers to disseminate disturbance and disaster. This deviation must be absolutely thrown away, should it try to occur and expunged from the consciousness, if the Truth is to be brought down and the work is to be done.
SRI AUROBINDO
Il n'est pas d'erreur plus périlleuse que d'accepter l'intrusion du désir sexuel et sa satisfaction subtile sous une forme quelconque, et de les considérer comme parties de la sâdhanâ. Ce serait le moyen le plus efficace d'aller droit vers une chute spirituelle et de précipiter dans l'atmosphère des forces qui bloqueraient la descente supramentale en provoquant à sa place la descente de puissances vitales adverses qui sèmeraient le trouble et le désastre. Il faut absolument rejeter cette déviation, si elle essaie de se produire, et la re- pousser de la conscience, pour que la Vérité puisse se manifester et l'œuvre s'accomplir. SRI AUROBINDO |
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Sri Aurobindo — His Life and Work
Sri Aurobindo in Bengal — IX
"Grave and silent — I think without saying a single word— Mr. Aravinda Ghose took the chair, and sat unmoved, with far-off eyes, as one who gazes at futurity. In clear, short sentences, without eloquence or passion, Mr. Tilak spoke till the stars shone out and some one kindled a lantern at his side..." — Mr. Nevinson (The New Spirit in India)
THE above remark from a perceptive foreigner gives a vivid description of Sri Aurobindo in his characteristic pose and poise at the Nationalist Conference at Surat. "...sat unmoved, with far-off eyes, as one who gazes at futurity"—a description which whosoever saw Sri Aurobindo anywhere at close quarters would readily bear out. Surat Congress was broken, the Nationalists and the Moderates had drifted apart, and the dim hopes of a united Congress were extinguished for many a long year to come. But the fracas and turmoil, and the momentous sequel to the disruption of the Congress failed to shake the Yogic poise, the Yogic equality, samattwa, of Sri Aurobindo. He did not live from moment to moment, and attached not himself to the passing events, but looked unmoved through them to the great future he was commissioned to shape. Beyond the dust and din of the present, and undeterred by them, he pursued the inner light to which he had surrendered himself. There is no fear or failure for the eye that sees, and no disappointment for the heart that knows and reposes in the Divine Will. Dwelling in the Eternal, the Yogi shares the Eternal's delight in Its unfolding play in the flux of time. Describing the Yogic samattwa in his book. The Synthesis of Yoga., Sri Aurobindo writes : "We shall have the... equality of mind and soul towards all happenings, painful or pleasurable, defeat and success, honour and disgrace, good repute and ill-repute, good fortune and evil fortune. For in all happenings we shall see the will of the Master of all works and |
Sri Aurobindo—Sa vie et son œuvre
Sri Aurobindo au Bengale—IX
"Grave et silencieux, sans un seul mot me semble-t-il. Monsieur Arabinda Ghose prit la présidence, impassible, les yeux perdus au loin, comme quelqu'un qui contemple l'avenir. Monsieur Tilak, s'exprimant en phrases claires et courtes, sans éloquence ni passion parla jusqu'à ce que les étoiles commencent à scintiller et que quelqu'un allume une lanterne à son côté..." Mr. Nevinson (The New Spirit in India) 1LA remarque ci-dessus, venant d'un étranger à l'esprit ouvert, donne une description vivante de l'attitude caractéristique de Sri Aurobindo à la conférence nationaliste de Sûrat, "...impassible, les yeux perdus au loin, comme quelqu'un qui contemple l'avenir". Cette description, quiconque a vu Sri Aurobindo de près la confirmera sans hésitation. Le Congrès de Sûrat avait échoué, les nationalistes et les modérés s'éloignaient les uns des autres, et le faible espoir qui avait pu exister d'une unification du Congrès se trouvait écarté pour de nombreuses années. Mais ni le bruit et l'agitation, ni les importantes conséquences de la rupture du Congrès ne pouvaient ébranler l'équilibre yoguique de Sri Aurobindo ni son égalité d'âme yoguique (samattva). Il ne vivait pas au jour le jour, ne s'attachait pas à l'actualité mais contemplait, impassible, le grand avenir qu'il avait la charge de modeler. Il suivait la flamme intérieure à laquelle il s'était consacré, sans que l'ébranlé l'agitation du moment avec son vacarme et sa poussière. Il n'y a ni crainte ni échec pour l'œil qui sait voir, pas de déception pour le cœur qui connaît la volonté divine et s'y remet. Vivant en l'Éternel, le yoguî partage la joie que l'Éternel prend dans le déroulement de son jeu au cours du temps.
1 Le Nouvel Esprit en Inde. |
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results and a step in the evolving expression of the Divine." A mighty step had been taken, "...a new spirit, a different and difficult spirit, had arisen in the country," says Nevinson. History was being made. The National Congress, after the Surat session, became the close preserve of the Moderates, who served the country as best they could, consistently with their avowed loyalty to the British crown and their implicit faith in British justice. But they did not represent the intense yearning for freedom and the burning love for the motherland, which had been generated since 1905. They could not—they did not much bother to—carry the people with them. Their ranks began to thin, and their annual sessions were attended only by a dwindling number of men. The Nationalists, on the other hand, were dispersed in several groups, indignant and disorganised, and most of them, at least those who were ardent and daring, took to secret revolutionary activities, and some to terrorism as the only means of winning freedom. The blind fury of vindictive repression made its desperate bid to stamp out the spirit of freedom, stone blind to the historic fact that the spirit of freedom, once kindled, can never be stamped out. Lajpat Rai and Bepin Pal were away from India, Sri Aurobindo was soon clapped into Alipore jail as an under-trial prisoner, and Tilak was in deportation in Mandalay. Absence of the top-most leaders and an intensification of the repressive measures by the Government forced the nationalist fire to sink. But the fire did not die out; it smouldered on, and the secret revolutionary activities grew apace, sporadic but violent, till 1914, when Tilak returned from Mandalay and joined hands with Annie Besant, and gave a fresh impetus and a new direction to the national urge for freedom. Sri Aurobindo had been feeling at this time the need of a guidance and a new direction in his Yoga. Though, as we learn from his confidential letters to his wife, he was being led by the Divine within, he had arrived at a stage when a crucial experience alone could clear the way for further advance. It was almost like Sri Ramakrishna's acceptance of the spiritual help of the Naga Yogi, Totapuri, or of the Tantric Yogini, Bhairavi. Sri Aurobindo expressed his wish to consult a Yogi to Barin, his younger brother. Barin procured the address of Yogi Vishnu Bhaskar Lele 1 and wired to him at Gwalior to come to Baroda and see Sri
1 Vishnu Bhaskar Lele was a fire-brand nationalist in his youth, but his contacts with a few spiritual persons converted him to the life of a Yogi. |
Dans son livre La Synthèse des Yogas, Sri Aurobindo décrit ainsi le samattva yogique : "Nous accueillerons... d'une âme égale et du même esprit tout ce qui arrivera, que ce soit pénible ou agréable, l'échec comme le succès, les honneurs comme la honte, la réputation qu'elle soit bonne ou mauvaise, la bonne comme la mauvaise fortune. Nous verrons dans tout ce qui arrive la volonté du Maître de tout travail et de tout résultat, une étape du développement de l'expression du Divin." Un grand pas avait été fait. Nevinson dit : "...un esprit nouveau, un esprit différent et peu commode avait surgi dans le pays." Le moment était historique. Après la session de Surat le Congrès national devint la chasse gardée des modérés, qui servaient leur pays de leur mieux, avec une fidélité avérée à la couronne britannique et une confiance aveugle en la justice britannique. Mais ils ne montraient rien du désir ardent de liberté et du patriotisme passionné qui s'étaient dégagés depuis 1905. Ils ne pouvaient pas entraîner le peuple et, d'ailleurs, s'en inquiétaient peu. Leurs rangs commencèrent à s'éclaircir, et leur assemblée annuelle avait de moins en moins de participants. Par ailleurs les nationalistes se trouvaient dispersés dans plusieurs groupes, ils étaient indignés et désorganisés. Aussi la plupart d'entre eux, surtout les ardents et les audacieux, s'engagèrent dans une activité révolutionnaire secrète, certains se livrant même au terrorisme, dans la conviction que là était la seule voie pouvant conduire à la liberté. Une répression vindicative s'efforça, avec une fureur aveugle, d'étouffer l'esprit de liberté, ignorant complètement que cet esprit une fois éveillé, ne peut jamais être étouffé. Lâjpat Raï et Bépin Pal n'étaient pas en Inde, Sri Aurobindo fut bientôt mis en prison préventive à est ce, et Tilak était déporté à Mandalay. L'absence des chefs principaux et l'intensification des mesures de répression du Gouvernement obligèrent le feu nationaliste à baisser. Mais le feu ne s'éteignait pas; il couvait et l'activité révolutionnaire secrète grandissait rapidement, sporadique mais violente. En 1914 Tilak revenant de Mandalay se joignit à Annie Besant pour donner une nouvelle impulsion et une nouvelle direction au désir national de liberté. A cette époque Sri Aurobindo sentait le besoin de conseils et d'un nouvel instructeur pour son yoga. Ainsi que nous pouvons le voir dans les lettres confidentielles qu'il envoyait à sa femme, il recevait du Divin une impulsion intérieure, mais il en était arrivé au stade où, seule, une |
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Aurobindo. Sri Aurobindo came to Baroda from Surat. Barin says in his autobiography that the Principal of the Baroda College had asked the students not to meet Sri Aurobindo or go to listen to his lectures, as he was a then a nationalist politician. But the students, who were devoted to Sri Aurobindo and had been so much inspired by his noble character and intense patriotism, could not obey the ban and ran out of their classes to meet him on his arrival. They unyoked the horses of his carriage and drew the carriage themselves. Sri Aurobindo delivered three lectures there on the political situation. Sardar Majumdar presented him with a Pashmina shawl as it was severe winter and he was only in cotton dhoti and shirt and had no wrapper to cover his body. He kept no bedding with him, and, while travelling by train, he slept on the bare, wooden bunk of a third class compartment and used his arm for a pillow. 1Sri Aurobindo met Lele on one of the closing days of December, I907 2 at the residence of Khasirao Jadav, where he and Barin were put up. Lele advised him to give up politics, but as it was not possible, he asked him to suspend it for a few days and stay with him. Accordingly, they closeted themselves in a room in Sardar Majumdar's house for three days. Let us now hear from Sri Aurobindo himself about his experiences during those three days:<c 'Sit down,' I was told, 'look and you will see that your thoughts come into you from outside. Before they enter, fling them back.' I sat down and looked and saw to my astonishment that it was so, I saw and felt concretely the thought approaching as if to enter through or above the head and was able to push it back concretely before it came inside. In three days—really in one—my mind became full of an eternal silence—it is still there3. " About Lele he said once that he was "a Bhakta with a limited mind but with some experience and evocative power4. Referring to the same experience, he says in Yoga II, Tome II : "From that moment, in principle, the mental being in me became a free intelligence, a universal Mind, not limited to the narrow circle of personal thought as a labourer in a thought factory, but a receiver of knowledge from all the hundred realms of being and free to choose what it willed in
1 Life of Sri Aurobindo, A. B. Purani. 2 Ibid. 3 & 4 Sri Aurobindo on Himself and on The Mother. |
expérience décisive pouvait ouvrir la voie à un nouveau progrès. C'était un peu comme l'acceptation par Shrî Râmakrishna de l'aide spirituelle de Totâpourî, le yoguî nu, et de Bhaïravî, la femme yoguî tantrique. Sri Aurobindo exprima à son jeune frère Bârin le désir de consulter un yoguî. Bârin se procura l'adresse du yoguî Vishnou Bhâskar Lélé 1 et lui télégraphia à Gwalior de venir voir Sri Aurobindo à Barodâ. Sri Aurobindo venait de Surat. Dans ses mémoires, Bârin raconte que le proviseur du collège de Barodâ avait demandé à ses élèves de ne pas voir le politicien nationaliste qu'était Sri Aurobindo et de ne pas assister à ses conférences. Mais les élèves, tout dévoués à Sri Aurobindo dont ils admiraient la noblesse de caractère et le patriotisme ardent, refusèrent d'obéir à l'interdit et quittèrent leurs classes pour l'accueillir. Ils dételèrent les chevaux de sa voiture, la tirant eux-mêmes. Sri Aurobindo fit là trois conférences sur la situation politique. Le Sardâr Majoumdâr lui fit cadeau d'un châle de laine car l'hiver était rude, il était en dhotî et chemise de coton, sans même une couverture. Il voyageait sans literie et, dans le train, couchait sur une banquette de bois de troisième classe avec son bras pour oreiller.2 Sri Aurobindo et Bârin logeaient chez Khasirao Jâdav, c'est là que Sri Aurobindo rencontra Lélé dans les derniers jours de décembre 1907.3 Le conseil de Lélé était d'abandonner la politique mais, comme cela n'était pas possible, il lui demanda de s'arrêter quelques jours et de rester avec lui. Finalement, ils s'enfermèrent pendant trois jours dans une pièce de la maison du Sardâr Majoumdâr. Voyons comment Sri Aurobindo parla lui-même de ses expériences pendant ces trois jours. "On me dit : "Asseyez-vous, regardez, et vous verrez que vos pensées viennent de l'extérieur, renvoyez-les avant qu'elles n'entrent." Je m'assois, je regarde, et, à mon grand étonnement, il en est bien ainsi; c'est concrètement que je vois et sens la pensée s'approcher comme pour entrer dans la tête ou au-dessus d'elle, c'est concrètement qu'il m'est possible de la repousser avant qu'elle n'entre. En trois jours, et en réalité dès le premier, mon mental s'est empli d'un silence éternel, et il y est encore.4 De Lélé il a dit que c'était : "Un bhakti-yoguî au mental limité mais ayant de l'expérience
1 Vishnou Bhâskar Lélé, farouche nationaliste pendant sa jeunesse, se convertit à la vie du yoguî au contact de quelques personnes spirituelles. 2 & 3 Vie de Sri Aurobindo par A. B. Pourânî. 4 Sri Aurobindo on Himself and on the Mother. |
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this vast sight-empire." Again in Tome I, On Yoga II, he says : "...A calm and silence that is what I had. The proof is that out of an absolute silence of the mind I edited the Bande Mataram for 4 months and wrote 6 volumes of the Arya, not to speak of all the letters and messages etc., etc. I have written since." Dwelling on the implications of the realisation, he says, "...we sat together and I followed with absolute fidelity what he instructed me to do, not myself in the least understanding where he was leading me or where I was myself going. The first result was a series of tremendously powerful experiences and radical changes of consciousness which he had never intended—for they were Adwaitic and Vedantic and he was against Adwaita Vedanta—and which were quite contrary to my own ideas 1, for they made me see with a stupendous intensity the world as a cinematographic play of vacant forms in the impersonal universality of the Absolute Brahman.2 "Evidently, it was an experience of what the Gita calls Brahma-Nirvana. The Akshara Brahman alone existed, all-pervasive, silent, passive, and immutable, and the world appeared as "a cinematographic play of vacant forms in the impersonal universality of the Absolute Brahman." It was this authentic, indubitable experience upon which the great Sankaracharya stood in his appraisement of the world, and in his interpretation of the scriptures. The world did appear to him as a cinematographic play, viśvam darpanadrśyamānanagarītulyam, a Maya, real and yet unreal. He could not deny his own concrete spiritual experience of the impersonal universal immutability of the Brahman, and against it of the world as a procession of phantom forms, appearing and disappearing in the silent stillness of the sole reality of the Brahman. He could deny neither. He, therefore, conceded only a phenomenal, practical reality, vyāvahārika satya, to the world, but not eternal or pāramārthika (spiritual). Renunciation of the world and the speedy adoption of the ascetic life of the recluse for a total self-extinction in the Brahman were the inevitable corollary of this dual experience—māyāmayam idam nikhilam hitwā. But if he had gone beyond this experience of the immutable impersonality of the Akshara Brahman, he could have seen and realised the spiritual reality of the world too. He could have said in the unambiguous words
1 Italics are ours. 2 Sri Aurobindo on Himself and on The Mother. |
et un pouvoir d'évocation."1 Au sujet de la même expérience, nous lisons dans le tome Il de On Yoga II : "A partir de cet instant mon être mental est devenu une intelligence libre, un mental universel, non plus limité par le cercle étroit de la pensée personnelle, à la manière d'un ouvrier dans une usine à idées, mais apte à acquérir la connaissance des cent domaines de l'existence et libre de choisir ce qu'il veut dans ce vaste panorama." Toujours dans On Yoga II mais dans le tome I nous lisons : "...un calme et un silence, voilà ce que j'avais. La preuve en est que ce silence absolu du mental m'a permis de rédiger le Bandé Mâtaram pendant quatre mois et d'écrire six volumes de l'Arya, sans parler de toutes les lettres, les messages, etc., etc. que j'ai écrits depuis." Insistant sur la portée de la réalisation, il écrit : "...nous étions assis ensemble et je suivais ses instructions avec une fidélité absolue, sans comprendre moi-même le moins du monde à quoi il tendait ni même où j'allais. Le premier résultat a été une série d'expériences terriblement puissantes et de transformations radicales dans la conscience qu'il n'avait jamais voulues (elles étaient de nature moniste védantine et il était opposé au monisme védantin), et qui étaient tout à fait contraires à mes idées:2 elles me faisaient en effet, avec une intensité formidable, voir le monde comme un spectacle cinématographique de formes vides dans l'universalité impersonnelle du Brahman absolu.3 Cette expérience était évidemment ce que la Guîtâ appelle le nirvana en Brahman. Seul existait le Brahman absolu présent partout, silencieux, passif et immuable et le monde paraissait "un spectacle cinématographique de formes vides dans l'universalité impersonnelle du Brahman absolu." C'est sur cette expérience authentique et indubitable, que le grand Shankarâchârya a fondé son appréciation du monde et son interprétation des livres sacrés. Le monde lui apparaissait comme un spectacle cinématographique, une Maya réelle et cependant sans réalité, viśvam darpanadrśyamānanagarītulyam. Il ne pouvait pas renier sa propre et concrète expérience spirituelle de l'immutabilité impersonnelle et universelle du Brahman et, se détachant sur elle, celle du monde, procession de formes fantomatiques apparaissant et disparaissant dans le calme silencieux de la réalité unique du Brahman. Il ne pouvait renier ni l'une ni l'autre. En
1 Sri Aurobindo on Himself and on the Mother. 2 C'est nous qui soulignons. 3 Sri Aurobindo on Himself and on the Mother. |
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of the Upanishads : ātmata eva idam sarvam, from the self and from nothing but the Self (eva) is this (world); ātmā abhūt sarvabhūtāni, the Self has become all these creatures and things. 1 He could have realised in the Purushottama, as the Gita makes abundantly clear and conclusive, or in the Purusha of the Veda and the Upanishads, the eternal oneness of Matter and Spirit, annam Brahma., of the Self and the universe, of unity and multiplicity, vidyā and avidyā. That would have been, indeed, the true, the perfect Adwaita without the bewildering, inexplicable shadow of Maya hanging about it. But that was not to be. That was not the Will of the Divine and the decree of the Time-Spirit. He had been commissioned to salvage the absolute reality of the Brahman out of the nebulous uncertainty and studied imprecision in which Buddhism had sunk it. He did a great service to Hinduism, and the greatness must not be impugned even if we find, as we certainly do in the light of the later developments of Hinduism, that his exclusive affirmation had to be supplemented and made all-embracing in order to reach the integral concept of the Purusha or the Purushottama. Each great soul comes to give to the world just what is needed at the moment, and nothing more. We shall treat of Sankara's philosophy of Brahman and Maya elaborately in a subsequent chapter.However, that was the experience Sri Aurobindo had when he sat with Lele for three days. He himself tells us that it was contrary to his own ideas, and, we can say, contrary to his natural inclinations too. For he was always, from the beginning, against life-negating or world-shunning Yoga. Later, as it is known to all, he travelled far beyond this initial, trenchant experience to the all-reconciling truth of the Supreme Person, Vāsudevah sarvam, purusāt na param kiñcit. Writing again on the same experience, he says :' "There was an entire silence of thought and feeling and all the ordinary movements of consciousness except the perception and recognition of things around without any accompanying concept or other reaction. The sense of ego disappeared and the movements of the ordinary life as well as speech and action were carried on by some habitual activity of Prakriti alone which was not felt as belonging to oneself. But the perception which remained saw all things as utterly unreal, this sense of unreality was overwhelming and universal. Only some undefinable Reality
1 Akshar āt sambhavati viśwam—The universe is born of the Akshara, the Immutable Absolute. |
conséquence il ne concédait au monde qu'une réalité pratique, phénoménale, vyāvahārika satya, et non une réalité éternelle et spirituelle, paramārthika. Le corollaire inévitable de cette double expérience devait être la renonciation au monde, l'adoption rapide de la vie ascétique de l'anachorète, en vue de sa propre disparition dans le Brahman, māyāmayam idam nikhilam hitwā. Mais s'il avait été au-delà de cette expérience de l'impersonnalité immuable du Brahman absolu, il aurait aussi pu voir et concevoir nettement la réalité spirituelle du monde. Il aurait pu dire, suivant les termes sans équivoque des Oupanishad : ātmata eva idam sarvam, ce (monde) vient du Moi et de rien d'autre que le Moi, ātmā abhūt sarvabhūtāni, le Moi est devenu toutes ces choses et toutes ces créatures.1 Avec le Pourousha des Véda et des Oupanishad, ou avec le Pouroushottama, ainsi que la Guîtâ le montre clairement et de manière concluante, il aurait pu concevoir nettement l'unicité éternelle de la matière et de l'esprit, annam brahma, du moi et de l'univers, de l'un et du multiple, de vidyā et avidyā2. Cela eût été vraiment, le monisme parfait, sans l'ombre déroutante et inexplicable de Maya. Mais non ! ce n'était pas la Volonté du Divin, l'heure n'était pas venue. Shankarâchârya avait la mission de sauver la réalité absolue du Brahman de l'incertitude nébuleuse et de l'imprécision étudiée où le bouddhisme l'avait plongée. Il a rendu un grand service à l'hindouisme et sa grandeur ne peut être mise en doute, même si nous constatons, à la lumière du développement ultérieur de l'hindouisme, que ses affirmations exclusives ont besoin d'être complétées et généralisées pour atteindre le concept intégral du Pourousha et du Pouroushottama. Toute grande âme vient apporter au moment voulu ce dont le monde a besoin, et rien de plus. Nous traiterons plus complètement dans un prochain chapitre, la question de la philosophie de Brahman chez Shankara. En tout cas, telle fut l'expérience de Sri Aurobindo pendant ses trois jours avec Lélé. Il nous dit lui-même que c'était contraire à ses idées, nous pouvons ajouter que c'était aussi contraire à ses tendances naturelles. Depuis le début il a toujours été opposé au yoga qui nie la vie ou qui fuit le monde. Ainsi que chacun le sait, il devait plus tard dépasser de loin
1 aksar āt sambhavati viśwam—l'univers est né de l'akshara, de l'absolu immuable.2 Les états de conscience avec et sans la connaissance. (Note du traducteur) |
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was perceived as true which was beyond space and time and unconnected with any cosmic activity, but yet was met wherever one turned. The condition remained unimpaired for several months and even when the sense of unreality disappeared and there was a return to participation in the world-consciousness, the inner peace and freedom which resulted from this realisation remained permanently behind all surface movements and the essence of the realisation was not lost. At the same time," here Sri Aurobindo comments on his later and fuller experiences, "an experience intervened : something else other than himself (Sri Aurobindo) took up this dynamic activity and spoke and acted through him but without any personal thought or initiation. What this was remained unknown until Sri Aurobindo came to realise the dynamic side of the Brahman, the Ishwara, and felt himself moved by that in all his sadhana and action. These realisations and others which followed upon them, such as that of the Self in all and all in the Self and all as the Self, the Divine in all and all in the Divine, are the heights ...to which we can always rise; for they presented to him no long or obstinate difficulty 1." But even this was not the end. There were other heights to scale, other victories to win. But we shall study these things when we come to study his spiritual life as a whole. We shall only quote here a short poem which he wrote much later on this initial experience of Nirvanic calm and silence :
NIRVANA
All is abolished but the mute Alone. The mind from thought released, the heart from grief Grow inexistent now beyond belief; There is no I, no Nature, known-unknown. The city 2, a shadow picture without tone,Floats, quivers unreal; forms without relief flow, a cinema's vacant shapes; like a reef Foundering in shoreless gulfs the world is done.
1 On Yoga II, Tome II. 2 He has the picture of the city of Bombay before him. We shall write about it in our next article. |
cette première et décisive expérience sur la voie de la vérité universelle de l'Être Suprême, vāsudevah sarvam. 1 purusāt na param kiñcit.2 Il dit encore, au sujet de la même expérience : "Il y avait un silence complet dans la pensée, les sensations et les mouvements ordinaires de la conscience, les objets environnants étaient perçus et reconnus sans évocation d'idée concomitante ou réaction quelconque. Le sens de l'ego avait disparu et les gestes de la vie ordinaire, comme la parole et l'action, étaient accomplis comme s'il s'agissait de l'activité habituelle de la seule Prakriti, sans intervention personnelle. Ce qui restait de perception voyait les choses comme si elles étaient entièrement irréelles, ce sens d'irréalité était irrésistible et universel. On ne percevait comme vraie qu'une Réalité indéfinissable, au-delà de l'espace et du temps, sans rapport avec une activité cosmique quelconque, et qu'on trouvait pourtant de quelque côté que l'on se tournât. Il en fut ainsi pendant plusieurs mois et même quand le sentiment d'irréalité disparut avec un certain retour de participation à la conscience du monde, la paix et la liberté intérieures demeurèrent en permanence derrière tous les mouvements de surface et l'essentiel de la conception acquise ne s'est pas perdu. En même temps une expérience survint (ici Sri Aurobindo parle de nouvelles expériences plus complètes), quelque chose d'autre que lui-même (Sri Aurobindo) s'empara de cette activité dynamique, parlant et agissant par lui mais sans qu'il y ait aucune pensée ni initiative de sa part. Ce que c'était demeura inconnu jusqu'à ce que Sri Aurobindo conçoive le côté dynamique de Brahman, l'Ishwara3, et en ressente l'impulsion dans toute sa sâdhanâ et tous ses actes. Ces conceptions, et d'autres qui s'y ajoutèrent telles que celles que le Moi est dans tout et que tout est dans le Moi et est le Moi, que le Divin est en tout et que tout est dans le Divin, sont des hauteurs... auxquelles nous pouvons tous atteindre, elles ne furent pour lui pas de grande difficulté."4 Mais ce n'était pas tout. D'autres hauteurs restaient à gravir, d'autres victoires à remporter. Nous les étudierons avec l'ensemble de sa vie spirituelle. Nous nous bornerons ici à citer un court poème sur sa
1 Vâsoudéva (Krishna) est tout. (Note du traducteur) 2 Rien n'est supérieur au Moi. (Note du traducteur) 3 Le Seigneur. (Note du traducteur) 4 On Yoga II, Tome II. |
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Only the illimitable Permanent Is here. A Peace stupendous, featureless, still Replaces all,—what once was I, in It A silent unnamed emptiness content Either to fade in the Unknowable Or thrill with the luminous seas of the Infinite. 1SRI AUROBINDO
We have allowed ourselves this digression and this long excursion into spiritual matters in order to understand the precise nature of the first decisive experience which Sri Aurobindo had with Lele—an initial but very powerful experience which became the granite base of his subsequent much wider and integrative realisations. (To be continued) 1 Collected Poems of Sri Aurobindo.
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première expérience du calme et du silence du nirvana, qu'il a d'ailleurs écrit beaucoup plus tard : Nirvana Tout est aboli sauf la Solitude muette. L'esprit libre de pensée et le cœur de peine Cessent d'exister, sans créance désormais; Il n'y a plus de moi, ni de nature, connue ou non. La ville 1, théâtre d'ombres sans couleurs,Flotte, frémissement irréel; des silhouettes sans relief Passent, formes vides sur l'écran; comme un récif Est le monde pataugeant dans un golfe sans plages Seul le Permanent sans bornes Est ici. Une Paix formidable, tranquille sans accident, Remplace tout, ce qui naguère fut moi est dans Cela Un vide sans nom, silencieux, satisfait Soit de se dissoudre dans l'Inconnaissable Soit de frémir avec les mers lumineuses de l'Infini.2
SRI AUROBINDO
Nous nous sommes permis cette digression et cette longue excursion dans le domaine spirituel afin de bien comprendre la nature exacte de la première expérience que Sri Aurobindo a eue avec Lélé. Cette première expérience très puissante a été la base solide de ses réalisations ultérieures, beaucoup plus vastes et plus complètes. (ā suivre) 1 Il avait devant lui un tableau de la ville de Bombay. Nous en parlerons dans notre prochain article. 2 Collected Poems de Sri Aurobindo. |
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Education Physical
The programme of physical education had been very much restricted this quarter as a result of the incident of the nth February. The Games tournaments were not started on the 1st March. The normal activities were also much curtailed as up to now we are not sending girls and children to the Sports Ground and all have to go home by 7-30 p.m.
The Attack on the Ashram
As has been widely reported, the Ashram, many of its departments and houses and connected industrial undertakings were attacked by violent mobs on the night of the nth February—during the Anti-Hindi demonstrations. A full report on this has already been published and widely distributed. The Mother also issued a Declaration which is published in this issue. All we can now add is that the damage has been repaired and departments are functioning as usual. We publish some pictures of the damage done by the mob and of the quick repairs made by us. The Ashram Post Office which was fully burnt and gutted was redone better than before, and was in operation again by the 2ist February.
Auroville
We publish in the issue some pictures of Auroville, our new project. This project which has been inspired by the 'DREAM' of the Mother is for a full township named after Sri Aurobindo, "Auroville", which is the "City of Dawn". This township, situated about 3 to 5 miles from the Ashram, will contain not only residential houses but also industrial establishments, an air strip, medical and educational buildings, guest houses, restaurants, shopping centres, an artist's colony, a labour colony, orchards, farms, flower gardens and all that goes to make up a complete town. There will be in addition separate Pavilions where the culture of different countries will be expressed in architecture and living. The last picture in this issue is a beautiful silhouette view of the Taj taken from the Agra Fort.
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Par ailleurs, les rencontres hebdomadaires du dimanche se sont poursuivies normalement.
Éducation physique
Le programme a été assez bouleversé du fait des événements du il février. Nos championnats n'ont pas commencé le Ier mars comme prévu. Les activités normales ont été elles aussi perturbées, car jeunes filles et enfants n'ont pu être envoyés au terrain des sports et tout le monde devait être rentré chez soi à 19h. 30.
L'attaque de l'Ashram
Dans la nuit du il février, à l'occasion des manifestations contre l'emploi du hindi, un grand nombre des bâtiments, maisons d'habitation, ateliers et magasins de l'Ashram ont été attaqués par une populace déchaînée. Un rapport sur ces événements a été publié et largement diffusé. La Mère a fait à ce sujet une déclaration que l'on trouvera dans ce numéro. Les dégâts ont été rapidement réparés et les activités normales ont repris partout. Le bureau de poste de l'Ashram, qui avait été incendié, a été remis entièrement à neuf et a pu ouvrir ses guichets le 21 février. On trouvera plus loin quelques photographies de ces incidents.
Auroville
On trouvera également dans ce numéro des photographies de notre nouveau projet d'Auroville. Ce projet, qui est inspiré du "Rêve" de la Mère, concerne une ville nouvelle, baptisée, d'après le nom de Sri Aurobindo, Auroville, ce qui veut dire la "Ville de l'Aurore". Située à une distance d'environ 5 km. de l'Ashram, elle comprendra, non seulement des maisons d'habitation, mais aussi des établissements industriels, une piste d'atterrissage, des écoles et centres médicaux, des hôtels, des restaurants, des magasins, une cité pour artistes, un centre pour les travailleurs, des vergers, des fermes, des jardins de fleurs et tout ce qu'il faut pour constituer une ville autonome. On y prévoit enfin des pavillons distincts où chaque pays pourra exprimer son génie propre par son architecture et son mode de vie. La dernière photographie représente une vue du Tâj Mahal prise du fort d'Agrâ. |
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Christmas — 1964 |
Noël 1964 |
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Terrace Darshan February 21, 1965 |
Le Darshan du 21 février 1965 sur la terrasse |
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The groups in formation |
Les groupes rangés après le défilé |
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Children's courtyard |
La cour des enfants |
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"Free Progress class" |
La classe de "libre progrès |
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Indoor games at the Library of Physical Education |
Jeux d'intérieur à la bibliothèque d'éducation physique |
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"Soup-time" for the Kindergarten class |
L'heure de la soupe à la classe enfantine |
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The Post-office after the fire |
Le bureau de poste après l'incendie |
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The Post-office renovated |
Réouverture du bureau de poste |
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Shri Aurobindo Ashram Delhi Branch |
La branche de Delhi de l'Ashram de Sri Aurobindo |
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The site for "Auroville" from various angles |
Vues du site d'Auroville |
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The site for "Auroville" from various angles |
Vues du site d'Auroville |
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The Taj Mahal seen from Agra Fort |
Le Tâj Mahal vu du Fort d'Âgra |
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