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ô Toi que je puis appeler mon Dieu, Toi qui es la forme personnelle de l'Éternel Transcendant, Cause, Source et Réalité de mon être individuel, Toi qui, à travers les siècles, les millénaires as lentement, subtilement pétri cette matière, pour qu'un jour elle puisse consciemment s'identifier à Toi, n'être plus que Toi, Toi qui m'es apparu dans toute Ta splendeur divine — cet être individuel avec toute sa complexité s'offre à Toi dans un acte d'adoration suprême; tout entier il aspire à s'identifier à Toi, à être Toi, être Toi éternellement, à s'immerger à jamais dans Ta Réalité. Mais est-il prêt pour cela? Ton œuvre est-elle totalement accomplie? Ne contient-il plus aucune ombre, aucune ignorance, aucune limitation? Pourras-Tu enfin prendre définitivement possession de lui et dans la plus sublime, la plus intégrale transformation, l'extraire à jamais du monde de l'Ignorance pour le faire vivre dans le monde de la Vérité.
Ou plutôt Tu es moi-même dépouillée de toute erreur et de toute limitation. Suis-je devenue ce vrai "moi" intégralement dans tous les atomes de l'être? Effectueras-Tu une foudroyante transformation ou sera-ce encore une action lente, où cellule après cellule doit être arrachée à sa nuit et à sa limite? ...
Tu es le Souverain prêt à prendre possession de Ton royaume; ne trouves-Tu pas Ton royaume Page – 344 encore assez prêt pour Te l'associer définitivement, pour faire corps avec lui?
Le grand miracle de la Vie Divine intégrale et individuelle va-t-il enfin être accompli? Page – 345
Tu as pris possession intégralement de ce misérable instrument, et s'il. n'est pas encore assez perfectionné pour que Tu puisses parachever sa transformation, sa transmutation, Tu es à l'œuvre dans chacune de ses cellules pour le pétrir, l'assouplir, l'éclairer, et dans l'ensemble de l'être pour le classer, l'organiser, l'harmoniser; tout est en mouvement, tout est en changement; Ta divine action se fait sentir, comme une inexprimable source de feu purificateur, circulant à travers tous les atomes. Et cette source a apporté dans l'être une extase plus merveilleuse que toutes j celles qu'il avait jamais senties : ainsi à Ton action répond l'aspiration de ce sur quoi Tu travailles et cette aspiration est d'autant plus ardente que l'instrument s'est vu tel qu'il est dans toute son infirmité !
Ô Seigneur, je T'implore : hâte le jour béni où le divin miracle s'accomplira, hâte le jour de la réalisation du Divin sur la terre. Page – 346
Ô Toi divin habitant de cette forme grossière, Tu vois qu'elle est un amoncellement de limites : ne veux-Tu pas briser toutes ces limites afin qu'elle puisse participer à Ton infini? Tu vois qu'elle est pleine d'obscurités : ne veux-Tu pas, de Ta lumière resplendissante, dissoudre ces obscurités, afin qu'elle puisse participer à Ta clarté? Tu vois qu'elle est chargée d'ignorantes impuretés : ne veux-Tu pas, de Ton feu d'amour dévorant, consumer toutes ces impuretés, afin que l'être dans son intégralité puisse ne faire plus qu'un, en toute conscience avec Toi?
Ne trouves-Tu pas que, pour la terre et l'humanité, cette sombre et douloureuse expérience d'égoïste séparativité, a assez duré? Dans l'univers, l'heure n'a-t-elle pas sonné où cette phase de développement pourra être remplacée par une autre, dominée par la pure et vaste conscience de Ton Unité?
Sans arrêt, à chaque instant, mon invocation s'élève vers Toi, et je T'appelle : Seigneur, Seigneur, prends possession de Ton, royaume, illumine-le de Ton éternelle Présence, fais cesser la cruelle erreur dans laquelle il vit en se croyant sépare de Toi, alors que, dans sa réalité et son essence, il est Toi-même.
Brise, brise les dernières résistances, consume les dernières impuretés, foudroie cet être s'il le faut, mais qu'il soit transfiguré! Page – 347
De longs mois se sont écoulés où rien ne pouvait être dit, car ce fut une période de transition, de passage d'un équilibre à un autre, plus vaste et plus complet. Les circonstances extérieures furent multiples et nouvelles, comme si l'être avait besoin d'accumuler beaucoup de perceptions et d'observations pour donner une base plus étendue et complexe à son expérience. Mais, tout entier dans cette expérience, il n'avait pas le recul nécessaire pour la voir dans son ensemble, savoir ce qu'elle était et surtout vers quoi elle tendait.
Subitement, le 5 juin, le voile s'est déchiré, et la lumière s'est faite dans la conscience.
Lorsque je T'ai contemplé sous Ta forme individuelle, Seigneur d'éternité, et que je T'ai imploré pour que Tu prennes possession de Ton royaume de chair, Tu as remis en mouvement, en activité, cette forme vitale, qui, pour les nécessités du développement et de l'unification, vivait depuis des années dans une passivité réceptive et harmonieuse, mais étrangère à toute manifestation active de Ta volonté.
Cette remise en activité impliquait toute une nouvelle adaptation de l'instrument vital, car sa tendance naturelle est toujours de se remettre en action avec ses habitudes et ses modes anciens. Cette période d'adaptation fut longue, pénible, parfois obscure, quoique, par derrière, la perception Page – 348 de Ta Présence et la parfaite soumission à Ta Loi soient immuables et assez fortement conscientes pour qu'aucun trouble ne puisse ébranler l'être.
Petit à petit, l'être vital s'est habitué à retrouver l'harmonie dans l'action la plus intense, comme il l'avait trouvée dans la soumission passive. Et une fois que cette harmonie a été suffisamment instituée, la lumière s'est faite de nouveau dans toutes les parties de l'être, et la conscience de ce qui s'est passé est devenue complète.
Maintenant au sein de l'action, l'être vital a retrouvé la perception de l'Infini et de l'Éternité. Il peut apercevoir et vivre Ta Beauté Suprême à travers toutes les sensations et toutes les formes. Dans chaque sensation même, étendue, active, pleinement développée à éprouver les sensations contraires au même moment, toujours il Te perçoit.
Il n'ignore pas pourtant que ce n'est qu'une étape et s'incline devant Toi en profonde adoration pour Te dire : "Seigneur, Tu as repris Ton instrument en main et as voulu l'utiliser pour l'action. L'instrument connaît son imperfection et son impureté, et implore de Ta Miséricorde qu'Elle le perfectionne et le purifie, afin que, de jour en jour, il puisse, dans une disparition progressive de toutes ses préférences et de toutes ses limites. Te manifester plus intégralement." Page – 349
Tu m'as fait relire ces balbutiements d'enfant car ce sont les essais maladroits d'expression d'un mental encore en bas âge et tout cela m'a paru loin, très loin, revêtu du charme et de la pureté des expériences dé l'enfance candide et enthousiaste. Et pourtant devant Toi, Seigneur éternel, je n'ai point vieilli et je ne suis pas plus avancée; l'expression d'aujourd'hui ne sera pas supérieure à celle d'autrefois. Le mental est toujours aussi pauvre et maladroit. Et qu'aurait-il de si remarquable à exprimer? Aucune expérience sensationnelle : toutes les expériences paraissent maintenant simples et naturelles. Aucune idée nouvelle puissante ou exceptionnelle, aucune de ces idées qui vous remplissent de la joie de la découverte : toutes les idées, sous quelque forme qu'elles se présentent, paraissent maintenant de vieilles connaissances à qui on fait un salut amical en passant, mais de qui on n'attend plus rien d'imprévu. Aucune analyse psychologique, scrupuleuse et détaillée, découvrant quelque repli interne encore inexploré : les complications internes n'existent plus en elles-mêmes; elles sont les reflets fidèles et impartiaux de tous les mouvements psychologiques environnants; et décrire ce qui se passe dans l'être serait à la fois touffu et monotone comme de décrire le monde dans ses tâtonnements, ses errements, presque exclusivement subconscients.
Pauvreté, pauvreté ! Tu m'a placée dans un désert aride et dénudé, et pourtant ce désert m'est doux comme tout ce qui vient de Toi, Seigneur. Page – 350 Dans cette grisaille terne et incolore, dans cette lumière cendrée, sans éclat, je goûte la saveur des espaces infinis; la brise pure du large, le souffle puissant des libres hauteurs remplissent toujours mon cœur et pénètrent ma vie; toutes les barrières sont tombées, au-dedans et autour de moi; et je me sens comme l'oiseau ouvrant ses ailes pour un essor incontesté. Mais l'oiseau reste perché sur le rocher, les ailes éployées dans le ciel gris ouaté, attendant pour s'élancer que survienne quelque chose qu'il attend sans le connaître. N'ayant plus de lien qui enchaîne son vol, il ne songe plus à s'envoler. Conscient de sa liberté, il n'en jouit point, et reste comme les autres, parmi les autres, posé sur le sol au sein du sombre et dense brouillard. Page – 351
Puisque Tu l'as permis. Seigneur, je recommence à venir Te retrouver quotidiennement en m'extrayant pendant quelques courts instants d'une activité dont je connais, tout en la faisant, la complète relativité. Tu m'avais replongée dans l'action et la conscience ordinaire, et maintenant Tu m'accordes de pouvoir régulièrement reprendre mon essor vers Toi, pour planer un peu dans l'immuable Silence et la Conscience éternelle.
Tu as voulu. Seigneur, que l'être s'élargisse, s'agrandisse. Il ne pouvait le faire sans rentrer, au moins partiellement et temporairement, dans l'ignorance et l'obscurité.
C'est cette ignorance et cette obscurité qu'il vient déposer à Tes pieds maintenant comme la plus modeste des épreuves. Je ne Te demanderai pas de m'octroyer de façon continue la Conscience que Tu m'accordes en ces moments de paisible et pure communion. Je Te demanderai seulement de rendre ces moments-là encore plus paisibles et plus purs, de fortifier et d'éclairer la conscience toujours plus, afin qu'elle puisse retourner vers son ouvrage quotidien avec une force et une connaissance renouvelées.
Tu me rappelles par ces courts instants d'identification extatique que le pouvoir de m'unir à Toi consciemment Tu me l'as accordé. Page – 352 Et la divine et musicale harmonie s'empare de l'être tout entier.
Mais les sons s'unissent dans la tête comme derrière un voile et aucun mot ne sort aujourd'hui de la plume ... Page – 353
Tu m'as accordé la grâce de Ton repos, dans lequel toutes les limites individuelles se dissolvent, dans lequel on est en tout, et plus nettement encore, tout est en soi. Mais le mental, immergé dans cette divine extase, ne peut trouver encore aucun pouvoir d'expression.
(Notation pratique de l'expérience)
"Tourne-toi vers la terre." L'habituelle injonction se fit entendre dans le silence de l'immuable identification. Alors la conscience devint celle de l'Un en tout. "Partout et en tous ceux en qui tu peux voir l'unique, s'éveillera la conscience de cette identité avec le Divin. Regarde" ... Ce fut une rue japonaise brillamment illuminée de gaies lanternes pittoresquement agrémentées de couleurs vives. Et à mesure que ce qui était conscient avançait dans la rue, le Divin apparaissait visible en chacun et en tout. Une des légères maisons devint transparente pour laisser voir une femme assise sur le tatami dans un somptueux kimono violet brodé d'or et de couleurs vives. La femme était belle et devait avoir entre trente-cinq et quarante ans. Elle jouait sur un samisen doré. À ses pieds se trouvait une jeune enfant. Et dans la femme aussi le Divin fut visible. Page – 354
Seigneur, c'est à juste titre que je pourrais dire que je n'ai ni Yoga ni vertus, car je suis complètement dépouillée de ce qui fait la gloire de tous ceux qui veulent Te servir. En apparence ma vie est la plus ordinaire et la plus banale qui soit; et intérieurement qu'est-elle? Rien qu'une calme tranquillité sans variation ni imprévu; le calme d'un quelque chose qui est réalisé et qui ne se cherche plus, qui n'attend plus rien de la vie et des choses, qui agit sans en escompter aucun profit et en sachant parfaitement que cette action ne lui appartient aucunement, ni dans son impulsion, ni dans son résultat ; qui veut, en ayant conscience que, seule, la Volonté suprême veut en lui; un calme tout fait d'une incontestable certitude, d'une connaissance sans objet, d'une joie sans cause, d'un état de conscience en soi qui n'appartient plus au temps. C'est une immobilité qui se meut dans le domaine de la vie extérieure, sans pourtant lui appartenir, ni chercher à s'en échapper. Je n'espère rien, n'attends rien, ne désire rien, n'aspire à rien, et par-dessus tout je ne suis rien; et pourtant le bonheur, un bonheur calme et sans mélange, un bonheur qui s'ignore lui-même et n'a pas besoin de se regarder être, est venu habiter la demeure de ce corps. Ce bonheur c'est Toi, Seigneur, et ce calme c'est Toi, Seigneur, car ce ne sont point des facultés humaines et les sens des hommes ne peuvent ni les apprécier ni les goûter. Page – 355 Ainsi c'est Toi, Seigneur, qui habites ce corps, et c'est pourquoi cette corporelle demeure se trouve si pauvre et si terne pour un si merveilleux occupant. Page – 356
Tel fut ce matin notre colloque, Seigneur:
Tu éveillas l'être vital avec la baguette magique de Ton impulsion et Tu lui dis : "Éveille-toi, tends l'arc de ta volonté, car bientôt viendra l'heure de l'action." Soudain réveillé, l'être vital se souleva, s'étira, et secoua la poussière de sa longue torpeur; il s'aperçut à l'élasticité de ses membres qu'il était toujours vigoureux et apte à agir. Et c'est avec une ardente foi qu'il répondit au souverain appel : "Me voici, que veux-Tu de moi. Seigneur?" Mais avant qu'aucune autre parole fût prononcée, le mental intervint à son tour, et, après s'être incliné en signe d'obéissance devant le Maître, lui parla ainsi : "Tu sais, Seigneur, que je Te suis soumis, et que de mon mieux je tâche d'être l'intermédiaire fidèle et pur de Ta suprême Volonté. Mais lorsque je tourne mon regard vers la terre, je vois que le champ d'action des hommes, quelque grands qu'ils soient, est toujours terriblement réduit. Un homme qui, dans son mental, et même dans son être vital, est vaste comme l'univers, ou au moins comme la terre, dès qu'il se met à agir, est enfermé dans les étroites limites d'une action matérielle, très bornée dans son champ et ses résultats. Qu'il soit fondateur de religion ou transformateur politique, celui qui agit devient une mesquine petite pierre dans l'édifice général, un grain de sable dans l'immense dune des activités humaines. Je ne puis donc voir aucune action réalisable qui vaille que l'être tout entier se concentre sur elle et en fasse sa raison d'être. Page – 357 L'être vital se plaît à l'aventure; mais faut-il le laisser se jeter dans quelque aventure lamentable, indigne d'un instrument conscient de Ta Présence?" — "Ne crains rien," fut la réponse. "Il ne sera permis à l'être vital de se mettre en mouvement, Il ne te sera demandé d'apporter tout l'effort de tes facultés organisatrices, que lorsque l'action proposée sera assez vaste et complète pour que toutes les qualités de l'être soient pleinement et utilement employées. Ce que sera exactement cette action, tu le sauras quand elle viendra à toi. Mais je te préviens dès maintenant, pour que tu t'apprêtes à ne pas la repousser. Je te préviens aussi, ainsi que l'être vital, que le temps de la petite vie tranquille, uniforme et paisible, sera passé. Ce sera l'effort, le danger, l'imprévu, l'insécurité, mais aussi l'intensité. Tu fus construite pour ce rôle. Après avoir accepté pendant de longues années de l'oublier complètement, parce que le moment n'était pas venu, et aussi parce que tu n'étais pas prête, maintenant éveille-toi à la conscience que c'est bien véritablement ton rôle, que c'est pour cela que tu fus créée."
L'être vital, le premier, s'éveilla à la conscience, et, avec l'enthousiasme qui lui est propre, s'écria : "Je suis prêt. Seigneur, Tu peux compter sur moi!" Le mental, plus faible et timoré, quoi qu'aussi docile, ajouta; "Ce que Tu veux, je le veux. Tu sais bien. Seigneur, que je T'appartiens entièrement. Page – 358 Mais pourrai-je être à la hauteur de la tâche, aurai-je le pouvoir d'organiser ce que l'être vital a la capacité de réaliser?" — "C'est à te préparer à cela que je travaille en ce moment; c'est pour cela que tu subis une discipline d'assouplissement et d'enrichissement. Ne te mets en peine de rien : le pouvoir vient avec la nécessité. Ce n'est pas parce que, en même temps que l'être vital, tu t'es confinée dans de toutes petites activités alors qu'il était utile qu'il en fût ainsi; pour laisser aux choses qui devaient être préparées le temps de se préparer, ce n'est pas pour cela, dis-je, que tu n'es pas capable de vivre hors de ces petitesses dans un champ d'action en rapport avec ta stature véritable. Je t'ai désignée de toute éternité pour être mon exceptionnel représentant sur la terre, non pas seulement d'une façon invisible et cachée, mais d'une façon apparente aux yeux de tous les hommes. Et ce que tu fus créée pour être, tu le seras."
Comme toujours, Seigneur, lorsque la voix des profondeurs se fut tue, Ta sublime ' et toute-puissante bénédiction m'enveloppa intégralement.
Et pour un moment, le Maître et l'instrument ne firent plus qu'un : l'Unique, éternel, infini. Page – 359
C'est longtemps après être sortie de la contemplation que je me rends compte de ce qu'elle a été.
Encore une fois ce soir je suis entrée dans cet état où la conscience se disperse en une multitude d'éléments divers, centres de conscience individuels et collectifs, pour y accomplir une action ou plutôt autant d'actions que ces éléments en comportent.
Par éclairs, tel ou tel point apparaît subitement de façon précise, puis s'efface pour faire place à un autre. Chaque élément de conscience qui agit est clairement conscient de son action; mais une conscience d'ensemble paraît être à la fois impossible à cause de l'extrême complexité qu'elle comporterait, et inutile pour l'accomplissement du travail lui-même. Page – 360
Certaines faiblesses apparentes Te sont parfois plus utiles pour Ton œuvre. Seigneur, qu'une perfection par trop visible. La perfection manifestée paraît ne pouvoir être l'apanage que de celui qui s'est à la fois retiré du monde et de l'œuvre dans le monde. Mais pour celui que Tu as choisi comme un de Tes ouvriers sur terre, je vois bien que certaines faiblesses, certaines imperfections (pourvu qu'elles ne soient qu'apparentes et non réelles), sont à Tes yeux plus utiles, et par conséquent plus parfaites que la perfection même. Et renoncer à la perfection sous j sa forme apparente, fait partie d'un intégral i renoncement à l'ignorance du soi séparé.
Est-ce pour cela. Seigneur, que Tu ne me donnes que rarement l'extase de la complète identification et de la parfaite conscience?
Je fus gâtée par Toi autrefois : Tu me faisais vivre si constamment en Ta Présence ... Mais maintenant il semble que Tu veuilles m'apprendre à connaître l'invariable félicité même dans l'obscurité, et à ne pas avoir de préférence entre la conscience et l'inconscience.
Être, hors de tout désir, plongée dans l'état de ceux qui vivent du désir ... étrange !
Mais le plus étrange est que cela me laisse parfaitement calme, paisible et contente, et que dans cette ombre je perçois une grande puissance; Page – 361 et qu'au fond de cette nuit, les sublimes harmonies célestes peuvent aussi être entendues.
Chaque nouveau pas dans Ton Royaume, Seigneur, est une cause nouvelle d'émerveillement! Page – 362
Mon mental s'est inquiété d'être si constamment tourné vers de si petites choses, de se mouvoir dans un cercle si étroit de pensées pratiques et immédiates.
Il a appris à Te voir en tout, Seigneur, et dans la moindre chose il T'aperçoit et jouit de Toi. Mais tout en jouissant de Toi ainsi et en Te reconnaissant dans les choses et les activités les plus futiles aussi bien que dans les plus vastes et les plus nobles, il se demande pourquoi les unes prévalent sur les autres. Maintes fois il a essayé de réagir contre cette tendance depuis plusieurs mois, mais toujours en vain; est-ce parce que Tu trouves que c'est bien ainsi, est-ce parce qu'il est incapable d'être autrement? Il T'a posé la question, et, comme toujours, Ton sourire est venu le réconforter; mais la réponse précise ne s'est point fait entendre.
Maintenant pour ce mental, la moindre chose devient un mystère insondable, et tout est une cause constamment renouvelée d'émerveillement. Page – 363
Je Te salue. Seigneur, et m'incline devant Toi. Mais je n'écrirai point, car Tu viens de me dire, en réponse à une question concernant la présente méditation : "Nous avons eu une conversation privée que même tes propres oreilles physiques ne doivent point entendre." Page – 364
Les jours ont passé, orageux et troublés en apparence, mais calmes et forts dans leur réalité reflétant Ta divine volonté; ils ont passé, déroulant, découvrant, développant une fois de plus toute la splendeur imprévue et variée de Ton inlassable jeu divin. Et quel émerveillement d'assister à cela quand on perçoit l'entrecroisement infini des mouvements produits par Ta volonté éternelle ; quand on sait que tout cela est de toute éternité et que c'est seulement dans nos imparfaites facultés que cela devient une succession ininterrompue de faits, dont nous sommes les acteurs bénévoles et ignorants. Nous agissons avec l'inconscience et l'aveuglement apparents de ceux qui ne savent point, et pourtant je sais, et, tout en étant acteur, je suis témoin aussi. Mais je ne suis pas encore assez pure pour que Tu dévoiles à mes yeux la totalité des effets et des résultats; c'est seulement partiellement et imparfaitement que je les connais avant l'acte et qu'il m'est permis d'agir avec la connaissance du pourquoi, avec la pleine illumination sur ce que Tu attends de moi. Quand aurais-je, Seigneur, cette pureté? Mais pour cela aussi je n'ai plus d'impatience et je n'implore plus. Je vois à quel point Tes splendeurs sont obscurcies et voilées dans ce misérable et pauvre instrument; mais Toi, Tu sais pourquoi il en est ainsi; et de ses ombres et de ses faiblesses, Tu Te sers aussi pour Tes fins éternelles. Page – 365 Mon âme est en prière et s'incline avec amour devant ce qu'elle peut comprendre et connaître de Toi. Mon âme est en prière et s'abandonne à Toi dans une de ces sublimes ferveurs qui s'achèvent en identification. Mon âme est en prière ... et mon corps aussi ; et ma pensée se tait dans une muette extase.
(Communication reçue à 5 heures du soir après la méditation)
"Comme tu me contemples, je te parlerai ce soir. Je vois dans ton cœur un diamant environné de lumière d'or. C'est à la fois pur et chaud, de quoi manifester l'impersonnel amour; mais pourquoi laisses-tu ce trésor enfermé dans cette sombre châsse doublée de pourpre intense? L'enveloppe la plus extérieure est d'un bleu foncé sans lumière, un vrai manteau de ténèbres. On dirait que tu crains de faire voir ta splendeur. Apprends à rayonner et ne crains pas l'orage : le vent nous emporte loin des rives, mais nous fait voir le monde. Serais-tu économe de tendresse? Mais la source d'amour est infinie. Crains-tu d'être incomprise? Mais où as-tu vu que l'homme puisse comprendre le Divin? Et si la vérité éternelle trouve en toi de quoi se manifester, que peut t'importer le reste? Tu es comme le pèlerin sortant du sanctuaire ; debout sur le seuil en face de la foule, il hésite avant de révéler son précieux secret, celui de sa suprême découverte. Écoute, moi aussi j'hésitai pendant des jours, car je pouvais prévoir et ma prédication et ce qui s'ensuivrait : Page – 366 l'imperfection de l'expression, et l'imperfection plus grande encore de la compréhension. Et pourtant je me suis tourné vers la terre et les hommes et je leur ai apporté mon message. "Tourne-toi vers la terre et les hommes", n'est-ce point l'ordre que toujours dans ton cœur tu entends : dans ton cœur, car c'est lai qui porte un message béni pour ceux qui ont soif de compassion. Dorénavant rien ne peut attaquer le diamant. Il est inattaquable dans sa constitution parfaite et le doux rayonnement qui s'élance de lui peut changer bien des choses dans le cœur des hommes. Tu doutes de ton pouvoir et crains ton ignorance? c'est cela justement qui enveloppe ta puissance de ce sombre manteau de nuit sans étoiles. Tu hésites et tu trembles comme au seuil d'un mystère, car maintenant le mystère de la manifestation t'apparaît comme plus terrible et plus insondable que celui de l'Éternelle Cause. Mais il te faut reprendre courage et obéir à l'injonction profonde. C'est moi qui te le dis car je te connais et t'aime comme tu m'as connu et aimé autrefois. Je suis apparu clairement à ton regard pour que tu ne doutes nullement de ma parole. Et à tes yeux aussi, j'ai fait voir ton cœur pour que tu puisses voir ainsi ce que la Vérité suprême a voulu qu'il soit, pour que tu découvres en lui la loi de ton être. La chose te paraît encore bien difficile : un jour viendra où tu te demanderas comment si longtemps il put en être autrement." (çAKYA-MOUNi) Page – 367
Seigneur, Tu m'as parlé par la bouche d'un de ceux qui T'ont le mieux connu; sans doute pour me faire mieux comprendre Ta leçon, (étais-je donc sourde à Ta suggestion directe?). Et encore maintenant je ne puis comprendre comment faire. Tu sais quel serait mon bonheur si par Ta grâce je pouvais être transformée intégralement en un foyer d'amour divin — cet amour qui est la première et la plus haute manifestation de Ta Vérité éternelle, cet amour qui est à la fois l'expression la plus complète, dans ce inonde, de Ta Vérité, et le chemin le plus direct pour y conduire les consciences humaines égarées. Au temps où j'aspirais, désirais et demandais, que de fois ne T'ai-je point demandé la grâce de cet état comme étant le plus conforme à mon idéal actuel d'action. Et en ce temps-là il me semblait qu'au jour où je serais purifiée de toute préférence égoïste, tu choisirais cet être individuel terrestre comme instrument de Ta manifestation d'amour sur la terre. Et maintenant que Tu me le demandes, plus que jamais je sens mon impuissance. Pendant si longtemps j'ai cru savoir ce qu'était l'amour; et maintenant que je ne vois plus rien qui ne puisse être appelé amour, je ne vois plus rien non plus qui puisse être spécialement appelé amour. Et comment être cette chose que je ne puis plus définir, cet état que je ne puis plus distinguer? Et pourtant Tu m'as fait voir hier que je tenais enfermé sous une sombre enveloppe un de Tes dons les plus précieux et les plus puissants ... Page – 368 Seigneur, tout mon être aspire à obéir à Ta voix, à se conformer à Ta Loi; mais il ne sait pas dans sa conscience extérieure, il n'a pas compris ce que Tu attends de lui. Il sent bien qu'actuellement son amour est un état passif et que Tu veux le faire naître à un état actif; mais comment passer de l'un à l'autre, cela lui échappe. Il sait que cet état d'amour actif doit être constant et impersonnel, c'est-à-dire tout à fait indépendant des circonstances et des personnes, puisqu'il ne peut et ne doit être concentré sur aucune en particulier; et en cela il ressemblera à l'actuel état d'amour passif, qui est pur, invariable et impersonnel. Mais ce qu'il ne sait encore, c'est, en restant dans ses qualités de pureté, d'invariabilité et d'impersonnalité qui sont maintenant inhérentes à son être, comment se remettre en activité.
C'est pour cela que ce soir j'ai imploré le Seigneur Mitra qui symbolise si parfaitement Ta vérité d'amour, en lui demandant de venir à mon aide pour éclairer mon ignorance, dissoudre mes doutes, vaincre mes hésitations, dissiper les derniers obstacles et prendre possession de cet instrument physique afin qu'il devienne ce que Tu attends de lui.
Mais mon verbe est timide et ma voix mal habile et je ne sais si le Seigneur Mitra entendit ma prière. Page – 369
Seigneur, sans permettre à mon mental d'avoir conscience de ce qui allait se passer, et de comment cela allait se passer, Tu m'as fait pressentir ce soir ce que Tu attends de moi, pressentir seulement car c'est un premier pas bien timide sur la route merveilleuse que Tu as entr'ouverte devant moi. Ce fut comme le flot montant qui gonfle, gonfle toujours plus la rivière, avant qu'elle ne déborde pour tout recouvrir de ses eaux bienfaisantes. Et cette fois c'est le cœur qui se gonflait ainsi, sous la pression des puissances d'amour que Tu faisais couler en lui; et l'être tout entier s'est pris à aimer, à aimer toujours plus, sans but défini, rien et tout à la fois, ce qu'il connaît et ce qu'il ignore, ce qu'il voit et ce qu'il n'a jamais vu; et petit à petit, cet amour potentiel est devenu un amour effectif, prêt à se déverser sur tout et sur tous, en ondes bienfaisantes, en un actif rayonnement ... Ce fut un début, un très faible début. Mais j'ai su, Seigneur, que c'est cela que Tu veux. Comme toujours Ta Volonté est une Grâce infinie qui inonde l'être de Tes divines délices et le transporte au-dessus des mesquines contingences vers la Gloire de Tes célestes demeures.
Être ce que Tu veux, c'est être divin! Page – 370
(Ce que j'ai entendu dans le silence et noté hier soir.)
"En renonçant à tout, même à la sagesse et à la conscience, tu as pu préparer ton cœur au rôle qui lui fut assigné : le rôle le plus ingrat en apparence, celui de la source qui laisse toujours son flot couler en abondance pour tous, mais vers qui jamais aucun flot ne peut remonter : elle tire sa force inépuisable des profondeurs et n'a rien à attendre du dehors. Mais tu pressens déjà quelle sublime félicité accompagne cette inépuisable expansion d'amour, car l'amour se suffit à lui-même et n'a nul besoin de réciprocité; ceci est vrai même de l'amour individuel, combien plus vrai par conséquent de l'amour divin qui reflète de si noble façon l'infini.
"Sois cet amour en toute chose et partout, toujours plus largement, toujours plus intensément et le monde entier deviendra à la fois ton œuvre et ton bien, ton champ d'action et ta conquête. Lutte avec persistance pour faire tomber les dernières limites qui ne sont plus que de frêles barrières devant l'expansion de l'être, pour vaincre les dernières obscurités qu'éclaire déjà la Puissance Illuminatrice. Lutte pour conquérir et pour triompher; lutte pour surmonter tout ce qui fut jusqu'à ce jour; pour faire jaillir la Lumière nouvelle, l'Exemple nouveau dont le Page – 371 monde a besoin. Lutte avec opiniâtreté contre tous les obstacles extérieurs ou intérieurs. C'est la perle de grand prix qui est proposée à ta Réalisation." Page – 372
Toujours la parole que Tu me fais entendre dans le silence est encourageante et douce, Seigneur. Mais je ne puis voir en quoi cet instrument est digne de la grâce que Tu lui fais, ni comment il sera capable de réaliser ce que Tu attends de lui. Tout en lui paraît si petit, si faible, si quelconque, sans intensité, sans force et sans ampleur, en comparaison de ce qu'il devrait être pour pouvoir endosser ce rôle écrasant. Mais je sais que ce que le mental pense est de peu d'importance; il le sait lui-même et attend, passif, le développement de Ton décret.
Tu me dis de lutter sans cesse : je voudrais avoir cette ardeur indomptable qui a raison de toute difficulté. Mais Tu as mis dans mon cœur une paix si souriante, que je crains de ne savoir même plus lutter ... Les choses (facultés et activités) se développent en moi comme les fleurs s'épanouissent, spontanément et sans effort, dans la joie d'être et de croître, la joie de Te manifester quel que soit le mode de Ta manifestation. Et s'il y a lutte, elle est si facile et si douce qu'on ne peut guère lui donner ce nom. Mais que ce cœur est petit pour contenir tant d'amour! Et que cet être vital et physique est faible pour le bien pouvoir distribuer! Ainsi Tu m'a placée au seuil de la voie merveilleuse, mais mes pieds auront-ils la force de me faire avancer sur elle? ... Tu me réponds que je plane et que j'aurais tort de vouloir marcher Page – 373 ... ô Seigneur, que Ta miséricorde est infinie! Une fois encore Tu m'as prise dans Tes bras tout- puissants et Tu m'as bercée sur Ton cœur insondable, et ce cœur m'a dit: "Ne te tourmente point, sois confiante comme un enfant : n'es-tu point moi-même cristallisé pour mon œuvre?...." Page – 374
Ô mon bien-aimé Seigneur, ce cœur est incliné devant Toi et ces bras se tendent vers Toi, implorant que Tu veuilles bien embraser cet être tout entier de Ton sublime amour, afin qu'il puisse rayonner sur le monde. Mon cœur est grand ouvert dans ma. poitrine, il est ouvert et tourné vers Toi, il est ouvert et vide afin que Tu puisses le remplir de Ton amour divin ; il est vide de toute autre chose que Toi, et Ta présence l'emplissant tout entier le laisse vide pourtant, puisqu'il peut contenir encore toute l'infinie variété du monde manifesté.
Ô Seigneur, ces bras se tendent suppliants vers Toi et ce cœur est largement ouvert devant Toi pour que Tu en fasses le réservoir de Ton amour infini.
"Amie-moi en toute chose, partout et en tout être," telle fut Ta réponse. En me prosternant je Te demande de m'en donner le pouvoir ... Page – 375
ô mon doux Seigneur, apprends-moi à être Ton instrument d'amour. Page – 376
Pourquoi, Seigneur, mon cœur me paraît-il si froid et sec?
Je sens vivre, je vois vivre mon âme au dedans de mon être, et mon âme Te voit, Te reconnaît et T'aime en toute chose, en tout ce qui est; elle . est pleinement consciente de cela, et comme l'être extérieur lui est soumis, il est conscient aussi; le mental sait et n'oublie jamais; l'être vital purifié ne connaît plus les attractions et les répulsions, et, de plus en plus, il goûte la joie de Ta Présence en tout et toujours. Mais le cœur semble s'être endormi d'un sommeil d'épuisent, et l'âme ne trouve plus en lui une activité suffisante pour répondre pleinement à son impulsion. Pourquoi? Était-il si pauvre que la lutte l'ait ainsi épuisé, ou si profondément blessé qu'il s'en trouve tout ankylosé? Et pourtant il voudrait répondre à l'appel intérieur; il le veut avec une foi et une ardeur qui n'ont jamais vacillé; mais il semble comme le vieillard qui sourit, bienveillant, au jeu de la jeunesse mais ne peut y prendre part. Et pourtant il est plein de joie et de confiance, il déborde de reconnaissance pour tous les trésors d'affection que la nature lui a généreusement prodigués; il voudrait, en échange de ces dons précieux, répandre en ' flots inépuisables la liqueur dorée de la tendresse qui ranime et fortifie, égayé et console, la vraie liqueur de vie pour les êtres humains. Il voudrait et essaye ... mais comme ce qu'il fait est pauvre Page – 377 à côté de ce qu'il rêve de faire; mais comme ce qu'il peut est médiocre à côté de ce qu'il espère, car il espère toujours. Il sait que Ton appel ne se fait jamais entendre en vain ; et les splendeurs que Tu lui as fait entrevoir, il ne doute pas qu'un jour il ne puisse les réaliser.
Qui est-ce qui ouvrira les portes de cette écluse fermée?
Mon cœur aime humainement, et humainement, il me semble qu'il aime avec force, constance et pureté. Mais c'est divinement que Tu veux qu'il aime dans un déploiement sans limite de Ta souveraine puissance; et cela est encore pour lui l'irréalisé.
Qui est-ce qui ouvrira les portes de cette écluse fermée?... Page – 378 |