Le 1er janvier 1914

 

À Toi, Dispensateur Suprême de tous les bienfaits, à Toi qui légitimes la vie en la rendant pure, belle et bonne, à Toi, Maître de nos destinées et but de toutes nos aspirations, fut consacrée la première minute de cette nouvelle année.

 

Qu'elle en soit tout entière glorifiée; que ceux qui T'espèrent Te cherchent dans la bonne voie; que ceux qui Te cherchent Te trouvent, et que ceux qui souffrent sans savoir où gît le remède sentent Ta vie percer peu à peu la dure écorce de leur conscience obscure.

 

Je m'incline avec une profonde dévotion et une reconnaissance sans bornes devant Ta Splendeur bienfaisante; au nom de la terre, je Te rends grâce de Te manifester; en son nom je T'implore pour que Tu Te manifestes toujours plus, dans un accroissement ininterrompu de Lumière et d'Amour.

 

Sois le Souverain Maître de nos pensées, nos sentiments et nos actes.

 

Tu es notre .réalité, la seule Réalité.

 

Hors de Toi tout est mensonge et illusion, tout est lugubre obscurité.

 

En Toi est la vie, la lumière et la joie.

 

En Toi est la Paix souveraine.

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Le 2 janvier 1914

 

Ce merveilleux silence Te manifeste malgré la folle agitation humaine; le silence immuable et constant si vivant en toute chose qu'il suffit de prêter l'oreille pour l'entendre, en opposition avec tout ce qui est bruit futile, agitation vaine, dispersion inutile des énergies. Laisse-le fleurir dans notre être comme un générateur de lumière et de paix, et que sa puissance rayonne sur tous en ondes bienfaisantes.

 

Tu es la saveur de toute vie et la raison de toute activité, le but de nos pensées.

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Le 3 janvier 1914

 

Il est toujours bon de regarder de temps en temps en soi et de voir qu'on n'est et ne peut rien, mais il faut ensuite tourner son regard vers Toi en sachant que Tu es tout et que Tu peux tout.

 

Tu es la vie de notre vie et

la lumière de notre être,

Tu es le maître de nos destinées. 

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Le 4 janvier 1914

 

La marée des pensées matérielles guette toujours à l'affût de la moindre défaillance et si nous nous relâchons un moment de notre vigilance, si nous sommes, si peu que ce soit, négligents, elle se précipite et nous envahit de toutes parts, submergeant sous ses flots lourds le résultat d'innombrables efforts parfois. Alors l'être entre dans une sorte d'engourdissement, ses besoins physiques de nourriture et de sommeil augmentent, son intelligence s'obscurcit, sa vision interne se voile, et malgré le peu d'intérêt qu'il éprouve réellement pour ces activités si superficielles, elles l'occupent presque exclusivement. Cet état est extrêmement pénible et fatigant, car rien n'est plus fatigant que les pensées d'ordre matériel, et la mentalité excédée souffre comme un oiseau en cage qui ne peut étendre ses ailes et qui aspire à pouvoir prendre librement son essor.

 

Mais peut-être dans cet état y a-t-il une utilité que je ne perçois pas ... En tout cas, je ne lutte point; et comme un enfant dans les bras de sa mère, comme un disciple fervent aux pieds de son maître, je me confie à Toi et m'abandonne à Ta direction, certaine de Ta victoire.

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Le 5 janvier 1914

 

Depuis un long moment je suis devant ce cahier ne me décidant pas à écrire tant tout en moi est médiocre, sans valeur, sans saveur, d'une banalité désespérante. Pas une idée dans ma tête, pas un sentiment dans mon cœur, une indifférence complète à tout et une atonie insurmontable.

 

Comment un tel état peut-il avoir quelque utilité?

 

Je suis un véritable zéro dans le monde.

 

D'ailleurs cela n'a aucune importance. Et pourvu que Ton œuvre s'accomplisse, que Ta manifestation ait lieu et que la terre devienne de plus en plus Ton royaume harmonieux et fécond, il importe peu que j'accomplisse ou non cette Œuvre.

 

Et comme il est certain qu'elle se fera, je n'aurais aucune raison de me tourmenter même si l'envie m'en prenait. Depuis les profondeurs jusqu'à la surface la plus extérieure, tout cela, mon être, n'est qu'un peu de poussière; il est naturel que cela se disperse au vent sans laisser de trace ...

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Le 6 janvier 1914

 

Tu es l'unique but de ma vie et le centre de mon aspiration, le pivot de ma pensée, la clef de ma synthèse; et comme Tu es par-delà toute sensation, tout sentiment et toute pensée, Tu es l'expérience vivante mais inexprimable, la Réalité vécue dans les profondeurs de l'être mais intraduisible dans nos misérables mots; et c'est parce que l'intelligence humaine est impuissante à Te réduire en formule, que certains traitent de "sentiment"  —  avec un peu de dédain  —  la connaissance qu'il est possible d'avoir de Toi, mais qui est certes aussi loin du sentiment que de la pensée. Tant que l'on n'a pas atteint à cette Connaissance suprême, on n'a pas de base solide et de centre durable à sa synthèse mentale et sentimentale, et toutes les autres constructions intellectuelles ne peuvent être qu'arbitraires, artificielles et vaines.

 

Tu es l'éternel silence et la paix parfaite dans ce que nous pouvons percevoir de Toi.

 

Tu es toute la perfection qu'il nous faut acquérir, toutes les merveilles à réaliser, toute la splendeur à manifester.

 

Et tous nos mots sont des balbutiements d'enfants lorsque nous nous aventurons à parler de Toi.

 

Dans le silence est le plus grand respect.

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Le 7 janvier 1914

 

Donne-leur à tous la paix et la lumière, Seigneur, ouvre leurs yeux aveuglés et leur entendement obscurci; calme leurs tourments inutiles et leurs vains soucis. Détourne leur regard d'eux-mêmes et donne-leur la joie de la consécration à Ton œuvre sans calcul ni arrière, pensée. Fais fleurir Ta beauté en toute chose, éveille Ton amour en tous les cœurs, afin que Ton ordre éternellement progressif se réalise sur terre et que Ton harmonie se propage jusqu'au jour où tout sera Toi-même dans la pureté et la paix parfaites.

 

Oh ! que toutes les larmes soient séchées, toutes les souffrances soulagées, toutes les angoisses dissipées, et que la calme sérénité habite les cœurs, que la puissante certitude affermisse les cerveaux. Que Ta vie circule en tous comme un flot regénérateur et que tous se tournent vers Toi pour puiser dans cette contemplation l'énergie de toutes les victoires.

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Le 8 janvier 1914

 

Fuyons les chemins trop faciles et sans efforts, ces chemins qui font naître en nous l'illusion que nous sommes arrivés; fuyons cette négligence qui est la porte ouverte sur toutes les chutes; fuyons cette complaisante admiration de soi qui  mène vers tous les abîmes. Sachons que quels I que soient nos efforts, quelles que soient nos luttes, quelles que soient nos victoires même, à côté du chemin à parcourir, celui que nous  avons déjà parcouru n'est rien; et que tous sont  égaux  —  d'infimes grains de poussière ou d'identiques étoiles  —  en face de l'Éternité.

 

Mais Tu es le triomphateur de tous les obstacles, la Lumière qui éclaire toute ignorance, l'Amour qui vainc tout orgueil. Et nulle erreur ne peut persister devant Toi.

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Le 9 janvier 1914

 

Seigneur, insaisissable réalité, Toi qui fuis constamment devant notre conquête pourtant effective, et qui seras toujours l'Inconnu malgré tout ce que nous apprendrons à connaître de Toi, malgré tout ce que nous aurons ravi à Ton éternel mystère, nous voulons, d'un effort complet et constant, en combinant les voies multiples qui mènent vers Toi, nous avancer comme un flot montant et indomptable, brisant tous les obstacles, franchissant toutes les barrières, soulevant tous les voiles, dissipant tous les nuages, perçant toutes les obscurités, nous avancer vers Toi, toujours vers Toi d'un mouvement si puissant, si irrésistible, qu'une multitude soit entraînée à notre suite, et que la terre, consciente de Ta nouvelle et éternelle Présence, comprenne enfin quelles sont ses fins véritables, et vive dans l'harmonie et la paix de Ta souveraine réalisation.

 

Instruis-nous toujours plus,

Éclaire-nous davantage,

Dissipe notre ignorance,

Illumine notre esprit,

Transfigure nos cœurs,

Et donne-nous cet Amour qui ne tarit jamais et fait fleurir Ta douce loi en tout être.

 

Nous sommes à Toi pour l'Éternité.

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Le 10 janvier 1914

 

Mon aspiration monte vers Toi toujours identique à elle-même dans sa forme presque enfantine, banale de simplicité, mais mon appel est toujours plus ardent, et derrière les mots maladroits, il y a toute la ferveur de ma volonté concentrée. Et je T'implore, Seigneur, malgré la naïveté de cette expression si peu intellectuelle, je T'implore pour plus de lumière, de pureté, de sincérité et d'amour vrais, et cela pour tous, pour la multitude qui constitue ce que j'appelle mon être, et pour la multitude qui constitue l'être universel; je T'implore, sachant pourtant que c'est parfaitement inutile de T'implorer, puisque nous seuls, dans notre ignorance et notre mauvaise volonté, pouvons faire obstacle à Ta glorieuse et totale manifestation, mais quelque chose d'enfantin en moi trouve un point d'appui ' dans cette attitude mentale; je T'implore afin que la paix de Ton règne s'étende sur la terre.

 

ô cime inaccessible que nous escaladons sans cesse sans jamais T'atteindre, Unique Réalité de notre être que nous croyons découvrir pour Te voir échapper aussitôt; état merveilleux que nous pensons saisir, mais qui nous mène plus loin, toujours plus loin, dans des profondeurs et des immensités toujours inexplorées; nul ne peut dire : je T'ai connu, et pourtant tous Te portent en eux-mêmes, et dans le silence de leur âme peuvent entendre l'écho de Ta voix; mais ce silence lui-même est progressif, et quelle que

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soit la perfection de l'union que nous avons réalisée, tant que par notre corps nous appartiendrons au monde du relatif, cette Union avec Toi sera toujours perfectible.

 

Mais tous ces mots pour parler de Toi ne sont qu'un vain bavardage. Permets que je devienne

 

Ton serviteur fidèle.

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Le 11 janvier 1914

 

À chaque minute tout l'imprévu, l'inattendu, l'inconnu est devant nous, à chaque minute l'univers se recrée dans sa totalité et dans chacune de ses parties. Et si nous avions une foi vraiment vivante, si nous avions cette certitude absolue de Ta toute-puissance et de Ton unique réalité, Ta manifestation pourrait à chaque minute se faire si évidente que tout l'univers en serait transformé. Mais nous sommes tellement esclave de tout ce qui nous entoure et nous a précédé, nous sommes si déterminés par tout l'ensemble de ce qui est manifesté, et notre foi est si faible que nous sommes incapables encore de servir d'intermédiaires au grand miracle de la transfiguration ... Mais, Seigneur, je sais que cela viendra un jour. Je sais qu'un jour viendra où Tu transformeras tous ceux qui nous approcheront; Tu les transformeras si radicalement que, libérés totalement des liens du passé, ils commenceront à vivre en Toi d'une vie toute nouvelle, une vie uniquement faite de Toi, dont Tu seras le souverain Seigneur. Et ainsi tous les troubles seront transformés en sérénité, toutes les angoisses en paix, tous les doutes en certitudes, toutes les laideurs en harmonies, tous les égoïsmes en dons de soi, toutes les obscurités en lumière et toutes les souffrances en immuable bonheur.

 

Mais n'accomplis-Tu pas déjà ce beau miracle? Je le vois partout fleurir autour de nous

 

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Oh ! divine loi d'amour et de beauté, suprême libératrice, il n'est aucun obstacle à Ta puissance. Seul notre aveuglement nous prive du réconfortant spectacle de Ta constante victoire.

 

Mon cœur chante un hymne d'allégresse, et ma pensée s'illumine de joie.

 

Ton transcendant, Ton merveilleux amour est le souverain Maître du monde.

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Le 12 janvier 1914

 

Un enseignement ne peut être profitable que s'il est parfaitement sincère, c'est-à-dire s'il est vécu au moment où il est donné, et les mots souvent redits, les pensées souvent exprimées ne peuvent plus être sincères ...

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Le 13 janvier 1914

 

Tu passas sur ma vie, Seigneur, comme une j grande vague d'amour, et lorsque je fus immergée en elle, je sus de façon intégrale et intense que je T'avais offert — quand? je ne sais, à aucun moment précis et toujours sans doute  —  ma pensée, mon cœur et ma chair en vivant holocauste.

 

Et dans ce grand amour qui m'enveloppa, et dans cette conscience du renoncement accompli il y avait une sérénité immense plus vaste que l'univers et une douceur si intense et si pleine d'infinie compassion que lentement les larmes coulaient de mes yeux. Rien n'était plus loin à la fois de la souffrance et du bonheur, c'était l'inexprimable paix.

 

ô Amour Sublime, centre de notre vie, Merveille des merveilles, je Te retrouve enfin et je revis en Toi de nouveau, mais combien plus puissamment, combien plus consciemment que les autres fois. Comme je Te connais, comme je Te comprends mieux. Chaque fois que je Te retrouve, c'est plus intégralement, plus complètement, plus définitivement que je communie avec Toi.

 

ô Présence de beauté inexprimable, pensée de suprême rédemption, puissance souveraine de salut, avec quelle allégresse tout mon être Te sent vivant en lui-même, unique principe de sa vie et de toute vie, constructeur merveilleux de toute pensée, de toute volonté, de toute conscience.

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À ce monde d'illusion, à ce sombre cauchemar, Tu as conféré Ta réalité divine, et chaque atome de la matière contient quelque chose de Ton absolu.

 

Tu es, Tu vis. Tu rayonnes et Tu règnes.

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Le 19 janvier 19l4

 

Seigneur, divin Maître d'Amour, Tu es l'éternel victorieux, et ceux qui se mettent en parfait accord avec Toi, ceux qui ne vivent que pour Toi et par Toi ne peuvent que remporter toutes les victoires; car en Toi est la force suprême, la force du complet désintéressement, de la clairvoyance parfaite, de la bonté souveraine.

 

En Toi, par Toi, tout se transfigure et se glorifie ; en Toi se trouve la clef de tous les mystères et de toutes les puissances. Mais on ne peut T'atteindre que si l'on ne désire plus rien que vivre en Toi, Te servir, faire triompher plus rapidement, pour le salut d'un plus grand nombre. Ton œuvre divine.

 

Seigneur, Toi seul es réel et tout le reste est illusion; car lorsqu'on vit en Toi on voit et on comprend toutes choses, rien n'échappe à Ta connaissance parfaite, mais tout a une autre apparence; car tout est Toi essentiellement, tout étant le fruit de Ton œuvre, de Ton intervention magnanime; et dans la plus sinistre obscurité Tu as su allumer une étoile!

 

Que notre dévotion aille toujours eh croissant.

 

Que notre consécration aille toujours en se perfectionnant.

 

Et qu'étant déjà le souverain réel, Tu deviennes le souverain effectif de la vie.

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Le 24 janvier 1914

 

ô Toi unique réalité de notre être, Toi, sublime Maître d'amour, rédempteur de là vie, laisse-moi n'avoir plus conscience que de Toi seul, à chaque instant et en toute chose. Quand je ne vis plus uniquement de Ta vie, j'agonise, je m'éteins lentement car Tu es ma seule raison d'être, mon seul but, mon seul soutien. Je suis comme l'oiseau timide, qui n'est pas sûr encore de ses ailes et hésite a. s'envoler; laisse-moi prendre mon essor pour m'identifier définitivement à Toi.

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Le 29 janvier 1914

 

C'est Ta présence en tout être, ô divin Maître d'amour, qui fait que tout homme, même le plus cruel, peut être accessible à la pitié, et que même le plus vil respecte comme malgré lui l'honneur et la justice. C'est Toi qui par-delà toutes les conventions et tous les préjugés éclaires d'un jour spécial, divin et pur, tout ce que nous sommes et tout ce que nous faisons, et nous fais apparaître l'écart entre ce que nous réalisons et ce que nous pourrions être.

 

Tu es la limite infranchissable opposée à  l'excès du mal, de l'ombre et de la mauvaise volonté; Tu es l'espoir vivant en chaque cœur des perfections possibles et futures.

 

À Toi toute la ferveur de mon adoration.

 

Tu es le portail accessible à notre conception menant vers les splendeurs insoupçonnées et inconcevables, les splendeurs qui nous seront révélées progressivement.

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Le 30 janvier 1914

 

Tout ce qui est conscient en moi T'appartient sans restriction, et peu à peu je m'efforcerai toujours mieux de conquérir le subconscient, l'arrière-fond encore obscur.

 

Divin Maître d'amour, Instructeur éternel, Tu diriges nos vies C'est en Toi seul et pour Toi seul que nous voulons vivre; éclaire notre conscience, dirige nos pas, et permets que nous fassions le maximum de ce que nous pouvons faire, utilisant tontes nos énergies uniquement pour Te servir.

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Le 31 janvier 1914

 

Que chaque matin notre pensée monte avec ferveur vers Toi, Te demandant ce que nous pouvons faire de mieux pour Te manifester et Te servir. Qu'à chaque minute dans les multiples choix que l'on peut faire et qui, malgré leur apparente insignifiance, sont toujours d'une grande importance  —  puisque suivant notre décision nous nous soumettons à une catégorie de déterminismes ou à une autre,  —  qu'à chaque minute notre attitude soit telle que ce soit Ta divine volonté qui détermine notre choix et qu'ainsi ce soit Toi qui orientes toute notre vie. Suivant la conscience dans laquelle nous nous trouvons au moment où nous prenons une décision, nous nous soumettons au déterminisme de l'ordre de réalités dans lequel nous sommes conscients, d'où des conséquences souvent imprévues et fâcheuses, en contradiction avec l'orientation générale de la vie et formant des obstacles parfois terribles à surmonter ensuite. Nous voulons donc, Seigneur, Divin Maître d'amour, être conscients de Toi et de Toi seul, être identifiés à Ta suprême loi chaque fois que nous nous déciderons, chaque fois que nous choisirons, afin que ce soit Ta volonté qui nous détermine; et que notre vie Te soit ainsi effectivement et intégralement consacrée.

 

Dans Ta lumière nous verrons, dans Ta connaissance nous saurons, dans Ta volonté nous réaliserons.

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Le ler février 1914

 

Je me tourne vers Toi qui es partout et en tout et hors de tout, l'essence de tout et étranger à tout, centre condensateur de toutes les énergies, créateur des individualités conscientes; je me tourne vers Toi et Te salue libérateur des mondes, et identifiée à Ton amour divin, je considère la terre et les êtres, cette masse de substance mise en formes perpétuellement détruites et renouvelées, cette masse grouillante d'agrégats aussitôt dissous que constitués, d'êtres qui s'imaginent être des individualités conscientes et durables et qui sont aussi éphémères qu'un souffle, toujours semblables ou à peu près, dans leur diversité, répétant indéfiniment les mêmes désirs, les mêmes tendances, les mêmes appétits, les mêmes ignorantes erreurs.

 

Mais de temps en temps Ta sublime lumière resplendit dans un être et rayonne à travers lui sur le monde, et alors un peu de sagesse, un peu de connaissance, un peu de foi désintéressée, d'héroïsme et de compassion, pénètre les cœurs, transforme les cerveaux et délivre quelques éléments de cette douloureuse et implacable roue de l'existence à laquelle leur aveugle ignorance les soumet.

 

Mais quelle splendeur plus haute que toutes celles qui ont précédé, quelle merveille de gloire et de lumière ne faudrait-il pas pour tirer les êtres de l'horrible aberration où les plonge la vie des cités et des prétendues civilisations !   

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Quelle puissance formidable et divinement douce à la fois ne faudrait-il pas pour détourner toutes ces volontés de l'âpre lutte pour leurs satisfactions égoïstes, mesquines et sottes, pour les arracher à ce tourbillon qui recèle la mort dans son scintillement trompeur, et pour les tourner vers Ton harmonieuse conquête!

 

Seigneur, Maître éternel, éclaire-nous, guide nos pas, montre-nous la voie vers la réalisation de Ta loi, vers l'accomplissement de Ton œuvre. 

 

Je T'adore en silence et T'écoute dans un religieux recueillement.  

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Le 2 février 1914

 

Seigneur, je voudrais être un tel amour vivant que toutes les solitudes en soient comblées et toutes les douleurs apaisées.

 

Ô Seigneur, je crie vers Toi : Fais de moi un brasier ardent qui consume toute souffrance et la transforme en joyeuse lumière irradiant le cœur de tous! ...

 

Exauce ma prière : Transforme-moi en un brasier d'amour pur et de compassion sans limite.  

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Le 5 février 1914

 

Que dire qui ne soit toujours la même identique aspiration : il faut que la loi d'amour divin, la plus pure expression de ce que nous pouvons concevoir de Toi, se réalise de plus en plus sur terre et triomphe de tout ignorant égoïsme; il faut que de plus en plus parfaitement nous devenions les serviteurs fidèles de cette puissance d'amour et de lumière, que nous vivions en elle, par elle, que ce soit elle seule qui vive et agisse en nous.

 

Seigneur, deviens le Maître souverain de nos vies et dissipe toutes les obscurités qui peuvent encore nous empêcher de Te voir et de communier constamment avec Toi.

 

Libère-nous de toute ignorance, libère-nous de nous-mêmes afin que nous ouvrions toutes grandes les portes de Ta glorieuse manifestation.

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Le 7 février 1914

 

Pour celui qui, intégralement uni à Toi, est par suite constamment conscient de ce qui T' exprime en acte le plus parfaitement étant donné les circonstances, il n'est plus aucune règle extérieure nécessaire. Les principes de vie ne sont en somme que des pis-aller pour diminuer dans la mesure du possible l'ignorance de ceux qui ne Te connaissent pas encore, et pour remédier tant bien que mal aux moments d'aveuglement et d'obscurité, de ceux qui n'ont avec Toi qu'un contact intermittent.

 

Se faire des règles à soi-même et se les faire aussi générales, c'est-à-dire aussi souples que possible, est bon, mais à condition qu'on ne les considère que comme des lumières artificielles qu'il ne faudra employer que lorsque la pleine et naturelle clarté de la communion avec Toi fera défaut. La constante révision de ces règles s'impose d'ailleurs, parce qu'elles ne peuvent être que l'expression d'une connaissance actuelle et qu'elles doivent forcément bénéficier de tout accroissement, de toute amélioration de la connaissance.

 

C'est pourquoi en méditant sur l'attitude qu'il convient d'avoir vis-à-vis de tous ceux qui nous approchent, afin, non seulement de s'abstenir de leur faire aucun mal, mais surtout de s'efforcer de leur faire le plus de bien possible  —  c'est-à-dire de les aider pour le mieux à faire la découverte suprême, la découverte de Toi en eux,  —   

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il m'est apparu qu'aucune règle n'était assez vaste et assez souple pour s'adapter parfaitement à Ta loi, et que l'unique solution véritable était d'être en communion avec Toi toujours, afin que la solution soit adaptée parfaitement à la diversité infinie de toutes les circonstances.

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Le 8 février 1914

 

Seigneur, doux Maître d'amour, Toi qui nous fais surgir de l'ombre pour nous éveiller à la conscience, qui nous délivres de la souffrance pour nous faire communier dans Ta paix éternelle, tous les matins mon aspiration s'élance ardente vers Toi, et j'implore que mon être intégralement éveillé à Ta connaissance, ne vive plus que par Toi, en Toi, pour Toi; j'implore pour que de plus en plus parfaitement identifiée à Toi, je ne sois plus que Toi manifesté en paroles et en actes ; j'implore pour que tous ceux qui nous approchent, tous ceux qui sont en rapport avec nous, s'éveillent à la pleine connaissance de Ta divine présence, de Ta loi souveraine, et se laissent définitivement transformer par elle; j'implore pour que tous les hommes sur la terre sentent poindre, malgré leur âpre souffrance, en elle, la sublime consolation de Ta lumière, de Ton amour, le merveilleux soulagement de Ta paix; j'implore pour que toute substance, de plus en plus pénétrée de Tes forces souveraines, T'oppose de moins en moins la résistance de l'aveugle ignorance, et que triomphant de toute obscurité, Tu transfigures définitivement, intégralement, cet univers de lutte et d'angoisse, en un univers d'harmonie et de paix ...

 

Afin que Ta loi s'accomplisse.

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Le 9 février 1914

 

Quels que soient les noms qu'elle Te donne, Seigneur, l'élite de l'humanité assoiffée d'absolu, Te cherche ardemment. Même ceux qui semblent s'éloigner le plus de Toi, même ceux qui sont uniquement occupés d'eux-mêmes, ne sont-ils pas à la recherche d'un absolu dans la sensation, d'un absolu dans la satisfaction, et malgré sa vanité, cette recherche-là aussi peut un jour mener vers Toi; Tu es trop au centre, au cœur de toute chose pour que les pires égoïsmes eux-mêmes ne soient pas transformés par Toi en aspirations ... La seule chose qu'il faille redouter et fuir, c'est l'inertie de l'inconscience, de l'aveugle et lourde ignorance. Cet état-là se trouve tout en bas de l'échelle infinie qui monte vers Toi. Et tout Ton effort consiste à tirer la substance de cette obscurité première pour la faire naître à la conscience. La passion elle-même est préférable à l'inconscience. Il nous faut donc marcher constamment à la conquête de cet arrière-fond universel d'inconscience, et à travers notre organisme le transformer peu à peu en lumineuse conscience.

 

Oh ! Seigneur, doux Maître d'amour, Toi que je vois si vivant, si conscient en tout, je T'adore avec une dévotion sans limite.

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Le 10 février 1914

 

La paix dans le cœur, la lumière dans l'esprit, nous Te sentons. Seigneur, si vivant en nous, que nous attendons les événements avec sérénité, sachant que Ta voie est partout puisque nous la portons dans notre être, et qu'en toutes circonstances nous pouvons être les annonciateurs de Ta parole, les serviteurs de Ton œuvre.

 

Avec une calme et pure dévotion nous Te saluons et Te reconnaissons comme la seule réalité de notre être. 

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Le 11 février 1914

 

Dès qu'on s'élève au-dessus de la vision contingente, dès qu'on identifie sa conscience à Ta suprême conscience, dès qu'on entre ainsi dans cette omniscience que je ne puis définir autrement que Connaissance absolue, comme tous les problèmes au sujet de ce que l'on doit faire ou ne pas faire, concernant toutes les résolutions à prendre, paraissent faciles, un peu enfantins.

 

Au point de vue de l'oeuvre éternelle, la seule chose importante est de prendre conscience de Toi, de s'identifier à Toi et de maintenir constamment cette identification consciente. Mais en ce qui concerne la meilleure utilisation à faire de notre organisme physique, Ton mode de manifestation sur terre, il suffit, lorsque Toi seul es conscient en nous, de tourner le regard vers ce corps pour savoir indiscutablement quelle est la chose qu'il peut le mieux faire, quelle est l'activité qui emploiera le plus complètement toutes ses énergies.

 

Et sans attacher une grande importance à cette activité, à cette utilisation toute relative, on peut prendre, sans aucune difficulté, sans aucune discussion intérieure, les décisions qui, pour la conscience extérieure, paraissent les plus hardies, les plus hasardeuses.

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         Comme tout est simple pour celui qui voit les choses du haut de Ton éternité !

 

Je Te salue, Seigneur, avec une joyeuse et confiante dévotion. Que la paix de Ton amour divin soit sur tous les très !  

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Le 12 février 1914

 

Lorsque, conscient de Ta suprême conscience, on considère toutes les circonstances terrestres, on aperçoit toute leur relativité et l'on dit : "Faire ceci ou cela, en définitive cela n'a pas grande importance; pourtant tel mode d'action sera la meilleure utilisation de telle faculté, de tel tempérament. Toutes les actions, quelles qu'elles soient, même les plus contradictoires en apparence, peuvent être l'expression de Ta loi dans ,; la mesure où elles sont imprégnées de la conscience de cette loi, qui n'est pas une loi d'application pratique pouvant se traduire par des principes ou des règles dans la conscience humaine ordinaire, mais qui est une loi d'attitude, de conscience constante et générale, quelque chose qui ne s'exprime point par des formules mais qui se vit." 

 

Mais dès qu'on retombe dans la conscience c ordinaire, rien ne doit plus être traité légèrement,  avec indifférence; les moindres circonstances, les moindres actes ont une grande importance • et doivent être considérés avec gravité; car nous devons à chaque moment tâcher de faire ce qui facilitera l'identification de notre conscience à la conscience éternelle, et éviter soigneusement tout ce qui pourrait faire obstacle à cette identification. C'est alors que les règles de conduite ayant à leur base le parfait désintéressement personnel doivent prendre toute leur valeur.  

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La paix dans le cœur, la lumière dans l'esprit, î l'espoir de la certitude dans tout mon être, je Te salue, Seigneur, divin Maître d'amour éternel.

 

Tu es notre raison d'être et notre but.

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Le 13 février 1914

 

Dans le silence d'une intense concentration je veux unir ma conscience à Ton absolue conscience, je veux m'identifier à Toi, souverain Seigneur de notre être, divin Maître d'amour, afin que Ta loi nous devienne perceptible et claire et que nous ne vivions plus que par elle, que pour elle.

 

Comme tout est beau, grand, simple et calme, aux heures où ma pensée prend son vol vers Toi et s'unit à Toi ! Et du jour où il nous sera possible de maintenir constamment cette suprême clairvoyance, comme nous marcherons dans la vie d'un pas à la fois aérien et assuré, au-dessus des obstacles et sans hésitation. Car, je le sais par expérience, tout doute, toute hésitation, cesse de la minute où l'on est conscient de Ta loi; et si l'on aperçoit clairement l'extrême relativité de toute action humaine, on sait, en même temps, avec exactitude et précision, quelle est par rapport à son corps, à son moyen d'action propre, la moins relative de toutes les actions ... et les obstacles s'évanouissent réellement comme par enchantement. Tous nos efforts tendront désormais, Seigneur, à réaliser de plus en plus constamment ce merveilleux état.

 

Que la paix de Ta certitude s'éveille dans tous les cœurs!  

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Le 14 février 1914

 

Paix, paix sur toute la terre...

 

Que tous, échappant à la conscience ordinaire, délivrés de l'attachement pour les choses matérielles, s'éveillent à la connaissance de Ta divine présence, unissent leur conscience à Ta conscience suprême, et goûtent la plénitude de paix qui en résulte.

 

Seigneur, Tu es le souverain Maître de notre être, Ta loi est notre loi; et de toute notre force nous aspirons à identifier notre conscience à Ton éternelle conscience, afin d'accomplir Ton œuvre sublime en toute chose et à chaque instant.

 

Seigneur, délivre-nous du souci des contingences, délivre-nous de la perception vulgaire, permets que nous ne voyions plus que par Tes yeux et que nous n'agissions plus que par Ta volonté; transforme-nous en vivants flambeaux de Ton amour divin.

 

Avec vénération, avec dévotion, dans une joyeuse consécration de tout mon être, je me donne, Seigneur, à l'accomplissement de Ta loi.

 

Paix, paix sur toute la terre ...

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Le 15 février 1914

 

Seigneur, Unique Réalité, Lumière de la lumière et Vie de la vie, Amour suprême sauveur du monde, permets que de plus en plus nous soyons parfaitement éveillés à la conscience de Ta constante Présence, afin que tous nos actes soient conformes à Ta loi et qu'il n'y ait aucune différence entre notre volonté et Ta volonté. Nous voulons nous dégager de la conscience illusoire, du monde de la fantasmagorie, pour identifier notre conscience à l'absolue Conscience qui est Toi. ,

 

Donne-nous la constance dans la volonté d'atteindre le but, la fermeté, l'énergie et ce courage qui secoue toute torpeur et toute lassitude.

 

Seigneur, je T'implore, permets que tout en mon être s'identifie à Toi et que je ne sois plus qu'un flambeau d'amour complètement éveillé à Ton activité suprême.

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Le 16 février 1914

 

ô Suprême, unique Réalité, Conscience véritable, Unité permanente, souverain repos de la lumière parfaite, avec quelle intensité j'aspire à ne plus être consciente que de Toi, à ne plus être que Toi. Ce tourbillon incessant d'irréelles personnalités, cette multiplicité, cette complexité, cette confusion excessive, inextricable, de pensées en conflit, de tendances en lutte, de désirs en bataille, me paraissent de plus en plus effroyables. Il faut surgir de cette mer en furie, aborder dans la sérénité de Ta paisible rive. Donne-moi l'énergie du nageur infatigable. Je veux Te conquérir, quels que soient les efforts nécessaires pour cela ... Ô Seigneur, il faut que l'ignorance soit vaincue, que l'illusion se dissipe, que cet univers douloureux sorte de son affreux cauchemar, cesse son épouvantable rêve, pour s'éveiller enfin à la conscience de Ton unique Réalité.

 

ô Paix immuable, délivre les hommes de l'ignorance; que partout règne Ta pleine et pure Lumière!  

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Le 17 février 1914

 

Ô Seigneur, avec quelle ardeur mon aspiration monte vers Toi : donne-nous la pleine conscience de Ta loi, la perception constante de Ta volonté, afin que notre décision soit Ta décision et que notre vie soit uniquement consacrée à Ton service, et soit l'expression aussi parfaite que possible de Ton inspiration.

 

Ô Seigneur, dissipe toute obscurité, tout aveuglement, et que chacun puisse jouir de la calme certitude que procure Ta divine illumination !

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Le 19 février 1914

 

ô Seigneur, sois toujours présent dans ma pensée ! Non pas que je Te le demande, car je sais que Ta Présence est constante et souveraine, je sais que tout ce que nous voyons et tout ce qui échappe à notre vue n'est tel que cela est que grâce à Ta merveilleuse intervention, à cause de Ta divine loi d'amour; mais je le dis et le redis, j'implore, pour échapper à l'oubli et à la négligence.

 

Oh! devenir Ton amour vivant au point de transfigurer, d'illuminer toute chose; au point de faire naître en tous la paix et la satisfaction bienveillante.

 

Oh! devenir Ton divin amour clairvoyant et pur, l'être partout et toujours ...  

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Le 20 février 1914

 

La seule chose importante, la seule qui compte, est de vouloir de plus en plus s'identifier à Toi, unir notre conscience à Ton absolue Conscience, être de plus en plus serviteur paisible, calme, désintéressé, fort, de Ta loi souveraine, de Ta volonté d'amour.

 

ô Seigneur, donne-moi cette paix du parfait désintéressement, cette paix qui rend Ta Présence effective, Ton intervention efficace, cette Paix toujours victorieuse de tous les mauvais vouloirs, de toutes les obscurités.

 

Seigneur, très humblement, je prie pour être à la hauteur de ma tâche, que rien en moi, conscient ou non, ne Te trahisse en négligeant de servir Ta mission sacrée.

 

Dans une silencieuse dévotion, je Te salue...

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Le 21 février 1914

 

Il faudrait que chaque jour, chaque instant, soit l'occasion d'une consécration nouvelle et plus complète; et non pas une de ces consécrations enthousiastes et trépidantes, suractives, pleines de l'illusion de l'œuvre, mais une consécration profonde et silencieuse qui n'est pas forcément apparente, mais qui pénètre et transfigure toute action. Il faudrait que notre esprit paisible et solitaire repose toujours en Toi, et i que de ce pur sommet il ait la perception exacte des réalités, de la Réalité unique et éternelle, derrière les instables et fugitives apparences.

 

ô Seigneur, mon cœur est purifié du trouble et de l'angoisse; il est ferme et calme, et Te voit en toute chose; et quelles que soient nos actions extérieures, quelles que soient les circonstances que nous réserve l'avenir, je sais que Toi seul vis, que Toi seul es réel dans Ton immuable permanence, et c'est en Toi que nous vivons ...

 

Que la paix soit sur toute la terre.

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Le 22 févier 1914

 

Lorsque j'étais enfanta — vers l'âge de treize ans et pendant un an environ  —  tous les soirs dès que j'étais couchée, il me semblait que je sortais de mon corps et que je m'élevais tout droit au-dessus de la maison, puis de la ville, très haut. Je me voyais alors vêtue d'une magnifique robe dorée, plus longue que moi; et à mesure que je montais, cette robe s'allongeait en s'étendant circulairement autour de moi pour former comme un toit immense au-dessus de la ville. Alors je voyais de tous côtés sortir des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, des malades, des malheureux; ils s'assemblaient sous la robe étendue, implorant secours, racontant leurs misères, leurs souffrances, leurs peines. En réponse, la robe, souple et vivante, s'allongeait vers eux individuellement, et dès qu'ils l'avaient touchée, ils étaient consolés ou guéris, et rentraient dans leurs corps plus heureux et plus forts qu'avant d'en être sortis. Rien ne me paraissait plus beau, rien ne me rendait plus heureuse; et toutes mes activités de la journée me semblaient ternes et grises, sans vie réelle, à côté de cette activité de la nuit qui était pour moi la vie véritable. Souvent pendant que je m'élevais ainsi, je voyais à ma gauche un vieillard silencieux et immobile, qui me regardait avec une bienveillante affection et m'encourageait de sa présence Ce vieillard, vêtu d'une longue robe d'un violet sombre, était la personnification, — je l'ai su plus tard, — de celui que l'on appelle l'Homme de Douleur.  

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Le 22 février 1914

 

''Lorsque j'étais enfant — vers l'âge de treize ans et pendant un an environ  —  tous les soirs dès que j'étais couchée, il me semblait que je sortais de mon corps et que je m'élevais tout droit au- dessus de la maison, puis de la ville, très haut. Je me voyais alors vêtue d'une magnifique robe dorée, plus longue que moi; et à mesure que je montais, cette robe s'allongeait en s'étendant circulairement autour de moi pour former comme un toit immense au-dessus de la ville. Alors je voyais de tous côtés sortir des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, des malades, des malheureux; ils s'assemblaient sous la robe étendue, implorant secours, racontant leurs misères, leurs souffrances, leurs peines. En réponse, la robe, souple et vivante, s'allongeait vers eux individuellement, et dès qu'ils l'avaient touchée, ils étaient consolés ou guéris, et rentraient dans leurs corps plus heureux et plus forts qu'avant d'en être sortis. Rien ne me paraissait plus beau, rien ne me rendait plus heureuse; et toutes mes activités de la journée me semblaient ternes et grises, sans vie réelle, à côté de cette activité de la nuit qui était pour moi la vie véritable. Souvent pendant que je m'élevais ainsi, je voyais à ma gauche un vieillard silencieux et immobile, qui me regardait avec une bienveillante affection et m'encourageait de sa présence. Ce vieillard, vêtu d'une longue robe d'un violet sombre, était la personnification,  — je l'ai su plus tard,  — de celui que l'on appelle l'Homme de Douleur.  

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Maintenant l'expérience profonde, la réalité presque inexprimable, se traduit dans mon cerveau par d'autres notions que je puis définir ainsi :

 

Bien des fois dans la journée et dans la nuit il me semble que je suis, ou plutôt que ma conscience est concentrée tout entière dans mon cœur, qui n'est plus un organe, ni même un sentiment, mais l'Amour divin, impersonnel, éternel; étant cet Amour, je me sens vivre au centre de toute chose sur toute la terre, et en même temps il me semble m'étendre en des bras immenses, infinis, et envelopper d'une tendresse sans limite tous les êtres serrés, groupés, blottis sur ma poitrine plus vaste que l'univers ... Les mots sont pauvres et malhabiles, ô divin Maître, et les traductions mentales sont toujours enfantines... Mais mon aspiration vers Toi est constante, et à dire vrai, c'est bien souvent Toi-même et Toi seul qui vis en ce corps, imparfait moyen de Te manifester.

 

Que tous les êtres soient heureux dans la paix de Ton illumination !  

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Le 23 février 1914

 

Permets, Seigneur, que nous soyons de plus en plus conscients de Ta loi, c'est-à-dire "un" avec elle, afin de favoriser sa manifestation en toute chose.

 

Seigneur, permets que je devienne maîtresse de ma pensée vagabonde, que vivant en Toi, je n'aperçoive la vie qu'à travers Toi, et que l'illusion de la réalité matérielle prenne fin pour être remplacée par une perception plus conforme à Ta réalité éternelle.

 

Laisse-moi vivre constamment dans Ton Amour divin, afin que ce soit lui qui vive en moi et par moi.

 

Permets que je sois la collaboratrice efficace et clairvoyante et que tout en moi favorise la plénitude de Ta manifestation.

 

Je connais toutes mes imperfections, mes difficultés, mes faiblesses, je pressens mes ignorances, mais je mets toute ma confiance en Toi et je m'incline devant Toi avec une silencieuse dévotion.  

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Les 25-26 février 1914

 

Celui qui veut Te servir dignement ne doit être attaché à rien, même pas aux activités qui lui permettent de communier plus consciemment avec Toi ... Mais si, par suite d'un ensemble de circonstances, les choses matérielles prennent plus de place encore dans la vie que de coutume, il faut savoir ne pas se laisser absorber par elles, garder au fond du cœur la claire vision de Ta présence, et vivre constamment dans cette paix sereine que rien ne peut troubler...

 

Oh, tout faire en ne voyant que Toi partout, et planer ainsi au-dessus de l'acte accompli, sans qu'aucune chaîne nous rattachant prisonniers au sol, ne vienne alourdir le vol ...

 

ô Seigneur, permets que l'offrande que je Te fais de mon être soit intégrale et efficace.

 

Avec une respectueuse et tendre dévotion, je m'incline devant Toi, inexprimable Essence, Réalité inconcevable. Innommé.

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Le 27 février 1914

 

ô Seigneur, je pressens le bonheur infini qui est le partage de ceux dont la vie T'est entièrement consacrée. Et cela ne dépend pas des circonstances extérieures, mais de l'état de l'être et de son plus ou moins d'illumination. La parfaite consécration à Ta loi ne peut faire autrement que d'apporter des modifications dans l'ensemble des circonstances, mais ce n'est pas elles qui permettent et expriment cette parfaite consécration. Je veux dire que ce n'est pas dans des circonstances données et toujours les mêmes pour tous, que Ta loi se manifeste; pour chacun cette manifestation est différente suivant son tempérament, c'est-à-dire suivant la mission qui lui est momentanément assignée dans la vie physique.

 

Mais ce qui est invariable et général, c'est la paix heureuse, la sérénité lumineuse et immuable de tous ceux qui Te sont uniquement consacrés, qui n'ont plus en eux d'ombre, d'ignorance, d'égoïste attachement, de mauvaise volonté.

 

Oh, que tous s'éveillent à cette paix divine.

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Le 1er mars 1914

 

C'est en soi même que sont tous les obstacles, c'est en soi-même que sont toutes les difficultés, c'est en soi-même que sont toutes les ombres et toutes les ignorances. Se promènerait-on à travers toute la terre, irait-on s'ensevelir dans quelque solitude, romprait-on avec toutes ses habitudes, mènerait-on la vie la plus ascétique, si quelque lien d'illusion retenait la conscience loin de Ta Conscience absolue, si quelque attachement égoïste nous privait de la communion intégrale avec Ton divin Amour, nous ne serions pas plus proche de Toi quelles que soient les circonstances extérieures. Y en a-t-il même de plus ou moins favorables? J'en doute; c'est l'idée que nous nous en faisons qui nous permet de profiter plus ou moins bien des leçons qu'elles nous donnent.

 

ô Seigneur, je T'implore! Permets que je sois parfaitement consciente et maîtresse de l'agrégat qui constitue cette personnalité, afin que je sois délivrée de moi-même et que Toi seul vives et agisses à travers ces multiples éléments.

 

Vivre dans l'Amour, par l'Amour, pour l'Amour, indissolublement unie à Ta manifestation la plus haute... 

 

Toujours plus de lumière, plus de beauté,  plus de vérité!  

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Le 3 mars 1914

 

À mesure que le jour du départ approche, j'entre dans une sorte de recueillement; je me tourne avec une gravité attendrie vers tous ces mille petits riens qui nous entourent et qui silencieusement ont joué pendant tant d'années leur rôle d'amis fidèles; je les remercie avec reconnaissance de tout le charme qu'ils ont su donner  extérieurement à notre vie; je souhaite que, s'il est dans leur destinée de passer pour plus ou moins longtemps en d'autres mains que les nôtres,  ces mains leur soient douées et sachent tout le respect que l'on doit à ce que Ton divin Amour, Seigneur, a fait surgir de l'obscure inconscience du chaos.

 

Puis je me tourne vers l'avenir, et mon regard se fait plus grave encore Ce qu'il nous réserve, je ne le sais et ne tiens pas à le savoir; les circonstances extérieures n'ont point d'importance; je voudrais seulement que ce soit pour nous le commencement d'une période intérieure nouvelle, où, plus détachés des choses matérielles, nous puissions être plus conscients de Ta loi et plus uniquement consacrés à sa manifestation ; que ce soit une période de plus grande lumière, de plus grand amour, de plus parfait dévouement à Ta cause.

 

Dans une silencieuse adoration, je Te contemple.

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Le 4 mars 1914

 

C'est la. dernière fois, de longtemps sans doute, que j'écris à ce bureau, dans cette calme pièce tout imprégnée de Ta Présence. Pendant trois jours je ne pourrai probablement pas écrire ..C'est avec recueillement que je considère cette page qui se tourne, s'évanouissant dans le rêve du passé, et que je regarde cette page blanche toute pleine en puissance du rêve de l'avenir... Et pourtant comme cela paraît peu de chose, enfantin et sans importance, regardé à la lumière de Ton éternité. La seule chose qui ait de l'importance est d'obéir à Ta loi avec amour et joie.

 

Ô Seigneur, permets que tout en nous T'adore et Te serve.

 

Que tous aient la Paix!

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Genève, le 6 mars 1914

 

Après avoir vivement souffert de leur souffrance, je me suis tournée vers Toi, pour tâcher de la guérir en infusant en elle un peu de cet Amour divin, source de toute paix et de tout bonheur. Il ne faut point fuir la souffrance, il ne faut point l'aimer et la cultiver non plus, il faut savoir l'approfondir suffisamment pour en faire un levier assez puissant pour forcer les portes de la conscience éternelle et entrer dans la sérénité de Ton Unité invariable. 

 

Certes cet attachement sentimental et physique qui produit un déchirement lorsque les corps se séparent, est enfantin à un certain point J de vue, lorsque l'on contemple l'impermanence des formes extérieures et la réalité de Ton Unité essentielle; mais d'autre part cet attachement, cette affection personnelle, ne sont-ils point un  effort inconscient des hommes pour réaliser extérieurement, dans la mesure du possible, cette unité fondamentale vers laquelle ils tendent  toujours sans même s'en rendre compte? Et justement à cause de cela la souffrance produite par la séparation n'est-elle point un des plus efficaces  moyens de dépasser cette conscience extérieure, de remplacer cet attachement superficiel par la réalisation intégrale de Ton éternelle Unité.

 

C'est cela que je leur ai souhaité à tous ; c'est cela que j'ai ardemment voulu pour eux, et c'est pour cela que je T'ai confié leur peine afin que

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Tu la guérisses en l'illuminant, assurée de Ta victoire, certaine de Ton triomphe.

 

Ô Seigneur, permets que toute cette beauté d'affection et de tendresse soit transformée en glorieuse connaissance.

 

Permets que de toute chose il sorte le meilleur, et que Ta Paix heureuse règne sur la terre.

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A bord du Kaga Maru, le 7 mars 1914

 

Tu fus avec nous hier comme la plus merveilleuse des protections ; Tu permis que Ta loi puisse triompher jusque dans la manifestation la plus extérieure. À la violence il a été répondu par le calme, à la brutalité par la force de la douceur ; et là où aurait pu prendre place un irréparable malheur, Ta puissance a été glorifiée, ô Seigneur ! avec quelle fervente reconnaissance j'ai salué Ta présence. Ce fut pour moi le signe certain que nous aurions la force d'agir, de penser, de vivre en Ton nom et pour Toi; non pas seulement dans l'intention et la volonté, mais effectivement, dans la réalisation intégrale. 

 

Ce matin ma prière monte vers Toi dans une aspiration toujours identique : vivre Ton amour, rayonner Ton amour si puissamment, si efficacement que tous se sentent fortifiés, régénérés, illuminés à notre contact. Pouvoir guérir les maux, soulager les souffrances, faire naître la paix et la calme confiance, effacer les angoisses et les remplacer par la perception du bonheur véritable, celui qui réside en Toi et qui ne s'éteint jamais ... ô Seigneur, merveilleux Ami, Maître tout-puissant, pénètre tout notre être et transfigure-le afin que Toi seul vives en nous et par nous !  

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Le 8 mars 1914

 

Devant ce calme lever de soleil qui rendait tout paisible et silencieux intérieurement, au moment où, prenant conscience de Toi, Toi seul vivais en moi, Seigneur, il m'a semblé que j'adoptais tous les habitants de ce bateau, que je les enveloppais tous dans un égal amour, et qu'ainsi en chacun d'eux quelque chose de Ta conscience s'éveillerait. Rarement j'avais si bien senti Ta divine puissance, Ta lumière invincible; et une fois de plus ma confiance fut totale et mon joyeux abandon sans mélange.

 

Ô Toi qui soulages toutes les souffrances et dissipes toutes les ignorances, Toi le guérisseur suprême, sois constamment présent sur ce navire dans le cœur de tous ceux qu'il abrite, afin qu'une fois de plus Ta gloire soit manifestée.

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Le 9 mars 1914

 

Ceux qui vivent pour Toi et en Toi peuvent changer d'entourage physique, d'habitudes, de climat, de milieu, partout ils retrouvent la même atmosphère, celle qu'ils portent en eux, dans leur pensée constamment attachée sur Toi, et partout ils se sentent chez eux, c'est-à-dire chez Toi. Il n'est plus pour eux de ces émerveillements devant la nouveauté des choses et des pays, leur imprévu, leur pittoresque; en tout Ta Présence pour eux est évidente et Ta splendeur immuable ne les quittant pas leur apparaît dans le moindre grain de sable. Toute la terre chante Tes louanges; malgré les obscurités, les misères, les ignorances, à travers tout cela, c'est encore Ta gloire d'amour qu'on aperçoit et avec laquelle on peut sans cesse et partout communier.

 

Seigneur, mon doux Maître, tout cela je l'éprouve d'une façon constante sur ce bateau qui me paraît un lieu de paix merveilleux, un temple naviguant en Ton honneur sur les flots de la passivité subconsciente qu'il nous faut conquérir et éveiller à la conscience de Ta divine Présence.

 

Béni soit le jour où je T'ai connue, ineffable Éternité!

 

Béni entre tous soit le jour où la Terre, enfin  éveillée. Te connaîtra et ne vivra plus que pour Toi!

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Le 10 mars 1914

 

Dans le silence de la nuit Ta Paix régnait sur toutes choses, dans le silence de mon cœur Ta Paix règne toujours ; et lorsque ces deux silences se trouvèrent réunis. Ta Paix fut si puissante qu'aucun trouble d'aucune sorte ne pouvait y résister. Alors j'ai pensé à tous ceux qui veillaient sur le bateau pour assurer et protéger notre route, et avec reconnaissance, dans leur cœur j'ai voulu faire naître et vivre Ta Paix; puis j'ai pensé à tous ceux qui, confiants et sans souci, dormaient du sommeil de l'inconscience, et, avec sollicitude pour leurs misères, pitié pour leur souffrance latente s'éveillant en eux en même temps que leur réveil, j'ai voulu qu'un peu de Ta Paix habite leur cœur et fasse naître en eux la vie de l'esprit, la lumière dissipant l'ignorance. Puis j'ai pensé à tous les habitants de cette vaste mer, les visibles et les invisibles, et j'ai voulu que sur eux s'étende Ta Paix. Puis j'ai pensé à ceux que nous avions laissés au loin et dont l'affection nous accompagne, et avec une grande tendresse, pour eux j'ai voulu Ta Paix consciente et durable, la plénitude de Ta Paix proportionnée à leur capacité de la recevoir. Puis j'ai pensé à tous ceux vers qui nous allons, que des préoccupations enfantines agitent et qui se battent pour de mesquines compétitions d'intérêt, dans l'ignorance et l'égoïsme; et avec ardeur, dans une grande aspiration, pour eux j'ai demandé la pleine lumière de Ta Paix. Puis j'ai pensé à tous ceux que nous connaissons, à tous ceux que nous ignorons, à

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toute la vie qui s'élabore, à tout ce qui a changé de forme, à tout ce qui n'est pas encore en forme, et pour tout cela, ainsi que pour tout ce à quoi je ne puis penser, pour tout ce qui est présent à ma mémoire, et pour tout ce que j'oublie, dans un grand recueillement et une muette adoration, j'ai imploré Ta Paix.

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Le 12 mars 1914

 

Seigneur, mon unique aspiration est de Te mieux connaître et Te mieux servir chaque jour. Qu'importent les circonstances extérieures, elles me paraissent chaque jour plus vaines et plus illusoires, et, de moins en moins, je m'intéresse à ce qui nous adviendra extérieurement; mais de plus en plus je suis intensément intéressée par le seul fait qui me paraisse d'importance : Te mieux connaître afin de Te mieux servir. Il faut que tous les événements extérieurs concourent à ce but, et à ce but uniquement; et pour cela tout dépend de l'attitude que nous avons en face d'eux. Être constamment à Ta recherche en toute chose, vouloir Te mieux manifester en toute circonstance; dans cette attitude se trouve la Paix suprême, la sérénité parfaite, le véritable contentement. En elle la vie s'épanouit, s'élargit, s'étend si magnifiquement en ondes si majestueuses qu'aucun orage ne peut plus la troubler.

 

ô Seigneur, Tu es notre sauvegarde, notre unique bonheur, Tu es notre lumière resplendissante, notre amour pur, notre espoir et notre force. Tu es notre vie, la réalité de notre être !

 

Avec une respectueuse et joyeuse adoration je Te salue.

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Le 13 mars 1914

 

Que de degrés différents dans la conscience! Il faudrait réserver ce mot pour ce qui, dans un être, est illuminé par Ta Présence, s'est identifié à Toi et participe à Ta Conscience absolue, pour ce qui a la connaissance, ce qui est "parfaitement éveillé", comme dit le Bouddha.

 

En dehors de cet état, il y a des degrés infinis de conscience descendant jusqu'à l'obscurité complète, la véritable inconscience qui peut être un domaine pas encore touché par la lumière de Ton amour divin (ce qui paraît improbable dans la substance physique), ou bien ce qui est, pour une raison d'ignorance quelconque, hors de notre région individuelle de perception.

 

Cela, pourtant, n'est qu'une façon, et très incomplète, de dire; car au moment où l'être prend conscience de Ta présence et s'identifie à Ta conscience, il est conscient en toute chose et partout. Mais on ne peut expliquer la durée fugitive de cette suprême conscience que par la complexité des éléments de l'être, par leur inégalité dans l'illumination et par le fait qu'ils entrent successivement en activité. C'est d'ailleurs grâce à cette activité successive qu'ils peuvent peu à peu prendre conscience d'eux- mêmes par suite de l'expérience objective et subjective (ce qui est tout un), c'est-à-dire Te découvrir dans leur essence insondable.

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Le subconscient est la zone intermédiaire entre la perception précise et l'ignorance, l'obscurité totale; il est probable que la majorité des êtres, même des êtres humains, vivent constamment dans cette subconscience; peu en émergent. C'est cela la conquête à faire; car être conscient dans le vrai sens du mot, c'est être Toi intégralement; et n'est-ce point là la définition même de l'œuvre à accomplir, de la mission à remplir sur terre?

 

Délivre-nous, Seigneur, de l'obscurité ; permets que nous devenions parfaitement éveillés ...

 

Doux Maître d'Amour, permets que toute ma conscience se concentre en Toi afin que je ne vive que par l'amour et la lumière, et que l'amour et la lumière rayonnent à travers moi et s'éveillent en tous sur notre passage; que ce voyage physique soit comme le symbole de notre action, et que partout nous laissions Ta trace comme un sillage de lumière et d'amour.

 

ô divin Maître, éternel Instructeur, Tu vis en toute chose, en tout être, et Ton amour éclate aux yeux même du plus ignorant. Permets que tous en prennent conscience dans les profondeurs de leur être et que la haine disparaisse à jamais de leur cœur. 

 

Mon ardente reconnaissance monte vers Toi comme un chant inlassable.

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Le 14 mars 1914

 

Dans l'immuable solitude du désert il y a quelque chose de Ta majestueuse présence, et je comprends pourquoi un des meilleurs moyens de Te trouver a toujours été de se retirer dans ces immenses plaines de sable. 

 

Mais pour celui qui Te connaît, Tu te trouves partout, en toute chose, et aucune ne paraît plus propice qu'une autre à Te manifester; car toutes les choses qui existent  —  et beaucoup d'autres qui ne sont point encore  —  sont nécessaires pour T'exprimer. Chaque chose, par le fait de Ta divine intervention d'amour, est un effort de la vie vers Toi; et dès que les yeux sont dessillés on aperçoit cet effort constamment.

 

ô Seigneur, mon cœur est assoiffé de Toi et ma pensée Te cherche constamment. Dans une muette adoration je Te salue.  

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Le 15 mars 1914

 

Ma pensée est pleine de Toi, mon cœur est plein, tout mon être est rempli de Ta Présence, et la paix va croissant, produisant ce bonheur si spécial, sans mélange, d'une calme sérénité, qui semble vaste comme l'univers, profond comme les profondeurs insondables qui mènent vers Toi.

 

Oh, ces nuits silencieuses et pures, où mon cœur débordant s'unit à Ton divin Amour pour pénétrer toute chose, embrasser toute vie, illuminer, régénérer toute pensée, purifier tout sentiment, éveiller en tout être la conscience de Ta merveilleuse Présence et de l'inexprimable paix en résultant!

 

Permets, Seigneur, que cette conscience et cette paix aillent croissant en nous afin que de plus en plus nous soyons les fidèles intermédiaires de Ta divine et unique loi.

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Le 17 mars 1914

 

Dès que les conditions physiques sont un peu difficiles et qu'il s'ensuit quelque malaise, si l'on sait abdiquer complètement devant Ta volonté, faisant bon marché de la vie ou de la mort, de la santé ou de la maladie, l'être intégral entre immédiatement en harmonie avec Ta loi d'amour et de vie, et toute indisposition physique cesse pour faire place à un bien être calme, profond, paisible.

 

J'ai remarqué que si l'on entre dans une activité qui nécessite une grande endurance corporelle, ce qui fatigue le plus est d'escompter à l'avance toutes les difficultés auxquelles on sera en butte. Il est bien plus sage de ne regarder à chaque instant que la difficulté de la minute présente; ainsi l'effort devient beaucoup plus facile parce qu'il est toujours proportionné à la somme de force, à la résistance dont on dispose. Le corps est un outil merveilleux, c'est notre mentalité qui ne sait pas s'en servir, et qui, au lieu de favoriser sa souplesse, sa plasticité, met en lui une certaine fixité provenant d'idées préconçues et de suggestions défavorables.

 

Mais la science suprême, Seigneur, est de s'unir à Toi, de se confier à Toi, de vivre en Toi, d'être Toi; et alors il n'est plus rien qui soit impossible à l'homme manifestant Ta toute-puissance.

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Seigneur, mon aspiration monte vers Toi comme un cantique silencieux, une adoration muette, et Ton divin Amour illumine mon cœur.

 

ô divin Maître, je Te salue !

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Le 18 mars 1914

 

Tu es la connaissance parfaite, la conscience absolue. Celui qui s'unit à Toi,  —  et pour le temps de cette union,  —  est omniscient. Mais avant même d'avoir atteint ce degré, celui qui, dans toute la sincérité de son être, s'est donné à Toi avec toute sa volonté consciente, celui qui est résolu à faire tous ses efforts pour aider à la manifestation et au triomphe de Ta divine loi d'Amour, en lui et dans toute la zone de son influence, celui-là voit toute chose changer dans sa vie, et toutes les circonstances se mettent à exprimer Ta loi et à favoriser sa consécration; pour celui-là c'est le mieux, le meilleur qui arrive toujours; et s'il est dans son intelligence encore quelque obscurité, quelque désir ignorant qui l'empêche parfois de s'en apercevoir immédiatement, il reconnaît tôt ou tard qu'une puissance bienfaisante semblait le protéger même contre lui-même pour lui procurer les conditions les plus favorables à son épanouissement et à sa transfiguration, sa conversion et son utilisation intégrales.

 

Dès que l'on est conscient et persuadé de cela, on ne peut plus se faire aucun souci pour les circonstances à venir et pour la tournure que prennent les événements; c'est avec une parfaite sérénité qu'on fait à chaque minute ce que l'on juge le meilleur, persuadé que ce sera aussi le meilleur qui en adviendra, même si ce n'est pas le résultat que, dans notre raisonnement borné, nous en attendions.

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C'est pourquoi, Seigneur, notre cœur est léger, notre pensée au repos. C'est pourquoi nous nous tournons vers Toi en toute confiance et nous disons paisiblement :

 

Que Ta volonté soit faite, en elle se réalise l'harmonie véritable.

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Le 19 mars 1914

 

Ô Seigneur, éternel Instructeur, Toi que nous ne pouvons ni nommer ni comprendre, mais que nous voulons réaliser à chaque minute davantage, éclaire les intelligences, illumine les cœurs, transfigure les consciences; que chacun s'éveille à la vie véritable, fuie l'égoïsme et son cortège de douleur et d'angoisse, pour se réfugier dans Ton divin et pur Amour, source de toute paix et de tout bonheur. Mon cœur si plein de Toi semble se dilater à l'infini, et mon intelligence tout éclairée de Ta Présence brille comme le plus pur diamant. Tu es le merveilleux magicien, celui qui transfigure toute chose, de la laideur fait surgir la beauté, de l'obscurité la lumière, de la boue l'eau claire, de l'ignorance la connaissance et de l'égoïsme la bonté.

 

En Toi, par Toi, pour Toi nous vivons et Ta loi est la suprême maîtresse de notre vie.

 

Que Ta volonté soit faite en tout lieu, que Ta paix règne sur toute la terre!

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Le 20 mars 1914

 

Tu es la conscience et la lumière, Tu es la paix au fond de tout, l'amour divin qui transfigure, la connaissance qui triomphe de l'ombre. Pour Te pressentir et aspirer vers Toi, il faut avoir surgi de la mer immense du subconscient, avoir commencé à se cristalliser, à se définir pour se connaître et se donner ensuite comme peut se donner cela seul qui s'appartient. Et que d'efforts et de luttes il faut pour atteindre cette cristallisation, pour sortir 'de l'état amorphe du milieu; et que d'efforts et de luttes encore pour se donner, abdiquer une fois que l'individualité est constituée.

 

Peu d'êtres consentent volontairement à ces efforts; alors la vie avec son imprévu brutal oblige les hommes à les faire sans le vouloir, parce qu'ils ne peuvent faire autrement. Et petit à petit Ton œuvre s'accomplit malgré tous les obstacles.

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Le 21 mars 1914

 

Comme chaque matin mon aspiration monte vers Toi, et dans le silence de mon cœur satisfait, je demande que Ta loi d'Amour s'exprime, que Ta volonté se manifeste. Et d'avance j'adhère avec joie et sérénité aux circonstances qui traduiront cette loi et cette volonté.

 

Oh pourquoi s'agiter et vouloir que les choses soient, pour soi-même, d'une façon et non d'une autre ! Pourquoi décréter que tel ensemble de circonstances sera l'expression des meilleurs possibles et par suite se lancer dans une âpre lutte pour que ces possibles se réalisent! Pourquoi ne pas employer toute son énergie uniquement à vouloir dans le calme de la confiance intérieure, que ce soit Ta loi qui triomphe partout et toujours de toute difficulté, de toute obscurité, de tout égoïsme ! Comme l'horizon s'élargit dès qu'on sait prendre cette attitude; comme tout souci cesse pour faire place à une illumination invariable, à la toute-puissance du désintéressement. Vouloir ce que Tu veux, Seigneur, c'est vivre constamment en communion avec Toi, c'est se libérer de toute contingence, s'évader de toute étroitesse, remplir ses poumons d'un air pur et sain, se débarrasser de toute fatigue inutile, s'alléger de tout poids encombrant, pour courir d'un pas alerte vers le seul but qui soit digne d'être atteint : le triomphe de Ta divine Loi!

 

ô Seigneur, avec quelle heureuse confiance je Te salue ce matin ...

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Le 22 mars 1914

 

Ô Seigneur, divin Maître d'Amour, éclaire leur conscience et leur cœur. Ils ont fait un effort pour tendre vers Toi, mais leur ignorance a fait que ce n'est probablement pas vers Toi que sont montées leurs prières, et leurs conceptions fausses ont barre la route à leur aspiration. Cependant dans Ta miséricorde, Tu mets à profit toute bonne volonté, et il suffit d'un éclair de sincérité pour que Ta divine clarté en profite pour illuminer les intelligences, pour que Ton sublime amour pénètre dans les cœurs et les remplisse de cette pure et haute bienveillance qui est une des meilleures expressions de Ta loi. Ce que j'ai voulu pour eux, avec Ta volonté, aux moments où j'ai pu être en communion véritable avec Toi, permets qu'ils l'aient reçu en ce jour où, tâchant d'oublier les contingences extérieures, ils se sont tournés vers leur pensée la plus noble, vers leur sentiment le meilleur.

 

Que la suprême sérénité de Ta sublime Présence s'éveille en eux. !

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Le 23 mars 1914

 

À mon sens, l'état idéal est celui où, constamment conscient de Ta Conscience, on sait à chaque instant, spontanément, sans aucune réflexion nécessaire, exactement ce que l'on doit faire pour exprimer au mieux Ta loi. Cet état, je le connais pour m'y être trouvé à certains moments, mais bien souvent la connaissance du "comment" est voilée par une brume d'ignorance et l'on doit faire appel à la réflexion qui n'est pas toujours bonne conseillère; sans compter tout ce que l'on fait à chaque minute, sans avoir le loisir de la réflexion, au hasard de l'inspiration du moment. Dans quelle marge est-elle conforme ou contraire à Ta loi? Cela dépend de l'état du subconscient, de ce qui est actif en lui à ce moment-là. Une fois l'acte accompli, s'il a quelque importance, si on peut le regarder, l'analyser, le comprendre, il sert de leçon, permet de prendre conscience du mobile qui a fait agir, et par suite de quelque chose de ce subconscient qui gouverne encore et doit être maîtrisé.

 

Il est impossible que dans toute action terrestre il n'y ait pas un bon et un mauvais côté. Même les actions qui expriment le mieux la loi d'Amour la plus divine contiennent en elles quelque chose du désordre et de l'ombre inhérents au monde tel qu'il est actuellement. Certains êtres, ceux que l'on appelle les pessimistes, aperçoivent presque uniquement le côté d'ombre de toute chose. Les optimistes, au contraire, ne voient que le côté de beauté et d'harmonie.

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Et s'il est ridicule et ignorant d'être un optimiste involontaire, n'est-ce point une heureuse conquête à faire que de devenir un optimiste volontaire! Aux yeux des pessimistes, quoi que ce soit que l'on fasse, ce sera toujours mal, ignorant ou égoïste; comment pourrait-on les satisfaire? C'est une entreprise impossible.

 

Il n'est qu'une ressource, c'est de s'unir le plus parfaitement que l'on peut à la lumière la plus haute et là plus pure que l'on puisse concevoir, d'identifier aussi complètement que possible sa conscience à la Conscience absolue, de s'efforcer de recevoir d'elle seule toutes les inspirations afin de favoriser de son mieux sa manifestation sur la terre, et, confiant en sa puissance, de considérer les événements avec sérénité.

 

Puisque tout est mélangé forcément dans la manifestation actuelle, le plus sage est de faire de son mieux, en s'efforçant vers une lumière toujours plus haute et de prendre son parti de ce que la perfection absolue soit pour le moment irréalisable.

 

Avec quelle ardeur cependant ne faut-il pas aspirer toujours à cette inaccessible perfection ! ...

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Le 24 mars 1914

 

Le résultat de toutes mes réflexions d'hier est la constatation que le seul trouble que j'éprouve provient de la crainte où je suis de ne pas avoir été ou de ne pas être assez parfaitement identifiée à Ta loi. Et ce trouble provient justement du fait que l'identification n'est pas complète; car si elle l'était je ne pourrais pas me demander si elle l'est, et d'autre part, je le sais par expérience, tout trouble me deviendrait impossible.

 

Mais en présence d'une erreur ou d'une maladresse commise, la véritable pensée à avoir n'est pas de se dire : "j'aurais dû mieux faire, j'aurais dû faire ceci au lieu de cela". Mais bien "je n'ai pas été suffisamment identifiée à la Conscience éternelle, il faut m'efforcer de mieux réaliser cette définitive et intégrale union".

 

Hier après-midi, pendant ces longues heures de contemplation silencieuse, j'ai enfin compris ce qu'est l'identification véritable avec ce à quoi l'on pense. J'ai effleuré, pour ainsi dire, cette réalisation, non plus en obtenant un état moral, mais simplement par la fixité et la maîtrise de la pensée. J'ai compris qu'il me faudrait de longues, très longues heures de contemplation pour pouvoir parfaire cette réalisation. Cela est une des choses que j'espère du voyage dans l'Inde, si toutefois Tu considères que c'est utile pour Ton service, Seigneur.

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Mes progrès sont lents, très lents, mais j'espère qu'en compensation ils sont durables et à l'abri de toute fluctuation.

 

Permets que j'accomplisse ma mission, que j'aide à Ton intégrale manifestation.

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Le 25 mars 1914

 

Comme toujours, invisible et silencieuse mais toute-puissante, Ton action s'est exercée, et dans ces âmes qui semblaient si closes, la perception de Ta divine lumière s'est éveillée. Je savais qu'il est impossible que l'on puisse solliciter Ta Présence en vain, et que si, dans la sincérité de son cœur, on communie avec Toi à travers n'importe quel organisme, corps ou collectivité humaine, cet organisme s'en trouve, malgré son ignorance, son inconscience, tout transformé. Mais quand cette transformation devient consciente dans un ou plusieurs éléments, quand la flamme qui couvait sous la cendre jaillit tout d'un coup illuminant tout l'être, alors on est heureux de pouvoir saluer Ton action souveraine, de constater une fois de plus Ta puissance invincible, d'espérer légitimement qu'une possibilité nouvelle de bonheur véritable est venue s'ajouter aux autres dans l'humanité. 

 

Seigneur, ma reconnaissance fervente monte vers Toi, exprimant la gratitude de cette douloureuse humanité que Tu illumines, transfigures, glorifies, à qui Tu donnes la paix de la connaissance.

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Le 28 mars 1914

 

Depuis notre départ et de plus en plus, c'est en toutes choses que nous pouvons voir Ta divine intervention, c'est partout que Ta loi s'exprime, et il faut toute ma certitude intérieure que cela est tout naturel ainsi, pour que je n'aille pas d'émerveillement en émerveillement. 

 

Il ne me semble à aucun moment vivre hors de Toi et jamais les horizons ne m'ont paru plus vastes et les profondeurs plus lumineuses et insondables en même temps. Permets, ô Divin Instructeur, que nous puissions de mieux en mieux, de plus en plus, connaître et accomplir I notre mission sur terre, que nous utilisions pleinement toutes les énergies qui sont en nous, et que Ta souveraine Présence devienne de plus en plus parfaitement manifestée dans les profondeurs silencieuses de notre âme, dans toutes nos pensées, tous nos sentiments, toutes nos actions.

 

Il me semble presque étrange de m'adresser à Toi, tant c'est Toi qui vis en moi, penses et aimes.

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Pondichéry, le 29 mars 1914

 

ô Toi que nous devons connaître, comprendre, réaliser. Conscience absolue, Loi éternelle. Toi qui nous guides et nous éclaires, nous détermines et nous inspirés, fais que ces âmes faibles soient fortifiées et que ces craintifs soient rassurés. À Toi je les confie, au même titre que je Te confie toute notre destinée.

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Le 30 mars 1914

 

Comme en présence de ceux qui sont intégralement Tes serviteurs, de ceux qui sont arrivés à la parfaite conscience de Ta présence, je m'aperçois que je suis loin encore, très loin de ce que je voudrais réaliser; et je sais que ce que je conçois de plus haut, de plus noble et de plus pur est encore sombre et ignorant à côté de ce qu'il me faudrait concevoir. Mais cette perception loin d'être déprimante, stimule et fortifie l'aspiration, l'énergie, la volonté de triompher de tous les obstacles pour être enfin identifiée à Ta loi et à Ton œuvre.

 

Petit à petit l'horizon se précise, la route s'éclaire, et c'est vers une certitude de plus en plus grande que nous nous avançons.

 

Peu importe qu'il y ait des milliers d'êtres plongés dans la plus épaisse ignorance, Celui que nous avons vu hier est sur terre ; sa présence suffit à prouver qu'un jour viendra où l'ombre sera transformée en lumière, et où effectivement, Ton règne sera instauré sur la terre.

 

ô Seigneur, Divin Constructeur de cette merveille, mon cœur déborde de reconnaissance et de joie lorsque je pense à elle et mon espoir est sans limite.

 

Mon adoration dépasse toute parole, mon respect est silencieux.

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Le 1er avril 1914

 

Il me semble que nous soyons entrés au cœur de Ton sanctuaire et que nous ayons pris connaissance de Ta volonté elle-même. Une grande joie, une profonde paix règnent en moi, et pourtant toutes mes constructions intérieures se sont évanouies comme un vain rêve, et je me trouve maintenant, devant Ton immensité, sans cadre et sans système comme un être pas encore individualisé. Tout ce passé, dans sa forme extérieure, me paraît ridiculement arbitraire, et pourtant je sais qu'il était utile à son heure.

 

Mais actuellement tout est changé : une étape nouvelle est commencée.

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Le 2 avril 1914

 

Chaque jour, au moment où je veux écrire, je suis interrompue, comme si la période nouvelle qui s'ouvre devant nous était une période d'expansion plutôt que de concentration. C'est dans l'activité de chaque instant qu'il nous faut Te servir et nous identifier à Toi, plutôt que dans de profondes et muettes contemplations ou dans des méditations écrites ou non.

 

Mais mon cœur ne se lasse pas de Te chanter un cantique, et ma pensée est constamment pleine de Toi.

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Le 3 avril 1914

 

Il me semble que je suis en train de naître  à une vie nouvelle et que toutes les méthodes,  les habitudes du passé ne peuvent plus être d'aucune utilité. Il me semble que ce qui était des  résultats n'est plus qu'une préparation. Je me  sens comme si je n'avais rien fait encore, comme si je n'avais pas vécu de la vie spirituelle, comme si j'entrais seulement dans la voie qui y mène, il me semble que je ne sais rien, que je suis incapable de rien formuler, que toute l'expérience est encore  à faire. C'est comme si j'étais dépouillée de tout mon passé, des erreurs comme des conquêtes, comme si tout cela s'était évanoui pour faire  place à un nouveau-né dont toute l'existence est  à faire, qui ne possède aucun Karma, n'a aucune expérience dont il puisse profiter, mais aucune erreur non plus qu'il lui faille réparer. Ma tête est vide de toute connaissance et de toute certitude, mais aussi de toute vaine pensée. Je sens que si je sais m'abandonner sans résistance à cet état, si je ne tâche pas de savoir ou de comprendre, si je consens à être complètement comme un enfant ignorant et candide, quelque possibilité nouvelle s'ouvrira devant moi. Je sais qu'il me faut maintenant renoncer définitivement à moi-même et être comme une page absolument blanche où Ta pensée, Ta volonté, Seigneur, pourra s'inscrire librement à l'abri de toute déformation.

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         Une immense gratitude monte de mon cœur, il me semble être enfin arrivée au seuil que j'ai tant cherché.

 

Oh permets, Seigneur, que je sois assez pure, assez impersonnelle, assez animée de Ton divin amour, pour pouvoir le franchir définitivement.

 

Oh T'appartenir sans ombre et sans restriction !

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Lé 4 avril 1914

 

Ô Seigneur, mon adoration monte ardemment vers Toi, tout mon être est comme une aspiration, une flamme qui T'est consacrée.

 

Seigneur, Seigneur, mon doux Maître, c'est Toi qui vis et veux en moi !

 

Ce corps est Ton instrument ; cette volonté est Ta servante ; cette intelligence est Ton outil ; et le tout n'est que Toi-même.

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Le 7 avril 1914

 

Quel est donc mon courage que toujours j'essaye d'éviter le combat ? Quelle est donc mon énergie que je m'effraye instinctivement du nouvel effort à faire et que j'essaye, sans m'en rendre compte, de m'endormir passivement, comptant sur les conséquences de l'effort antérieur ? Pour agir il me faut y être contrainte et ma muette contemplation est en partie faite de paresse ... Tout cela m'apparaît de plus en plus clairement. Tout ce que j'ai fait jusqu'à présent me semble 1 n'être rien. La mesquinerie et les limitations de l'instrument que je mets à Ton service, Seigneur, sont pour moi évidentes, et je ris un peu douloureusement à l'idée que j'ai pu parfois avoir bonne opinion de mon être, de ses efforts et de leurs résultats. Ce seuil de la vie véritable que je crois toujours avoir atteint est comme un espoir qui m'est octroyé mais jamais comme une réalisation tangible ; c'est le jouet que l'on promet à l'enfant, la récompense que l'on fait entrevoir aux faibles.

 

Quand donc serai-je un être vraiment fort, tout entier fait de courage, d'énergie, de valeur et de calme persévérance ; quand donc aurai- je assez complètement oublié ma personne pour ne plus être que l'instrument uniquement pétri des forces qu'il doit manifester ? Quand donc, à ma conscience d'unité ne se mêlera-t-il plus aucune inertie ; quand donc, à mon sentiment d'amour divin, ne se mêlera-t-il plus aucune faiblesse ?

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ô Seigneur, toute pensée semble morte en moi, maintenant que j'ai posé ces questions. Je cherche mon esprit conscient et je ne le trouve plus ; je cherche mon individualité et je ne la découvre nulle part ; je cherche ma volonté personnelle et elle est absente. Je Te cherche Toi, et Tu Te tais ... Silence, silence ...

 

Maintenant il me semble entendre Ta voix : "Jamais tu n'as su mourir intégralement. Toujours quelque chose en toi a voulu savoir, assister, comprendre. Abdique complètement, apprends à disparaître, brise la dernière digue qui te sépare de Moi ; accomplis sans réserve ton acte de soumission". Hélas, Seigneur, depuis longtemps je l'ai voulu, mais je n'ai pas pu. Maintenant m'en donneras-Tu le pouvoir ?

 

Ô Seigneur, mon doux Maître éternel, brise cette résistance qui me remplit d'angoisse ... délivre-moi de moi-même !

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Le 8 avril 1914

 

Seigneur, ma pensée est paisible et mon cœur recueilli ; je me tourne vers Toi avec une profonde dévotion et une confiance sans limite : je sais que Ton amour est tout-puissant et que Ta justice régnera sur la terre ; je sais que l'heure est proche où le dernier voile sera écarté et où toute iniquité disparaîtra pour faire place à une ère de paix et d'harmonieux effort.

 

ô Seigneur, la pensée recueillie et le cœur paisible, je m'approche de Toi et tout mon être est rempli de Ta divine Présence ; permets que je ne voie plus que Toi en toute .chose et que tout resplendisse de Ta divine Lumière. Oh, que les haines soient apaisées, les rancunes effacées, les craintes dissipées, les soupçons anéantis, les malveillances surmontées, et que dans cette ville, dans ce pays, sur cette terre, tous les .cœurs sentent vibrer en eux cet amour sublime, source de toute transfiguration.

 

ô Seigneur, avec quel ardent appel j'implore Ton amour. Permets que mon aspiration soit assez intense pour éveiller partout une aspiration semblable : Oh, que la bonté, la justice et la paix règnent en souveraines maîtresses, que l'ignorant égoïsme soit surmonté, que les ténèbres soient soudain illuminées par Ta pure Lumière ; que les aveugles voient, que les sourds entendent, que Ta loi soit proclamée en tout lieu et que, dans une union constamment progressive, dans une

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harmonie toujours plus parfaite, tous, comme un seul être, tendent leurs bras vers Toi, pour s'identifier à Toi et Te manifester sur terre.

 

ô Seigneur, la pensée recueillie, le cœur ensoleillé, je me donne à Toi sans réserve et le moi disparaît en Toi !

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Le 10 avril 1914

 

Soudainement le voile s'est déchiré, l'horizon s'est découvert. Devant la claire vision, tout mon être s'est jeté à Tes pieds dans un grand élan de gratitude. Et malgré cette profonde et intégrale joie, tout fut calme et paisible, de cette paix de l'éternité. Il me semble ne plus avoir de limites ; je n'ai plus la perception du corps, ni des sensations, ni des sentiments, ni des pensées ... Une immensité claire, pure, tranquille, tout imprégnée d'amour et de lumière, pleine d'une béatitude indicible, est la seule chose qui me paraisse actuellement être moi; et ce moi est si peu le moi d'autrefois, égoïste et limité, que je ne puis plus dire si c'est moi ou bien Toi, Seigneur, Maître sublime de nos destinées.

 

C'est comme si tout était énergie, courage, force, volonté, douceur infinie, compassion sans pareille ...

 

Plus fortement encore que les jours derniers tout le passé est mort, comme enseveli sous les rayons de la vie nouvelle. Le dernier regard que je viens de jeter en arrière, en relisant quelques pages de ce cahier, m'a convaincue définitivement de cette mort, et, c'est allégée d'un grand poids, que je me présente devant Toi, ô mon divin Maître, avec toute la simplicité, toute la nudité d'un enfant ... Et toujours la seule chose que je perçoive est cette pure et calme immensité ... Seigneur, Tu as répondu à ma prière et Tu m'as accorde ce que je T'ai demandé :

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le "je" a disparu, il n'y a plus que l'instrument docile mis à Ton service, centre de concentration et de manifestation de Tes rayons infinis et éternels. Tu as pris ma vie et l'as faite Tienne, Tu as pris ma volonté et l'as unie à la Tienne, Tu as pris mon amour et Tu Pas identifié au Tien, Tu as pris ma pensée et Tu l'as remplacée par Ta Conscience absolue.

 

Le corps émerveillé courbe le front dans la poussière en muette et soumise adoration. Et plus rien n'existe que Toi dans la splendeur de Ta paix immuable.

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Karikal, le 13 avril 1914

 

Tout se coalise pour que je ne puisse plus être un être d'habitudes, et dans ce nouvel état, au milieu de ces circonstances si complexes et mouvantes, je n'ai jamais aussi complètement vécu Ta paix immuable, ou plutôt le "je" n'a jamais si complètement disparu pour que, seule, Ta divine paix soit vivante. Tout est beau, harmonieux et calme, tout est plein de Toi. Tu resplendis dans l'éclatant soleil. Tu Te fais sentir dans la douce brise qui passe, Tu Te manifestes dans les cœurs et vis dans tous les êtres. Il n'est pas un animal, une plante, qui ne me parle de Toi et Ton nom est écrit sur tout ce que je regarde.

 

ô mon doux Seigneur, as-Tu enfin permis que je sois toute à Toi et que ma conscience soit définitivement unie à la Tienne? Qu'ai-je fait pour mériter un bonheur si glorieux ? Rien que de le désirer, de le vouloir avec constance, c'est peu.

 

Mais, Seigneur, puisque maintenant c'est Ta volonté et non la mienne qui vit en moi, Tu sauras faire que ce bonheur soit profitable à tous et que sa raison d'être soit de Te rendre perceptible au plus grand nombre d'êtres possible.

 

Oh que tous Te connaissent, T'aiment, Te servent ; que tous reçoivent la suprême consécration !

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ô Amour, divin Amour, répands-toi dans le monde, régénère la vie, éclaire l'intelligence, romps les digues de l'égoïsme, dissipe les obstacles de l'ignorance, resplendis en souverain Maître , de la terre. 

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Pondichéry, le 17 avril 1914

 

ô Seigneur, Maître tout-puissant, Unique Réalité, permets qu'aucune erreur, aucune obscurité, aucune fatale ignorance ne se glissent dans mon cœur et ma pensée ...

 

Dans l'action, la personnalité est l'intermédiaire inévitable, indispensable, de Ta volonté et de Tes forces. Plus cette personnalité est forte, complexe, puissante, individualisée, consciente, plus l'instrument peut être puissamment et utilement employé. Mais, à cause même de son caractère de personnalité, elle a facilement tendance à entrer dans l'illusion funeste de son existence séparée, et de devenir peu à peu un écran entre Toi et ce sur quoi Tu veux agir ; non pas au début dans la manifestation, mais dans la transmission du retour ; c'est-à-dire qu'au lieu d'être, en serviteur fidèle, un intermédiaire Te rapportant exactement ce qui T'est dû  —  les forces émises répondant à Ton action  —  la personnalité a tendance à vouloir conserver pour elle-même une partie de ces forces avec l'idée : "c'est moi qui ai fait ceci ou cela, c'est moi que l'on remercie ..." Pernicieuse illusion, obscur mensonge, maintenant vous êtes découverts et démasqués. Voilà le ver malfaisant qui ronge le fruit de l'action et fausse tous les résultats.

 

ô Seigneur, mon doux Maître, Unique Réalité, dissipe ce sentiment du moi. Maintenant j'ai compris que tant qu'il y aura un univers

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manifesté le moi sera nécessaire à Ta manifestation ; dissiper ou seulement diminuer, affaiblir le moi, c'est Te priver de Ton moyen de manifestation, totalement ou en partie. Mais ce qu'il faut supprimer radicalement, définitivement, c'est l'illusoire pensée, l'illusoire sentiment, l'illusoire sensation du moi séparé. À aucun moment, en aucune circonstance, il ne faut oublier que ce moi n'a aucune réalité hors de Toi. 

 

ô mon doux Maître, divin Seigneur, arrache de mon cœur cette illusion afin que ce serviteur  devienne pur et Te rapporte fidèlement et intégralement tout ce qui T'est dû. Laisse-moi dans le silence contempler et comprendre cette suprême ignorance et la dissoudre à tout jamais ; chasse l'ombre de ce cœur et que Ta lumière y règne en souveraine incontestée.

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Le 18 avril 1914

 

Hier matin le dernier voile s'était presque déchiré, la dernière forteresse de l'aveugle et ignorante personnalité semblait sur le point de céder ; pour la première fois je pensais avoir compris ce qu'est le véritable service impersonnel, et l'obstacle qui me séparait de la réalisation intégrale me paraissait très fragile, sur le point de disparaître définitivement. Mais la nécessité de mes devoirs extérieurs m'a arrachée à cette bienfaisante et bienheureuse contemplation, et au moment où j'ai dû par force retourner à la conscience extérieure, le voile s'est refermé et me semble plus obscur que jamais. Pourquoi cette chute dans l'inconscience de la nuit après la si grande lumière ? ...

 

ô Seigneur, Seigneur, ne me permettras-Tu donc pas de m'évader enfin de l'ignorance et de ne plus faire qu'un avec Toi ! Maintenant que j'ai si bien su et vu ce que doit être le travail sur la terre, ne pourrais-je donc pas le réaliser ? Suis-je donc rivée à l'ignorance et à l'illusion ! ...

 

Pourquoi, pourquoi cette nuit après la si grande et pure lumière ? Tout mon être est tendu dans un angoissant appel !

 

ô Seigneur, prends pitié de moi !

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Le 19 avril 1914

 

Il y a une grande différence entre se trouver dans l'activité, dans l'action extérieure, tout en gardant sa pensée constamment fixée sur Toi, et entrer dans cette union parfaite avec Toi qui détermine ce que j'ai appelé "la Conscience absolue, l'Omniscience véritable, la Connaissance". Lorsque l'on agit, même la pensée fixée sur Toi, on est comme un aveugle marchant sur la route, avec le sens de la direction, mais ne connaissant rien du chemin qu'il suit et de la façon précise dont il faut y marcher pour que rien ne soit négligé. Dans l'autre cas, au contraire, c'est la claire vision dans la pleine lumière, l'utilisation de la moindre rencontre, la plénitude de l'action, le maximum du résultat. Et si la première attitude est indispensable avant d'avoir atteint l'autre, il ne faut à aucun moment cesser de travailler, de faire effort pour atteindre la communion parfaite.

 

Mais mon cœur est en paix, ma pensée sans impatience, et je m'en remets à Ta volonté avec la confiance souriante d'un enfant.

 

Que Ta paix règne sur tous ...  

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Le 20 avril 1914

 

Après avoir beaucoup espéré, après avoir cru que mon être extérieur allait enfin devenir l'instrument adapté à Tes fins, après avoir eu l'espoir d'être enfin délivrée de ce "moi" si encombrant et .obscur, je me sens aussi loin du but qu'auparavant, aussi ignorante, aussi égoïste que je l'étais avant cette grande espérance. Et le chemin se déroule de nouveau interminable à travers les champs de l'inconscience. La sublime porte s'est refermée et je me trouve encore au seuil du sanctuaire sans pouvoir y pénétrer. Mais j'ai appris à tout regarder en souriant avec un cœur tranquille. Je Te demande seulement, ô mon divin Maître, de ne pas me laisser commettre d'erreurs ; même si l'instrument est condamné pour un temps encore à l'inconscience, permets qu'il se laisse fidèlement et docilement guider par Ta divine loi.

 

Je Te salue, Seigneur, avec une profonde et pure dévotion. Oh ! sois le souverain Maître de tous les cœurs.

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Le 23 avril 1914

 

Toutes les règles se sont évanouies, la régularité de la discipline a disparu, tout effort a cessé ; non pas de ma propre volonté, non plus, je crois, par négligence, mais parce que les circonstances se coalisent pour qu'il en soit ainsi. Il me semble que cette volonté intérieure, toujours en éveil, qui ressemble au timonier tenant le gouvernail, s'est évaporée ou endormie, et mon être n'est plus que quelque chose de paisiblement soumis qui se laisse emporter par le courant. Jusqu'à présent il me semble que la marche demeure rectiligne, et je veux garder l'espoir que c'est J Toi, Seigneur, qui diriges le courant ; mais certes si j'ai péché parfois par une rigidité trop grande, un manque de souplesse et de spontanéité,  il se pourrait bien que maintenant je pèche par l'excès contraire. J'en suis arrivée à accepter , paisiblement l'état dans lequel je me trouve et à  me dire que Tu me gratineras de la Conscience ? véritable, de la Conscience absolue quand bon Te semblera.

 

Je regarde tout ce monde en mouvement comme un jeu qui se déroule, et je prends part à ce jeu avec la même énergie et la même conviction que si je le croyais réel et important. Tout cela est très nouveau. Mais ce qui est certain, c'est que jamais mon esprit et mon cœur ne furent en un si complet repos. Ce qui sortira de là, je ne sais. Mais je me fie à Toi, Seigneur ; Tu sais le meilleur moyen d'utiliser et de développer Ton instrument ..

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Le 28 avril 1914

 

Tu es le Maître du monde ; Ta loi se déroule devant nous avec précision, et ainsi que je le pensais, ou plutôt que Tu me l'avais fait entendre avant notre départ de Paris, c'est le meilleur, ce qui pouvait servir le mieux Ton œuvre dans le monde, qui est arrivé.

 

Dans la béatitude j'ai communié avec Ta puissance dominant l'ombre et l'erreur, éclatant comme une merveilleuse et éternelle aurore au-dessus de la boue de la force hypocrite et de son apparent succès. Tout a été mis au jour, nous avons fait un pas de plus vers la pleine lumière de la sincérité, et c'est cette pleine lumière qui sera la première étape de Ton règne sur la terre.

 

ô Toi, splendeur inconcevable, Toi, vainqueur de toute ignorance, triomphateur de tout égoïsme, Toi qui illumines les cœurs et éclaires les esprits, Toi qui es la Connaissance, l'Amour et l'Être, laisse-moi vivre constamment dans la conscience de Ton Unité, laisse-moi me conformer toujours à Ta Volonté.

 

Avec une respectueuse, une silencieuse dévotion, je Te salue comme le souverain Seigneur du monde !

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Le 2 mai 1914

 

Au-dessus de toutes les conceptions humaines, même les plus merveilleuses, au-dessus de tous les sentiments humains, même les plus sublimes, au-dessus des plus magnifiques aspirations et des plus purs élans; au-dessus de l'Amour, de la Connaissance et de l'Unité de l'Être, je veux entrer en communion constante avec Toi, Seigneur. Libre de toute entrave je serai Toi-même ; ce sera Toi qui verras le monde à travers ce corps ; ce sera Toi qui agiras dans le monde par cet instrument.

 

En moi est la calme sérénité de la parfaite certitude.

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Le 3 mai 1914

 

ô divin Amour, suprême Connaissance, Unité parfaite, à chaque instant de la journée je T'appelle afin de ne plus être que Toi !

 

Que l'instrument Te serve, conscient d'être instrument, et que toute la conscience, immergée dans la Tienne, contemple toutes choses avec Ta vision divine.

 

ô Seigneur, Seigneur, permets que Ta souveraine Puissance se manifeste ; permets que Ton œuvre s'accomplisse et que Ton serviteur soit uniquement consacré à Ton service.

 

Que le "je" disparaisse à tout jamais, que seul l'outil demeure !

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Le 4 mai 1914

 

Être immergée à la fois en Toi et en Ton œuvre ... ne plus être une individualité limitée ... devenir l'infinitude de Tes forces se manifestant à travers un point ... être libérée de toutes les entraves et de toutes les limitations... s'élever au-dessus de toute pensée restrictive ... faire l'action en étant hors de l'action ... agir avec et pour les individualités en ne percevant que l'Unité, l'Unité de Ton Amour, de Ta Connaissance, de Ton Être ... Ô mon divin Maître, éternel Instructeur, Unique Réalité, dissous toute obscurité en cet agrégat que Tu as formé pour Ton service. Ta manifestation dans le monde. Réalise en lui cette conscience suprême qui partout fera naître la conscience identique.

 

Oh, ne plus voir les apparences qui sans cesse changent; ne plus contempler en tout et partout que Ton immuable Unité.

 

Ô Seigneur, tout mon être crie vers Toi dans un irrésistible appel; ne veux-Tu pas permettre que je devienne Toi-même dans ma conscience intégrale, puisqu'on fait je suis Toi et Tu es moi.

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Le 9 mai 1914

 

Juste au moment où je sentais l'impérieuse nécessité de reprendre régulièrement ce cahier afin de sortir de cette inertie mentale envahissante, mon organisme physique a subi une défaite comme il n'en avait pas connu depuis plusieurs années et pour quelques jours toutes les forces corporelles m'ont fait défaut; j'y ai vu le signe que j'avais fait une faute, que mon énergie spirituelle avait faibli, que ma vision de la toutepuissante Unité avait été obscurcie, que quelque suggestion mauvaise était parvenue à me troubler de quelque manière, et je me suis inclinée devant Toi, Seigneur, mon doux Maître, avec humilité, consciente que je n'étais pas mûre encore pour la parfaite identification avec Toi. Quelque chose dans cet agrégat qui constitue l'instrument que je puis mettre à Ton service est encore obscur et incompréhensif; quelque chose ne répond pas comme il convient à Tes forces, déforme et obscurcit leur manifestation ...

 

Un grand problème s'est posé devant moi et la maladie l'a couvert de son voile et m'a empêchée de le résoudre. Maintenant que je revis dans le sentiment de Ton Unité, le problème semble ne plus avoir de sens et je ne le comprends plus très bien.

 

Il me semble avoir laissé loin derrière moi quelque chose, il me semble que je m'éveille lentement à une nouvelle vie. Je voudrais que ce

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ne soit pas une illusion et que la paix profonde et souriante soit revenue pour toujours.

 

ô mon divin Maître, mon amour aspire vers Toi plus intensément que jamais; laisse-moi être Ton Amour vivant dans le monde et n'être plus que cela! Que tout égoïsme, toute limitation, toute obscurité disparaissent; que ma conscience s'identifie à Ta conscience afin que Toi seul sois la volonté agissant à travers cet instrument fragile et passager.

 

ô mon doux Maître, avec quelle ardeur mon amour aspire vers Toi ...

 

Permets que je ne sois plus que Ton Amour Divin et qu'en tout être cet Amour s'éveille puissant et victorieux.

 

Laisse-moi être comme un immense manteau d'amour enveloppant toute la terre, pénétrant tous les cœurs, murmurant à toutes les oreilles Ton divin message d'espoir et de paix.

 

ô mon divin Maître, avec quelle ardeur j'aspire vers Toi! Brise ces liens d'ombre et d'erreur; dissipe cette ignorance, libère, libère-moi, fais-moi voir Ta lumière ...

 

Brise, brise ces liens ... Je veux comprendre et je veux être. C'est-à-dire que ce "je" doit être

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Ton "je" et qu'il ne doit plus y avoir qu'un seul "je" dans le monde.

 

Ô Seigneur, exauce ma prière, ma supplication monte ardemment vers Toi.

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Le 10 mai 1914

 

C'est Ta douce joie, Seigneur, qui remplit mon cœur; c'est Ta paix silencieuse qui règne sur mon esprit. Tout est repos, force, concentration, lumière et sérénité; et tout cela est sans limite et sans division; est-ce seulement la terre ou bien tout l'univers qui vit en moi, je ne sais, mais c'est Toi Seigneur, qui habites cette conscience et l'animes; c'est Toi qui vois, qui sais et qui agis. C'est Toi seul que je vois partout, ou plutôt il n'y a plus de "je", tout est un et cette Unité c'est Toi.

 

Gloire à Toi, Seigneur, Maître du monde, Tu resplendis en toute chose !

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Le 12 mai 1914

 

De plus en plus il me semble que nous sommes dans une de ces périodes d'activité où le fruit des efforts passés se manifeste; une de ces périodes où l'on agit selon Ta loi et dans la mesure où elle est la souveraine maîtresse de l'être, sans avoir même le loisir de prendre conscience de cette loi.

 

Ce matin, par une rapide expérience, passant de profondeur en profondeur, j'ai pu comme à l'ordinaire identifier ma conscience à la Tienne et ne plus vivre qu'en Toi; c'est-à-dire que Toi seul vivais; mais Ta volonté a immédiatement tiré ma conscience vers l'extérieur, vers l'oeuvre à accomplir, et Tu m'as dit : "Sois l'instrument dont j'ai besoin".

 

Et n'est-ce point ainsi le dernier renoncement, le renoncement à l'identification avec Toi, à la douce et pure joie de ne plus faire de distinction entre Toi et moi, de savoir à chaque minute,  non pas seulement intellectuellement, mais par une expérience intégrale, que Tu es l'unique Réalité et que tout le reste n'est qu'apparence et illusion. Que l'être extérieur soit l'instrument docile qui n'a même pas besoin d'être conscient de la volonté qui le meut, cela n'est pas douteux; mais pourquoi faut-il que je sois presque entièrement identifiée à cet instrument, au lieu que le "je" ne fasse plus qu'un avec Toi et vive de Ta pleine, absolue Conscience ?

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Je le demande, mais je ne m'en inquiète pas. Je sais que tout est selon Ta volonté, et avec une pure adoration, je m'en remets joyeusement à Ta volonté ; ce que Tu voudras de moi, Seigneur, je le serai, consciente ou inconsciente, simple instrument comme est le corps, ou Connaissance Suprême comme Toi-même.

 

Oh la douce et paisible joie de pouvoir dire "tout est bien", et de Te sentir à l'oeuvre dans le monde à travers tous les éléments qui se prêtent à la transmission.

 

Tu es le souverain Maître de tout, Tu es l'Inaccessible, l'Inconnaissable, l'éternelle et sublime Réalité.

 

ô merveilleuse Unité, je disparais en Toi !...

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Le 13 mai 1914

Cette somnolence de ma pensée. Seigneur, Tu la secoueras afin que j'aie la connaissance et que je puisse comprendre l'expérience que Tu as fait faire à mon être. Quand quelque chose T'interroge en moi, toujours Tu réponds, et quand il est nécessaire que je sache quelque chose, Tu me l'apprends, soit directement, soit indirectement.

 

Je vois de plus en plus que toute impatiente révolte, toute hâte serait inutile ; tout s'organise lentement afin que je puisse Te servir comme il convient. Quelle est ma place dans ce service ? Depuis longtemps je ne me le demande plus. Qu'importe ! Est-il nécessaire de savoir si l'on est au centre ou à la périphérie ? Pourvu qu'entièrement consacrée à Toi, ne vivant que pour Toi et par Toi, j'accomplisse de mieux en mieux la tâche que Tu me donnes, tout le reste n'a point d'importance. Je dirais plus : pourvu que Ton œuvre s'accomplisse dans le monde aussi bien et aussi complètement qu'elle peut l'être, qu'importe l'individualité ou le groupement qui réalise cette œuvre.

 

Ô mon doux Maître, dans la paix, la sérénité, l'égalité d'âme, je me donne et me fonds en Toi, la pensée calme et tranquille, le cœur souriant; Ton œuvre s'accomplira, je le sais, et Ta victoire est certaine.

 

Ô mon doux Maître, accorde à tous le souverain bienfait de Ton illumination!

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Le 15 mai 1914

 

Comme d'un sommet atteint on découvre un vaste horizon, de même, Seigneur, lorsque la conscience s'identifie à ce domaine intermédiaire entre Ton Unité et le monde manifesté, on participe à la fois de Ton Infinitude et de la réalisation du monde. C'est comme si on se trouvait à un centre où la conscience, tout imprégnée de Ton effective Puissance, puisse diriger le rayon de Tes forces sur l'instrument infime se mouvant au centre des instruments frères. Du haut de ces régions transcendantes, l'unité de la substance physique est visible de façon évidente, et pourtant le corps qui sert d'instrument particulier dans le domaine matériel, apparaît spécialement précis et net comme un point plus vigoureux au milieu de ce tout, multiple et unique à la fois, dans lequel les forces circulent également.

 

Cette perception ne m'a point quittée depuis hier. Elle s'est installée comme une chose définitive, et toute l'activité extérieure, qui, en apparence, continue comme à l'ordinaire, a pris le caractère mécanique d'un jouet merveilleusement articulé et animé que la conscience fait mouvoir du haut de son siège non plus individuel mais encore universel, c'est-à-dire qui n'est pas encore complètement immergé dans Ton Unité. Toutes les lois de la manifestation individuelle me sont apparues clairement, mais d'une façon si synthétique, si globale, si simultanée qu'il est impossible de l'exprimer avec notre langage ordinaire.

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Le 16 mai 1914

 

J'ai été interrompue hier au moment où je tâchais de formuler l'expérience faite. Et maintenant tout semble changé. Cette connaissance précise, cette clairvoyance a fait place à un grand amour pour Toi, Seigneur, qui s'est emparé de tout mon être depuis l'organisme extérieur jusqu'à la conscience la plus profonde, et tout s'est prosterné à Tes pieds dans une ardente aspiration à l'identification définitive avec Toi, à l'absorption en Toi. J'ai imploré avec toute l'énergie dont j'étais capable. Et une fois encore, au moment où il me semblait que ma conscience allait disparaître dans la Tienne, au moment où tout mon être n'était plus qu'un pur cristal reflétant Ta Présence, quelqu'un est venu interrompre la concentration.

 

Tel est bien le symbole de l'existence que Tu me donnes en partage, et où l'utilité extérieure, le travail pour tous, tient une place plus grande encore que la réalisation suprême. Toutes les circonstances de ma vie semblent toujours me dire de Ta part : "Ce n'est pas par la concentration suprême que Tu réaliseras l'unité, c'est par la diffusion en tous." Que Ta volonté soit faite, Seigneur.

 

Maintenant je comprends clairement que l'union avec Toi n'est pas un but à poursuivre, en ce qui concerne cette individualité actuelle; c'est un fait accompli depuis longtemps. Et c'est pourquoi Tu semblés me dire toujours :

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 "Ne te complais pas dans la contemplation extatique de cette union : accomplis la mission que je t'ai confiée sur la terre."

 

Et le travail individuel à poursuivre simultanément au travail collectif est la prise de conscience et de possession de toutes les activités et de toutes les régions de l'être, l'établissement définitif de la conscience dans le plus haut point qui permette à la fois l'action prescrite et la constante communion avec Toi. Les joies de l'union parfaite ne peuvent venir que lorsque ce qui doit être fait est fait.

 

Il faut prêcher à tous d'abord l'union, ensuite le travail; mais pour ceux qui ont réalisé l'union, il faut que chaque instant de leur vie soit l'expression intégrale de Ta volonté à travers eux.  

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Le 17 mai 1914

 

ô Seigneur, délivre-moi des influences mentales qui pèsent sur moi, afin que, complètement libre, je puisse m'élancer vers Toi.

 

ô Toi, Être Universel, Suprême Unité en forme perceptible, par une irrésistible aspiration je me suis blottie dans Ton cœur, puis je fus Ton cœur lui-même, et je sus alors que Ton cœur n'est autre que l'Enfant qui joue et qui crée les mondes. Tu me dis : "Un jour tu seras ma tête mais pour le moment tourne ton regard vers la terre." Et sur la terre maintenant je suis l'enfant joyeux qui joue.

 

Telles furent les deux phrases que j'écrivis hier par une sorte de nécessité absolue. La première, comme si la puissance de la prière ne serait complète que si elle était tracée sur le papier. La seconde, comme si la stabilité de l'expérience ne pourrait être obtenue que lorsque j'en aurais 1 déchargé mon cerveau en la notant par écrit.  

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Le 18 mai 1914

 

Tu es l'Unique Réalité, Seigneur, la Toute-Puissance et l'Éternité. Et celui qui s'unit à Toi dans les profondeurs de son être devient Ta Réalité dans son éternelle et immuable toute-puissance. Mais pour d'autres, l'ordre est, tout J en restant en contact avec Toi, de tourner leur regard et leur activité vers la terre; telle est la mission que Tu leur as donnée. Alors commence  la difficulté, car tout dépend de la perfection des divers états de leur être et il faut, même après avoir atteint la sublime identification, qu'ils  travaillent encore au perfectionnement de l'outil qui manifestera Ta divine Volonté. C'est là que la tâche devient ardue. Tout me paraît médiocre, insuffisant, neutre, presque inerte, dans l'instrument actuel que Tu me fais appeler "moi"; et plus je m'unis à Toi, plus je constate la médiocrité de ses facultés et de sa manifestation. Tout en lui me semble être un incorrigible à peu près. Et si cela ne peut en aucune manière me troubler, c'est que le vrai moi est couché à Tes pieds, ou blotti dans Ton cœur, ou conscient de Ton éternelle et immuable Conscience, et qu'il regarde toute la manifestation avec le sourire de la patiente et compréhensive bonté.

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Le 19 mai 1914

 

Cet être mental qui avait eu, pendant toute l'existence individuelle, le pouvoir de mettre en mouvement toutes les facultés : profonde dévotion pour Toi, infinie compassion pour les hommes, ardente aspiration vers la connaissance, effort vers le perfectionnement,  —  semble s'être profondément endormi et ne plus rien mettre en mouvement du tout. Toutes les facultés individuelles sommeillent, et la conscience n'est pas encore éveillée dans les états transcendants; c'est-à-dire que son éveil en eux est intermittent et qu'entre-temps c'est le sommeil. Quelque chose en cet être aspire à la solitude et au silence absolu, pendant un certain temps, afin de sortir de cette insatisfaisante transition; et quelque chose d'autre sait que Ta volonté est que cet instrument soit consacré au service de tous, même si cela doit nuire en apparence à son propre perfectionnement.

 

Quelque chose en cet être Te dit, Seigneur:

 

"Je ne sais rien,

Je ne suis rien,

Je ne puis rien,

Je suis dans l'obscurité de l'inconscience".

 

Et quelque chose d'autre sait qu'il est Toi- même et qu'ainsi il est la suprême perfection.  

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Que va-t-il sortir de là? Comment prendra fin un semblable état? Est-ce inertie, est-ce véritable patience, je ne sais, mais sans hâte ni désir, je me couche à Tes pieds et j'attends ...  

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Le 20 mai 1914

 

Du haut de ce sommet qui est l'identification avec Ton Amour divin, infini. Tu as tourné mon regard vers ce corps complexe qui doit Te servir d'instrument. Et Tu m'as dit : "Il est moi- même ; ne vois-tu pas que ma lumière resplendit en lui". Et en effet j'ai vu Ton Amour divin, revêtu par l'intelligence puis par la force, constituer ce corps dans ses moindres cellules et rayonner en lui au point qu'il n'était plus que l'amalgame de milliards d'étincelles radieuses, qui toutes manifestaient qu'elles étaient Toi.

 

Et maintenant toute obscurité a disparu, et Toi seul vis, dans des mondes différents, sous des formes différentes mais d'une vie identique, immuable, éternelle.

 

Il faut faire étroitement communier ce monde divin de Ton immuable région d'amour pur, d'unité indivisible, avec le monde divin de toutes les autres régions, jusqu'à la plus matérielle où Tu es le centre et la constitution même de chaque atome. Établir un lien de conscience parfaite entre tous ces mondes divins consécutifs est l'unique moyen de vivre en Toi constamment, invariablement, en accomplissant intégralement la mission que Tu as confiée à l'être tout entier dans tous ses états de conscience et tous ses modes d'activité.

 

ô mon doux Maître, Tu as fait se déchirer un nouveau voile de mon ignorance, et, sans quitter la place bénie de Ton cœur éternel,  

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je suis en même temps dans le cœur imperceptible mais infini de chacun des atomes qui constituent mon corps.

 

Affermis cette conscience complète et parfaite. Fais-moi pénétrer dans tous les détails de sa perfection, et que, sans Te quitter à aucun instant, je puisse constamment gravir ou descendre cette échelle infinie, suivant les nécessités de l'œuvre que Tu m'as prescrite.

 

Je suis à Toi, en Toi, Toi, dans la plénitude de l'éternelle béatitude.  

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Le 21 mai 1914

 

Hors de toute manifestation, dans l'immuable silence de l'éternité, je suis en Toi, Seigneur, immobile béatitude. Dans ce qui, de Ta puissance, de Ta lumière merveilleuse, forme le centre et la réalité des atomes matériels, je Te retrouve; et ainsi, sans quitter Ta divine Présence, je puis disparaître dans Ta Conscience suprême, ou Te voir dans les particules radiantes de mon être. Et pour le moment cela est la plénitude de Ta vie et de Ton illumination.

 

Je Te vois, je Te suis, et entre ces deux extrêmes mon intense amour aspire vers Toi.

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Le 22 mai 1914

 

Après avoir discerné successivement dans tous les états de l'être et tous les mondes de la vie ce qui est Réel de ce qui est irréel, après être arrivé à la parfaite et intégrale certitude de Ton Unique Réalité, il faut, du haut de cette Conscience Suprême, tourner son regard vers l'agrégat individuel qui sert d'actuel instrument à Ta manifestation sur terre et ne plus voir en lui que Toi, son unique existence réelle. Ainsi chaque atome de cet agrégat sera éveillé à la réceptivité de Ta sublime influence et l'ignorance, les ténèbres disparaîtront non seulement de la conscience centrale de l'être mais aussi de son mode d'expression le plus extérieur. C'est seulement par l'accomplissement et le perfectionnement de ce travail de transfiguration que la plénitude de Ta Puissance, de Ta Lumière et de Ton Amour pourra être manifestée.

 

Seigneur, cela Tu me le fais comprendre de plus en plus clairement; conduis-moi pas à pas sur ce chemin. Tout mon être jusque dans son moindre atome aspire à la parfaite connaissance de Ta Présence, à la complète communion avec Elle. Que tout obstacle disparaisse et que Ton divin savoir remplace en tout lieu les ténèbres de l'ignorance. Illumine cette ultime substance, comme Tu as illuminé la conscience centrale, la volonté de l'être. Et que l'individualité intégrale depuis sa première origine, son essence, jusqu'à son ultime projection, son corps le plus matériel,  

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ne fasse plus qu'un dans la parfaite réalisation, la complète manifestation de Ton Unique Réalité.

 

Rien n'est dans l'univers que Ta vie. Ta Lumière, Ton Amour.

 

Que tout resplendisse et soit transfiguré par la Connaissance de la Vérité !

 

Ton divin amour inonde mon être; Ta suprême lumière resplendit dans chaque cellule; tout exulte de Te connaître et d'être Toi.

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Le 23 mai 1914

 

ô Seigneur, Toi dont je voudrais avoir la constante conscience et que je voudrais réaliser dans les moindres cellules de mon être, Toi que je voudrais connaître comme moi-même et voir manifesté en toutes choses, Toi qui es l'unique réalité, l'unique raison et l'unique but de l'existence, permets que mon amour pour Toi aille sans cesse grandissant afin que je sois tout amour, Ton amour même, et qu'étant Ton amour, je m'unisse intégralement à Toi. Que cet amour devienne de plus en plus intense, complet, lumineux, puissant; que cet amour soit l'irrésistible élan vers Toi, l'invincible moyen de Te manifester. Que tout en cet être devienne amour pur, profond, désintéressé, divin, depuis les insondables profondeurs jusqu'à la substance la plus extérieure. Que le Dieu en forme, qui se manifeste dans cet agrégat, soit tout entier pétri de  Ton complet et sublime amour, cet amour qui  est à la fois la source et la réalisation de toute connaissance ; que la pensée soit clarifiée, classifiée,  éclairée, transformée par Ton amour; que toutes  les forces vitales uniquement pénétrées, pétries * de Ton amour, y puisent l'irrésistible pureté et la constante énergie, la puissance et la droiture.  Que cet être intermédiaire, affaibli, profite de sa faiblesse pour se reconstituer avec des éléments qui soient tout entiers pétris de Ton amour, et 1 que ce corps, devenu brasier ardent, rayonne Ton divin, impersonnel, sublime et calme amour par tous ses pores ... Que le cerveau soit reconstitué par Ton amour.  

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Enfin que Ton amour déborde, inonde, pénètre, transfigure, régénère, anime toute chose, avec la puissance, la splendeur, la douceur et la. force qui lui sont propres. En Ton amour est la paix, en Ton amour est la joie, en Ton amour est le souverain levier de travail de Ton serviteur.

 

Ton amour est plus vaste que l'univers et plus durable que tous les âges; il est infini, éternel, il est Toi-même. Et c'est Toi-même que je veux être et que je suis, puisque telle est Ta loi, telle est Ta volonté.  

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Le 24 mai 1914

 

ô mon doux Maître, ne me laisse pas submerger par les choses extérieures. Elles n'ont aucun intérêt, aucun goût pour moi. Si je m'en occupe, c'est qu'il me semble que telle est Ta volonté et qu'il faut que l'oeuvre s'accomplisse intégrale ment, jusque dans les moindres détails de l'activité et de la substance. Mais c'est bien assez de tourner son attention vers elles et d'y infuser autant que possible Tes forces. Il ne faut pas leur permettre de prendre dans la conscience le pas sur les réalités véritables.

 

ô mon doux Maître, j'aspire vers Toi, vers la connaissance de ce que Tu es, vers l'identification avec Toi. Je demande un amour grandissant, toujours plus pur, toujours plus vaste, toujours plus intense, et je me trouve comme submergée dans la matière; serait-ce Ta réponse? Comme Tu as accepté Toi-même d'être ainsi submergé dans la matière afin de l'éveiller peu à peu à la conscience, est-ce le résultat d'une plus parfaite identification avec Toi? Ne me réponds-Tu pas par là : "Si tu veux apprendre à aimer vraiment, c'est ainsi qu'il faut que tu aimes..."  ...dans l'obscurité et l'inconscience.

 

ô mon Seigneur, mon doux Maître, Tu sais que je T'appartiens et que toujours je veux ce que Tu veux; mais ne laisse pas naître en moi le doute sur ce que Tu veux. Éclaire-moi d'une façon quelconque dans la paix immuable du cœur.  

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Que je sois submergée dans l'obscurité s'il le faut, mais que je sache au moins que c'est Toi qui le veux.

 

Seigneur, en réponse, j'entends chanter dans mon cœur l'hymne d'allégresse de Ta divine et permanente Présence.  

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Le 25 mai 1914

 

ô divin Maître d'amour et de pureté, permets que dans les moindres de ses étapes, ses plus minimes activités, cet instrument, qui veut Te servir dignement, soit purifié de tout égoïsme, de toute erreur, de toute obscurité, afin que rien en lui n'altère, ne déforme, n'arrête Ton action. Que de recoins encore vivent dans l'ombre, loin de la pleine clarté de Ton illumination : pour eux je demande le suprême bonheur de cette illumination.

 

Oh, être le pur cristal sans tache, qui laisse passer Ton divin rayon, sans l'obscurcir, le teinter ou l'altérer. Non pas par désir de perfection, mais pour que Ton oeuvre soit aussi parfaitement accomplie que possible.

 

Et lorsque je Te demande cela, le "Je" qui Te parle est la Terre tout entière, aspirant à être ce pur diamant, réflecteur parfait de Ta lumière suprême. Tous les cœurs des hommes battent dans mon cœur, toutes leurs pensées vibrent dans ma pensée, la moindre aspiration de l'animal docile ou de la modeste plante s'unit à ma formidable aspiration, et tout cela s'élève vers Toi, à la conquête de Ton amour et de Ta lumière, escaladant les cimes de l'Être pour T'atteindre, Te ravir à Ton immobile béatitude et Te faire pénétrer dans l'ombre de la souffrance pour la transformer en Joie divine, en Paix souveraine. Et cette violence est faite d'un infini amour qui se

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donne et d'une sérénité confiante qui sourit dans la certitude de Ta parfaite Unité.

 

Ô mon doux Maître, Tu es le Triomphateur et le Triomphe, le Victorieux et la Victoire !  

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Le 26 mai 1914

 

Sur la surface est l'orage, la mer est démontée, les vagues se choquent, s'escaladent, se brisent l'une sur l'autre avec grand fracas, et tout le temps, sous cette eau en furie les vastes étendues sont immobiles, paisibles, souriantes; elles regardent l'agitation de la surface comme une action indispensable : il faut que -la matière soit rigoureusement barattée pour devenir capable de manifester pleinement la divine Lumière. Derrière les apparences troublées, derrière la lutte et l'angoissant conflit, la conscience reste ferme à son poste, observant tous les mouvements de l'être extérieur, n'intervenant que pour rectifier la direction, la position, pour ne pas laisser le jeu devenir trop dramatique. Et cette intervention est tantôt ferme, un peu sévère, tantôt ironique, un rappel à l'ordre ou une moquerie toute pleine toujours de cette forte, douce, paisible et souriante bienveillance.

 

Dans le silence je vis Ton infinie et éternelle Béatitude.

 

Puis doucement la prière monte vers Toi de ce qui est encore dans l'ombre et le conflit : ô doux Maître, Suprême Illuminateur, Suprême Purificateur, permets que toute substance et toute activité ne soient plus que la constante manifestation de Ton divin Amour et de Ta Sérénité souveraine.

 

Et dans le cœur chante l'allégresse de Ta sublime magnificence.  

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Le 27 mai 1914

 

Il faut, dans chacun des domaines de l'être, éveiller la conscience à la parfaite existence, la connaissance et la béatitude. Ces trois mondes ou modes du divin se trouvent aussi bien dans la réalité physique que dans les états de la force et de la lumière et dans ceux de l'impersonnalité et de l'infinitude, de l'éternité. Quand on entre en pleine conscience dans les états supérieurs il est facile, presque inévitable de vivre cette existence, cette lumière et cette béatitude. Mais ce qui est très important, comme très difficile aussi, c'est d'éveiller l'être à cette triple conscience divine dans les mondes les plus matériels. C'est le premier point. Puis il faut arriver à trouver le centre de tous les mondes divins (sans doute dans le monde intermédiaire), d'où on peut unir la conscience de ces mondes divins, les synthétiser, et agir simultanément et en pleine conscience dans tous les domaines.

 

Je sais qu'il y a fort loin de ces incomplètes et imparfaites explications à la sublime réalité qui Te manifeste, Seigneur. Ta splendeur, Ta puissance et Ta magnificence. Ton incommensurable amour sont au-dessus de toute explication et de tout commentaire. Mais mon intelligence a besoin de se représenter les choses, de façon au moins schématique, pour permettre aux états d'être les plus matériels de se mettre aussi complètement que possible en accord avec Ta Volonté.  

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Pourtant c'est dans le profond silence de ma muette et totale adoration que je Te comprends le mieux. Car alors qui peut dire ce qui aime, ce qui est aimé, et le pouvoir d'aimer en lui-même. Tous trois ne sont qu'un dans une infinie béatitude.

 

Oh donne à tous, Seigneur, le bienfait de cette incomparable béatitude.  

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Le 28 mai 1914

 

Tu fais mouvoir, Tu agites, Tu barattes les éléments innombrables de ce monde, afin que, de leur obscurité première, de leur chaos primitif, ils s'éveillent à la conscience et à la pleine clarté de la connaissance. Et c'est de Ton suprême amour que Tu Te sers pour baratter ainsi tous ces éléments. Et c'est de Ton cœur infini, insondable, que sortent ces inépuisables torrents d'amour. Ton cœur est ma demeure, Ton cœur est la réalité de mon être. Dans Ton cœur je me suis blottie et je suis devenue Ton cœur.

 

Paix, paix sur tous les êtres.

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Le 29 mai 1914

 

ô mon doux Seigneur, ceux qui sont dans Ta tête, c'est-à-dire pour parler plus intellectuellement, ceux qui ont identifié leur conscience à la Conscience absolue, ceux qui sont devenus Ta Suprême Connaissance, ne peuvent plus avoir d'amour pour Toi puisqu'ils sont Toi-même. Ils jouissent de cette infinie béatitude qui caractérise toute prise de conscience de Ta suprême Essence, mais la dévotion de l'adorateur qui se tourne avec extase vers ce qui lui est supérieur ne  peut plus exister. Alors, à celui dont la mission terrestre est de manifester Ton amour. Tu enseignes à avoir cet amour pur et infini pour tout l'univers manifesté; l'amour qui fut d'abord fait d'adoration et d'admiration se transforme en amour tout fait de compassion et de dévouement.

 

Oh, la divine splendeur de Ton Éternelle Unité !

Oh, l'infinie douceur de Ta Béatitude!

Oh, la souveraine majesté de Ta Connaissance !

Tu es l'Inconcevable, le Merveilleux!  

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Le 31 mai 1914

 

Lorsque le soleil s'est couché dans le recueillement du calme crépuscule tout mon être s'est prosterné devant Toi, ô Seigneur, dans une muette adoration et un complet abandon. Puis je fus la terre entière et la terre entière se prosterna devant Toi, implorant la bénédiction de Ton illumination, la béatitude de Ton amour. Oh cet agenouillement de la terre qui supplie vers Toi, puis se recueille dans le silence de la nuit, attendant, avec patience et anxiété à la fois, l'illumination tant désirée. S'il est une douceur à être Ton divin amour à l'œuvre dans le monde, il est une douceur aussi grande à être l'infinie aspiration qui monte vers cet infini amour. Et pouvoir changer ainsi, être successivement, presque simultanément, ce qui reçoit et ce qui donne, ce qui transfigure et ce qui est transfiguré, s'identifier à  l'obscurité douloureuse comme à la splendeur toute-puissante, et, dans cette double identification, découvrir le secret de Ton unité souveraine, n'est-ce point là une manière d'exprimer, d'accomplir Ta suprême volonté ...

 

ô mon doux Maître, mon cœur est une chapelle ardente, et Tu T'y tiens en permanence comme la plus sublime des idoles; ainsi Ta forme m'apparaît, vêtue de magnificence, au milieu des flammes qui consument mon cœur pour Toi, et en même temps, dans ma tête, je Te vois, je Te  

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connais comme l'inconcevable, l'inconnaissable, le sans-forme ; et, dans cette double perception, cette double connaissance, se trouve la plénitude de la satisfaction.

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Le 1er juin 1914

 

ô victorieuse puissance de l'amour divin, Tu es le souverain Maître de cet univers, Tu es son créateur et son sauveur, Tu lui as permis de surgir du chaos, et maintenant Tu le mènes vers ses fins éternelles.

 

Il n'est de chose si humble où je ne Te voie resplendir, pas d'être si hostile en apparence à Ta volonté dans lequel je ne Te sente vivre, agir, rayonner.

 

ô mon doux Maître, essence de cet amour, je suis Ton cœur, et les torrents de Ton amour passent au travers de l'être intégral pour aller éveiller Ton amour en toute chose, ou plutôt, éveiller toute chose à la conscience de Ton amour qui anime tout.

 

Tous ceux qui Te méconnaissent, tous ceux qui T'ignorent, tous ceux qui essaient de se détourner de Ta divine et douce loi, je les prends dans mes bras d'amour, je les berce sur mon cœur d'amour et je les offre à Ton divin embrassement afin que, pénétrés de Tes miraculeux effluves, ils soient convertis dans Ta béatitude.

 

ô amour, resplendissant amour. Tu pénètres et transfigures tout.  

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Le 2 juin 1914

 

Dans un silencieux recueillement, dans une muette adoration, m'unissant à toute la substance obscure et douloureuse, je Te salue, Seigneur, comme le divin sauveur; je bénis Ton amour comme le suprême libérateur, je lui rends grâce de ses innombrables bienfaits, et je m'abandonne à Toi pour que Tu puisses achever Ton œuvre de perfectionnement. Puis m'identifiant à Ton amour, je ne suis plus que Ton inépuisable amour; je pénètre toute chose; vivant au cœur de chaque atome j'y allume le feu qui purifie et transfigure, le feu qui ne s'éteint pas, la flamme messagère de Tes béatitudes, réalisatrice de toutes les perfections. .

 

Puis cet amour lui-même se recueille silencieusement, et se tournant vers Toi, inconnaissable splendeur, attend avec extase Ta Nouvelle Manifestation ...

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Le 3 juin 1914

 

Maintenant que l'être tout entier se trouve de plus en plus plongé dans l'activité matérielle, la réalisation physique, qui comporte une telle multitude de détails auxquels il faut songer et qu'il faut régler, je fais appel à Toi, Seigneur, pour que la conscience tournée ainsi vers l'extérieur puisse conserver constamment cette communion avec Toi, qui est la source de toute paix, de toute force, de toute béatitude.

 

ô mon doux Maître, accomplis Toi-même les actions à travers l'être individuel dans son intégralité. Ou plutôt ne permets pas qu'à aucun moment quelque chose de cet être individuel puisse oublier qu'il n'est que l'instrument, illusion rendue réelle pour Ton intervention en lui, et que Toi seul existes et agis.

 

Oh la bénédiction de Ton immuable Présence...  

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Le 4 juin 1914

 

ô triomphateur de tous les obstacles, Tu seras en nous la victoire sur tout ce qui veut faire obstacle à l'accomplissement de Ta divine loi. Tu dissiperas l'ombre de l'ignorance et la noire fumée de la mauvaise volonté égoïste; Tu dissoudras les suggestions mauvaises et fortifieras en nous la pure et claire vision, la perspicacité qui ne se laisse pas tromper par les pensées dissolvantes et les volontés de désordre.

 

ô mon doux Maître, Ton amour infini est la réalité de notre être; qui peut lutter contre sa toute-puissante action? Il pénètre tout, passe au travers de tous les obstacles, que ce soit l'inertie de la lourde ignorance ou la résistance de l'incompréhensive mauvaise volonté, ô mon doux Maître, à travers, par cet amour Tu resplendis en toutes choses, et cette splendeur, se faisant de plus en plus forte, rayonnera activement sur toute la terre, deviendra perceptible à toutes les consciences.

 

Qui peut résister à Ta divine puissance?

 

Tu es l'unique et suprême Réalité.

 

Mon être se recueille en une muette adoration et tout disparaît qui n'est pas Toi.  

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Le 9 juin 1914

 

Seigneur, je suis devant Toi comme une offrande embrasée du feu ardent de l'union divine ...

 

Et ce qui est devant Toi ainsi, c'est toutes les pierres de cette maison et tout ce qu'elle contient, tous ceux qui en franchissent le seuil et tous ceux qui la voient, tous ceux qui sont en rapport avec elle d'une façon quelconque; de proche en proche toute la terre.

 

De ce centre, de ce foyer ardent qui est et sera de plus en plus tout imprégné de Ta lumière et de Ton amour. Tes forces rayonneront sur toute la terre, visiblement et invisiblement dans les cœurs et les pensées ...

 

Telle est la certitude que Tu me donnes en réponse à mon aspiration vers Toi.

 

Une immense vague d'amour descend sur toute chose et pénètre tout.

 

Paix, paix sur toute la terre, victoire, plénitude, émerveillement ...

 

ô chers enfants, douloureux et ignorants, ô toi Nature rebelle et violente, ouvrez vos cœurs, calmez vos forces, voici la douce toute-puissance de l'Amour qui vient, voici le pur rayonnement de la lumière qui vous pénètre.

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Cette heure humaine, cette heure terrestre est belle entre toutes les heures. Que chacun, que tout le sache et jouisse de la plénitude qui lui est accordée.

 

ô cœurs attristés et fronts soucieux, obscurité sotte et malveillances ignorantes, que vos angoisses se calment et s'effacent.

 

Voici la splendeur de la parole nouvelle qui vient :

 

"Me voilà".  

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Le 11 juin 1914

 

Chaque matin, Seigneur, c'est une innombrable salutation qui monte vers Toi, la salutation de tous les états d'être et de la multitude de leurs éléments. Et c'est une quotidienne consécration de tout au Tout, un appel de l'ignorance et de l'égoisme vers Ta lumière et Ton amour. Et Ta réponse vient constante et intégralement perçue : tout est lumière, tout est amour, l'ignorance et l'égoïsme ne sont que de vains fantômes, pouvant être dissous.

 

Et sur tout s'étend Ta Paix souveraine, Ton calme fécond.  

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Le 12 juin 1914

 

ô mon doux Maître, éternelle splendeur, je ne puis que m'unir à Toi dans le silence et la paix, disant que Ta volonté soit faite dans les détails comme dans l'ensemble. Prends possession de Ton royaume, maîtrise tout ce qui se révolte contre Toi, guéris les âmes qui T'ignorent et les J intelligences qui ne veulent pas se soumettre et T'être consacrées. Éveille les énergies endormies, stimule les courages, éclaire-nous. Seigneur, montre-nous la Voie. 

 

Le cœur est débordant d'une paix souveraine, la pensée est calme et silencieuse.

 

Au fond de tout ce qui est, de tout ce qui sera, de tout ce qui n'est pas, est Ton divin et immuable sourire.  

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Le 13 juin 1914

 

Il faut d'abord conquérir la connaissance, c'est-à-dire apprendre à Te connaître, à s'unir à Toi, et tous les moyens sont bons et peuvent être employés pour atteindre ce but. Mais ce serait un grand tort de croire que tout est fait lorsque ce but est atteint. Tout est fait en principe, la victoire est gagnée théoriquement, et ceux qui n'ont pour mobile que l'égoïste aspiration vers leur propre salut peuvent être satisfaits et ne plus vivre que dans et pour cette communion, sans aucun souci de Ta manifestation.

 

Mais ceux que Tu as désignés comme Tes représentants sur la terre ne peuvent se satisfaire du résultat ainsi obtenu. Te connaître d'abord et avant tout, oui; mais une fois Ta connaissance acquise reste tout le travail de Ta manifestation; et interviennent alors la qualité, la force, la complexité et la perfection de cette manifestation; Bien souvent ceux qui T'ont connu, éblouis et transportés d'extase par cette connaissance, se sont contentés de Te voir pour eux-mêmes et de T'exprimer tant bien que mal dans leur être le plus extérieur. Celui qui veut être parfait dans Ta manifestation ne peut être satisfait de cela; il lui faut Te manifester sur tous les plans, dans tous les états de l'être et tirer ainsi de la connaissance qu'il a acquise le plus grand profit possible pour l'univers tout entier.

 

Devant l'immensité du programme, l'être tout entier exulte et Te chante un hymne d'allégresse.  

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Toute la nature en pleine activité consciente, toute vibrante de Tes forces souveraines, répond à leur inspiration et veut se laisser illuminer, transfigurer par elles ...

  Tu es le Maître du monde, l'unique Réalité.

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Le 14 juin 1914

 

C'est une véritable œuvre de création qu'il nous faut faire : créer des activités, des modes d'être nouveaux afin que cette Force, inconnue de la terre jusqu'à ce jour, puisse se manifester dans sa  plénitude. C'est à ce travail d'enfantement que je me suis consacrée, Seigneur, parce que c'est cela que Tu veux de moi. Mais puisque c'est pour cette œuvre que Tu m'as désignée, Tu dois me donner les moyens, c'est-à-dire la connaissance nécessaire à sa réalisation. Nous unirons nos efforts : tout l'être individuel se concentrera dans un appel constant vers la connaissance du mode de manifestation de la Force, et Toi, centre suprême de l'être, Tu émaneras pleinement la Force afin qu'elle pénètre, transfigure et surmonte tous les obstacles. C'est un pacte que Tu as signé avec les mondes de la vie individuelle. Tu as fait une promesse, Tu as envoyé dans ces mondes ceux et ce qui peuvent accomplir cette promesse. Cela exige maintenant Ton aide intégrale afin que ce qui a été promis soit réalisé.

 

Il faut qu'en nous se fasse l'union des deux volontés et des deux courants afin que de leur contact naisse l'étincelle illuminatrice.

 

Et puisque cela doit se faire, cela se fera.  

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Le 15 juin 1914

 

"Reste blottie dans mon cœur et ne te tourmente pas : ce qui doit se faire se fera. Et c'est alors même que tu le fais sans le savoir que cela se fait le mieux" ...  

 

Je suis dans Ton cœur, Seigneur, et rien ne peut m'en éloigner. Et c'est des profondeurs insondables de ce cœur, dans la paix souriante de sa  béatitude, que je regarde toutes les formes extérieures de Ta manifestation lutter et faire effort pour Te mieux comprendre, Te mieux manifester.

 

Si l'heure est venue, ainsi que Tu me le fais savoir, des formes nouvelles de Ta réalisation, ces formes naîtront forcément. Quelque chose en l'être pressent et ne sait pas encore; alors cela fait effort pour s'adapter, pour se mettre à la hauteur de ce que Tu demandes de lui. Mais ce qui est ! conscient de Toi et vit dans Ta force, sait que cette forme nouvelle n'est qu'un infinitésimal progrès dans l'infinie progression de Ta manifestation, et regarde toute forme avec la sérénité de la plénitude éternelle.

 

Et dans cette sérénité est la toute-puissance même de la réalisation. 

 

Il faut savoir planer dans la confiance immuable; dans le vol assuré est la connaissance parfaite.  

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Le 16 juin 1914

 

Comme un soleil, Ta splendeur descend sur la s terre et Tes rayons illumineront le monde. Tous les éléments assez purs, assez plastiques, assez (réceptifs pour manifester la splendeur même du foyer central se groupent. Cela n'est point arbitraire, et ne dépend pas de la volonté ou de l'aspiration d'un élément ou d'un autre; cela dépend de ce qu'il est, à l'abri de toute décision individuelle. Ta splendeur veut rayonner; ce qui est capable de la manifester, la manifeste, et ces éléments se rassemblent pour reconstituer, aussi parfaitement que possible dans ce monde de division, le Foyer divin qui est à manifester.

 

Dans la merveille de cette contemplation, les cellules de l'être exultent; et voyant Ce qui Est, la substance intégrale entre en extase. Comment distinguer maintenant cette substance de Toi- même? Elle est Toi complètement, intégralement, intensément dans une identification parfaite.  

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Le 17 juin 1914

 

Tout ce qui a été conçu et réalisé jusqu'à présent est médiocre, banal, insuffisant à côté de ce qui doit être. Les perfections du passé n'ont plus de force actuellement. Il faut une puissance nouvelle pour transformer les pouvoirs nouveaux, les soumettre à Ta divine volonté.  —  "Demande et cela sera", telle est Ta constante réponse. Et maintenant, Seigneur, il faut que Tu crées en cet être-ci l'aspiration constante, ininterrompue, intense, frénétique dans la sérénité immuable. Le silence, la paix sont là : il faut que naisse la constance dans l'intensité. Oh Ton cœur chante un alléluia d'allégresse comme si ce que Tu veux est en train de se réaliser ... Fais périr tous ces éléments pour que de leurs cendres puissent surgir les éléments nouveaux adaptés à la manifestation . nouvelle.

 

Oh l'immensité de Ta Paix lumineuse!

 

Oh la toute-puissance de Ton amour souverain !

 

Et par-delà tout ce que nous pouvons penser, la splendeur inexprimable de ce que nous pressentons. Donne-nous la Pensée, donne-nous le Verbe, donne-nous la Force.

 

Entre dans i'arène du monde, ô Inconnu nouveau-né !  

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Le 18 juin 1914

 

Toujours la même volonté est à l'œuvre. La Force est là attendant de pouvoir se manifester : il faut découvrir cette nouvelle forme permettant la manifestation nouvelle. Et rien autre que Toi, Seigneur, ne peut nous accorder cette connaissance. C'est à notre être intégral de faire effort, de demander, d'aspirer. Mais c'est à Toi de répondre par l'Illumination, la Connaissance et le Pouvoir.

 

Oh le cantique d'allégresse de Ta Présence victorieuse ...  

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Le 19 juin 1914

 

Remplis les cœurs des délices de Ton amour.

 

Inonde les esprits des splendeurs de Ta lumière.

 

Permets que nous réalisions Ta victoire! 

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Le 20 juin 1914

 

Il faut que Tu accomplisses l'œuvre de transfiguration, il faut que Tu nous enseignes la voie à suivre et que Tu nous donnes le pouvoir de la suivre jusqu'au bout ...

 

ô Toi source de tout amour et de toute lumière, Toi que nous ne pouvons connaître en Toi-même, mais que nous pouvons manifester de plus en plus complètement et parfaitement, Toi que nous ne pouvons penser, mais de qui nous nous approchons dans le silence profond, il faut que, complétant Tes incommensurables bien-faits, Tu nous viennes en aide jusqu'à ce que nous ayons remporté Ta victoire ...

 

Fais naître cet amour véritable qui apaise toute souffrance; établis cette paix immuable dans laquelle réside la vraie puissance; donne-nous la connaissance souveraine qui dissipe toute obscurité ...

 

Depuis les profondeurs infinies jusqu'à ce corps le plus extérieur, dans ses moindres éléments, Tu circules. Tu vis. Tu vibres, Tu mets tout en mouvement, et tout l'être n'est plus qu'un seul bloc infiniment multiple mais absolument cohésif, animé d'une unique et formidable vibration : Toi.

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Le 21 juin 1914

 

Être à la fois le miroir passif et parfaitement pur, tourné en même temps vers le dehors et le dedans, vers les résultats de la manifestation et  vers les sources de cette manifestation, afin que les conséquences soient mises en présence de la volonté directrice, et être en plus l'activité réalisatrice de cette volonté, voilà à peu près ce que doit être un être humain ... Combiner les deux attitudes, de réceptivité passive et d'activité réalisatrice, est justement la chose difficile entre toutes. Et c'est cela que Tu attends de nous, Seigneur, et puisque Tu l'attends de nous, il n'est pas douteux que Tu nous donneras le moyen de j le réaliser.

 

Car ce qui doit être sera, plus splendidement encore que nous ne pouvons l'imaginer.

 

Oh que Ton amour aille en s'amplifiant dans la ; manifestation, toujours plus sublime, plus profond, plus vaste ...  

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Le 22 juin 1914

 

Ce qui doit être sera, ce qui doit se faire se fera ...

 

Quelle calme certitude Tu as mise dans mon  être, Seigneur. Qui ou quoi Te manifestera ? Qui  peut le dire encore? ... En toute chose qui fait effort vers une expression nouvelle plus complète et plus haute, Tu Te trouves. Mais le centre de la lumière n'est pas encore manifesté, parce que le centre de manifestation n'est pas encore adapté parfaitement.

 

ô divin Maître, ce qui doit être sera et ce sera peut-être très différent de ce que tous attendent ...

 

Mais comment exprimer certains secrets silencieux?

 

La Force est là; en elle est le moi.

 

Quand et comment jaillira-t-elle au dehors? Quand Tu jugeras que l'instrument est prêt.

 

Oh la douceur de Ta calme certitude, la puissance de Ta Paix ...  

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Le 23 juin 1914

 

Tu es la puissance de transformation souveraine, pourquoi n'agirais-Tu pas sur tous ceux qui sont mis en rapport avec Toi par notre intermédiaire? Nous manquons de foi en Ton pouvoir : nous pensons toujours que les hommes doivent vouloir dans leur pensée consciente cette transformation intégrale pour qu'elle puisse se produire; nous oublions que c'est Toi qui veux en eux et que Tu peux vouloir de telle sorte que tout leur être s'en trouve illuminé ... Nous doutons de Ta puissance. Seigneur, et ainsi nous devenons de mauvais intermédiaires pour elle et nous voilons la majeure partie de sa force transformatrice.

 

Oh donne-nous cette foi qui nous manque, cette certitude de détail qui nous fait défaut. Délivre-nous de la manière ordinaire de penser et de juger; permets que, vivant dans la conscience de Ton amour infini, nous le voyions à l'oeuvre à tout moment et que par la conscience que nous en avons nous le mettions en rapport avec les états d'être les plus matériels ...

 

ô Seigneur, délivre-nous de toute ignorance, donne-nous la foi véritable.  

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Le 24 juin 1914

 

Au point de vue de la manifestation, de l'œuvre à continuer sur terre, la hiérarchie est nécessaire. Dans ce monde encore en désordre, peut-elle s'établir en dehors de tout arbitraire, c'est-à-dire, en conformité parfaite avec Ta loi?... L'être observateur calme, indifférent, souriant regarde le jeu, la comédie qui se déroule, attendant avec sérénité les circonstances, sachant qu'elles ne sont jamais qu'une traduction très imparfaite de ce qui devrait être.

 

Mais l'être religieux se tourne vers Toi, Seigneur, dans une grande aspiration d'amour et implore Ton aide pour que ce soit le mieux qui se réalise, pour que le plus possible d'obstacles soient surmontés, pour que le plus possible d'obscurités soient dissipées, pour que le plus possible de mauvaises volontés égoïstes soient vaincues. Ce n'est pas le mieux dans les circonstances de désordre actuel qui doit arriver  —  car cela arrive toujours  —  ce sont ces circonstances elles-mêmes qui, par un effort plus grand que jamais, doivent être transfigurées afin qu'un mieux nouveau de qualité et de quantité, un mieux tout à fait exceptionnel puisse être manifesté.  

Ainsi soit-il.

 

C'est toujours un tort de vouloir juger de  

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l'avenir ou même le prévoir d'après la pensée que l'on en a, car cette pensée est le présent, elle est dans la mesure même de son impersonnalité la traduction des rapports actuels qui nécessairement ne sont pas les rapports futurs entre tous les éléments du problème terrestre. Déduire les circonstances futures des circonstances actuelles est une activité mentale de l'ordre du raisonnement, même si cette déduction se passe dans le subconscient et se traduit dans l'être sous forme d'intuition; et le raisonnement est une faculté humaine, c'est-à-dire individuelle; les inspirations du raisonnement ne viennent pas de l'infini, de l'illimité, du Divin. Ce n'est que dans la Toute-Connaissance, ce n'est que lorsque l'on est à la fois Ce qui connaît, ce qui est à connaître et le pouvoir de connaître, que l'on peut devenir conscient de tous les rapports passés, présents et futurs; mais dans cet état il n'est plus de passé, de présent et de futur, tout est éternellement. L'ordre de manifestation de tous ces rapports ne ?, dépend pas seulement de l'impulsion suprême, de la Loi divine, mais aussi de la résistance opposée à cette loi par le monde le plus extérieur; de la combinaison des deux naît la manifestation et autant qu'il m'est possible de savoir actuellement, cette combinaison est en quelque sorte indéterminée. C'est en cela que consiste le jeu, l'imprévu du jeu ...  

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Le 25 juin 1914

 

Quelle sagesse y a-t-il dans le fait de vouloir être d'une manière ou d'une autre? Pourquoi se tourmenter ainsi? N'es-Tu pas le suprême ouvrier? Notre devoir n'est-il pas d'être Tes instruments dociles, et, lorsque Tu mets l'instrument de côté pendant un temps, se plaindra-t-il que Tu l'abandonnes parce que Tu ne le fais pas agir? Ne saura-t-il pas jouir du calme et du repos après avoir joui de l'activité et de la lutte?

 

Il faut toujours être en éveil, attentif au moindre appel, pour ne point être endormi ou inerte lorsque Tu fais signe d'agir mentalement, sentimentalement ou physiquement,, mais il ne faut point confondre ce constant état d'expectative et de bonne volonté dévouée avec une agitation anxieuse et inquiète, une crainte de n'être point ceci ou cela et de Te déplaire, c'est-à-dire de ne pas être conforme à ce que Tu attends de nous.

 

Ton cœur est l'abri suprême, celui où tout souci s'apaise. Oh laisse-le tout grand ouvert, ce cœur, afin que tous ceux qui sont tourmentés puissent y trouver le souverain refuge ...

 

Transperce cette obscurité, fais jaillir la lumière ;

 

Apaise cette houle, établis la paix ;

 

Calme cette violence, fais régner l'amour;

 

Deviens le guerrier triomphateur des obstacles; remporte la victoire.  

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Le 26 juin 1914

 

Salut à Toi, Seigneur, Maître du monde. Donne-nous le pouvoir de faire l'oeuvre sans y être attachés et de développer les puissances de manifestation individuelle sans vivre dans l'illusion de la personnalité. Fortifie notre vision de la réalité; affermis notre perception de l'unité; délivre-nous de toute ignorance, de toute obscurité.

 

Nous ne demandons pas la perfection de l'instrument, sachant que dans le monde relatif toute perfection est relative : cet instrument, conçu pour agir dans ce monde, doit, pour pouvoir le faire, appartenir à ce monde; mais la conscience qui l'anime doit être identifiée à la Tienne, elle doit être la conscience universelle et éternelle, animant la multitude diverse des corps.

 

ô Seigneur, permets que nous nous élevions au-dessus des formes ordinaires de manifestation, afin que Tu puisses trouver les outils nécessaires à Ta manifestation nouvelle.

 

Ne nous laisse pas perdre de vue le but; permets que nous soyons toujours unis à Ta force, celle que la terre ne connaît pas encore et que Tu nous as donné pour mission de lui révéler.

 

Dans un profond recueillement, tous les états de manifestation se consacrent à Ta manifestation.  

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Le 27 juin 1914

 

Mon être est satisfait avec ce que Tu lui donnes; ce que Tu veux de lui il le fera, sans faiblesse, sans vaine modestie et sans inutile ambition. Qu'importe la place qu'on occupe, qu'importe la mission que Tu confies ... Tout n'est-il pas dans le fait d'être entièrement à Toi, aussi parfaitement qu'on peut l'être, sans aucun souci d'aucune sorte.

 

Dans cette profonde et immuable confiance que Ton œuvre s'accomplira et que Tu as créé et désigné ceux qui doivent l'accomplir, pourquoi tendre une énergie inutile et vouloir ce qui est déjà réalisé? Tu m'as donné, Seigneur, la paix souveraine de cette confiance; Tu m'as accordé l'incomparable bienfait de vivre dans Ton amour, par Ton amour, d'être Ton amour de plus en plus; et dans cet amour est la complète et invariable béatitude.

 

Je ne T'adresse qu'une prière, que je sais exaucée à l'avance : augmente toujours plus le nombre des éléments, atomes ou univers, capables de vivre dans et par Ton amour, intégralement.

 

Paix, paix sur toute la terre ...

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Le 28 juin 1914

 

Toute la nature Te salue, Seigneur, et les bras levés, les mains tendues, elle T'implore. Non pas qu'elle doute de Ton infinie générosité et qu'elle pense qu'il lui faille demander pour obtenir; mais c'est sa manière de Te saluer et de se donner à Toi, car ce don est-il autre chose que d'être prêt à recevoir? Il lui est doux de T'adresser ainsi une prière quoiqu'elle sache que cette prière est superflue. Mais c'est une ardente et heureuse adoration. Et le sentiment de dévotion se satisfait ainsi sans nuire aucunement à la conscience intellectuelle qui Te sait un avec tout et présent en tout.

 

Mais il faut que tous les voiles se dissipent et que la lumière se fasse complète dans tous les cœurs.

 

ô Seigneur, malgré l'oeuvre, en elle, donne- nous ce calme parfait de l'esprit qui permet la divine identification, la connaissance intégrale.

 

Mon amour pour Toi, Seigneur, c'est Toi- même et pourtant mon amour s'incline devant Toi religieusement.  

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Le 29 juin 1914

 

Donne-leur à tous la joie, la paix et le bonheur... S'ils souffrent, illumine leur souffrance et , fais-en un moyen de transfiguration ; accorde-leur la béatitude de Ton amour et la paix de Ton unité ; que leurs cœurs sentent vibrer Ton éternelle Présence. Ils sont tous en moi, Seigneur, je suis en  eux tous, et comme aussi, au lieu d'un "moi", il  n'y a plus que Ton amour souverain, ils sont tous  en Ton amour et seront transfigurés par lui.

 

ô Seigneur, mon doux Maître, inconnaissable splendeur, donne-leur la joie, la paix, la béatitude.  

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Le 30 juin 1914

 

Chaque activité dans son domaine propre accomplissant sa mission spéciale, sans désordre et sans confusion, l'une revêtant l'autre, et toutes étant hiérarchisées autour d'un centre unique : Ta volonté ... Ce qui manque le plus dans les êtres, c'est la clarté et l'ordre, chaque élément, chaque état d'être, au lieu de remplir sa fonction en accord avec tous les autres, veut être un tout en lui-même, parfaitement autonome et indépendant. Là est d'ailleurs l'ignorante erreur de tout l'univers qui est une erreur globale se répétant à des milliards et des milliards d'exemplaires. Mais sous prétexte que ces activités sont séparées et en désordre, vouloir les supprimer pour ne laisser subsister que Ta seule volonté qui, dans sa solitude, n'aurait plus de raison d'être, serait une entreprise aussi absurde qu'irréalisable. Certes, il est plus facile de supprimer que d'organiser; mais l'ordre harmonieux est une réalisation très supérieure à la suppression. Et même si le but final était un retour vers le Non-Être, ce retour ne me paraîtrait possible qu'à travers le plus haut perfectionnement de l'être ...

 

ô mon doux Maître, accorde-leur de sentir Ta tendresse infinie et que, dans le calme repos qu'elle octroie, ils puissent percevoir et réaliser l'ordre suprême de Ta loi.

 

Que Ta volonté qui est tout amour, que Ta paix soient manifestées.  

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Le 1er juillet 1914

 

Nous Te saluons, Seigneur, avec adoration et joie et nous nous donnons à Toi en un don constamment renouvelé, afin que Ta volonté s'accomplisse sur terre et en tous lieux de cet univers.

 

En se tournant vers Toi notre pensée est muette, mais notre cœur exulte, car Tu resplendis en toute chose, et le moindre grain de sable peut être une occasion d'adoration.

 

Nous nous inclinons devant Toi, nous nous unissons à Toi, Seigneur, avec un amour sans limite, plein d'une inexprimable béatitude.

 

Oh donne à tous cette joie souveraine.

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Le 4 juillet 1914

 

ô Force souveraine, Puissance victorieuse, Pureté, Beauté, Amour suprême, permets à l'intégralité de cet être, à la totalité de ce corps de s'approcher solennellement de Toi et de T'offrir dans une complète et modeste soumission, ce moyen de manifestation parfaitement abandonné à Ta volonté, sinon parfaitement mûr pour cette réalisation ...

 

Avec la calme et forte certitude que Tu accompliras un jour le miracle attendu et que Tu manifesteras pleinement Ta sublime splendeur, nous nous tournons vers Toi dans une profonde extase, et silencieusement nous T'implorons ...

 

Immensité, Infinitude, Émerveillement ... Toi seul existes et Tu resplendis en toutes choses. L'heure est proche de Ton accomplissement. La Nature tout entière se recueille solennellement.

 

Tu réponds à son ardent appel!

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Le 5 juillet 1914

 

Tout ce qui est de l'être extérieur, inférieur, encore obscur, se prosterne dans une muette et fervente adoration, appelant de toutes ses forces Ton action purificatrice qui le rendra apte à Te manifester pleinement.

 

Et dans cette adoration se trouve le parfait silence et la parfaite béatitude.

 

Tu réponds miséricordieusement à l'appel : "Ce qui doit se faire se fera. Les instruments nécessaires seront préparés. Fais effort avec le calme de la certitude."

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Le 6 juillet 1914

 

Quelle plénitude dans la perception! Tout l'être individuel, modeste, humble, soumis, adorant, calme et souriant, se sentant un avec tous, ne pouvant faire aucune différence de valeur, parfaitement solidaire du tout, est agenouillé avec ce tout devant Toi; et en même temps, la formidable toute-puissance de Ta Force qui est là, prête pour la manifestation, attendant, construisant l'heure propice, l'occasion favorable : la splendeur incomparable de Ta souveraineté victorieuse.

 

La Force est là. Réjouissez-vous, ô vous qui attendez et espérez : la manifestation nouvelle est certaine; la manifestation nouvelle est proche.

 

La Force est là.

 

Toute la nature exulte et chante d'allégresse, toute la nature est en fête : La Force est là.

 

Levez-vous et vivez; levez-vous et soyez illuminés; levez-vous et combattez pour la transfiguration de tous :

 

La Force est là!

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Le 7 juillet 1914

 

Paix, paix sur toute la terre ...

Non la paix d'un sommeil inconscient ou d'une inertie satisfaite de soi; non la paix d'une ignorance qui se méconnaît et d'une obscure et lourde indifférence; mais la paix de la force toute- puissante, la paix de la communion parfaite, la paix de l'éveil intégral, de la disparition de toute limite et de toute ombre ...

 

Pourquoi se tourmenter et souffrir; pourquoi cette âpre lutte et cette révolte douloureuse; pourquoi cette vaine violence; pourquoi cet inconscient et lourd sommeil? Éveillez-vous sans crainte, apaisez vos conflits, faites taire vos disputes, ouvrez vos yeux et vos cœurs : la Force est là; elle est là divinement pure, lumineuse, puissante; elle est là comme un amour sans limite, comme un pouvoir souverain, comme une réalité sans discussion, comme une paix sans mélange, comme une béatitude sans interruption, comme la Bénédiction Suprême; elle est l'existence en soi, les félicités sans bornes de la connaissance infinie ... et elle est quelque chose de plus qui ne peut encore se dire, mais qui agit déjà dans les mondes supérieurs au-delà de la pensée, comme la puissance de transfiguration souveraine, et aussi dans les profondeurs inconscientes de la matière comme l'Irrésistible Guérisseuse ...

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Écoute, écoute, ô toi qui veux savoir. 

 

Regarde, toi qui veux voir, contemple et vis : 

 

La Force est là!

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Le 8 juillet 1914

 

ô Force divine, suprême Illuminatrice, écoute notre prière, ne T'éloigne pas, ne Te retire pas, aide-nous à combattre le bon combat, affermis notre pouvoir pour la lutte, donne-nous la puissance de la victoire!

 

ô mon doux Maître, Toi que j'adore sans pouvoir Te connaître, Toi que je suis sans pouvoir Te réaliser, toute l'individualité consciente se prosterne devant Toi et supplie, au nom des travailleurs qui luttent et de la terre qui agonise, au nom de l'humanité qui souffre et de la nature qui s'efforce, ô mon doux Maître, merveilleux Inconnaissable, Dispensateur de tous les bien- faits, Toi qui fais jaillir la lumière dans l'obscurité et naître la force dans la faiblesse, seconde nos efforts, guide nos pas, conduis-nous à la victoire.

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Le 10 juillet 1914

 

ô Toi qui es éternellement, immuablement et qui consens à devenir dans ce monde pour lui apporter une Illumination, une Impulsion nouvelle, Tu es là, manifeste-Toi de plus en plus complètement, parfaitement; l'instrument s'est donné et se donne à Toi dans une adhésion enthousiaste, un abandon intégral, Tu peux le réduire en poussière ou le transformer en soleil, il ne résistera à rien qui soit Ta volonté, et dans cette soumission se trouvent sa puissance et sa béatitude véritables.

 

Mais pourquoi ménages-Tu l'animalité du corps? Est-ce parce qu'il est nécessaire de lui donner le temps de s'adapter à la merveilleuse complexité, la puissante infinité de Ta Force? Est-ce Ta volonté qui se fait douce et patiente, ne voulant rien brusquer, laissant aux éléments le loisir de s'adapter? ...Je veux dire : est-ce mieux ainsi ou est-ce impossible autrement? Est-ce incapacité spéciale que Tu tolères avec mansuétude, ou est-ce loi générale qui fait inévitablement partie de tout ce qui est à transformer? ...

 

Peu importe d'ailleurs ce que nous en pensons, puisque cela est, l'attitude seule est d'importance : Faut-il combattre, faut-il accepter? Et l'attitude c'est Toi qui la dictes, c'est Ta Volonté qui la détermine à chaque instant. Pourquoi prévoir et combiner lorsqu'il suffit de constater et d'adhérer pleinement ...

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Le travail dans la constitution des cellules physiques est perceptible : imprégnées d'une quantité considérable de force, elles semblent se dilater et devenir plus légères. Mais le cerveau est encore lourd et endormi ...Je m'unis à ce corps, divin ; Maître, et je crie vers Toi : Ne me ménage pas, agis avec Ta toute-puissance souveraine; en moi Tu as mis la volonté de la totale transfiguration.

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Le 11 juillet 1914

 

Tout l'être physique voudrait être dissous et reconstitué dans une adoration qui n'aurait pas de limites, ô Seigneur, Toi qui viens toucher la matière comme le Messager de la Suprême Puissance et de la Suprême Béatitude, Tu fais naître la conception de ce que peut être la totale réalisation. Et lorsque l'être a cru être définitivement investi de Ton sublime mandat. Tu Te retires, lui faisant comprendre que c'était seulement une promesse, un gage de ce qui pourra être. Hélas, quelle imperfection est celle de cette matière, que nous ne puissions Te retenir ! Ô Seigneur, use de ta toute-puissance, accomplis le miracle de Ta Présence permanente ... Pourquoi tant de ménagements? Il faut triompher ou périr! ...

 

La victoire, la victoire, la victoire! Nous voulons la victoire de la Transfiguration!  

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Le 12 juillet 1914

 

Dans tous les états d'être, dans tous les modes d'activité, dans toutes les choses, dans tous les inondes, on peut Te rencontrer et s'unir à Toi, car Tu es partout et toujours présent. Celui qui T'a rencontré dans une activité de son être ou dans un monde universel, dit : "Je L'ai trouvé" et ne cherche plus rien; il pense être arrivé au sommet des possibilités humaines. Quelle erreur! C'est en tous les états, en tous les modes, en toutes les choses, en tous les mondes, en tous les éléments qu'il faut Te découvrir et s'unir à Toi et si l'on laisse de côté un élément, si petit soit-il, la communion ne peut pas être parfaite, la réalisation ne peut pas être accomplie.

 

Et c'est pourquoi T'avoir trouvé n'est qu'un premier pas dans une échelle infinie ...

 

ô doux Maître, souverain Transfigurateur, fais cesser toute négligence, toute paresseuse indolence, rassemble toutes nos énergies en faisceau, fais-en une volonté indomptable, irrésistible,

 

ô Lumière, Amour, Force inexprimable, tous les atomes crient vers Toi pour que Tu les pénètres et les transfigures ...

 

Donne à tous les délices suprêmes de la communion !  

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Le 13 juillet 1914

 

Patience, force, courage, calme et indomptable énergie ... 

 

Que le mental apprenne à se taire et à ne pas vouloir immédiatement profiter des forces qui nous viennent de Toi pour l'intégrale manifestation ...

 

Mais pourquoi avoir désigné pour l'expression de Ta volonté l'élément le plus pauvre, le plus médiocre, le plus imparfait ? ...

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Le 15 juillet 1914

 

ô Seigneur! Quoi?...

 

Ce que Tu voudras, ce que Tu voudras ...

 

Cet instrument est faible et médiocre; Tu lui as appris que toutes les activités lui étaient possibles, que rien ne lui était foncièrement étranger de toutes les activités humaines; mais c'est dans l'intensité; dans la perfection seules que commence le Divin, et jusqu'à présent Tu ne lui as accordé aucune intensité exceptionnelle, aucune perfection véritable ... Tout est à l'état de promesses non point individuelles, mais collectives et rien n'est complètement réalisé.

 

ô Seigneur! Pourquoi?

 

Tu as placé dans mon cœur cette paix si totale qu'elle semble presque être de l'indifférence et qui dit dans une immensité de calme sérénité:

 

Ce que Tu voudras, ce que Tu voudras ...

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Le 16 juillet 1914

 

Salut de silencieuse et modeste adoration ...

 

Je m'incline devant Ta gloire car elle me domine de toute sa splendeur ...

 

Oh laisse-moi me dissoudre à Tes pieds, me fondre en Toi!  

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Le 17 juillet 1914

 

Facilement les réalisations terrestres prennent une grande importance à nos yeux, car elles sont en proportion avec notre être extérieur, avec cette forme limitée qui fait de nous des hommes. Mais qu'est-ce qu'une réalisation terrestre auprès de Toi, en face de Toi? Si parfaite, si complète, si divine soit-elle, ce n'est jamais qu'un instant indiscernable dans Ton éternité; et les résultats par elle obtenus, si puissants, si merveilleux soient-ils, ne sont jamais qu'un imperceptible atome dans la marche infinie vers Toi. Voilà ce que Tes ouvriers ne doivent jamais oublier, autrement ils deviendraient inaptes à Te servir ...

 

ô mon doux Maître, quel enfantillage de se croire responsable de quoi que ce soit et de vouloir individualiser Ta suprême et divine Volonté. Ne suffit-il pas de s'unir à Ton cœur et d'y vivre de façon permanente? Alors Tu prends toutes les responsabilités, et Ta volonté s'exerce sans même que nous ayons besoin de le savoir ... Seule une réalisation indépendante de toute circonstance extérieure, à l'abri de toute adhésion et de toute compréhension, si haute soit-elle, est une réalisation véritable, une réalisation de prix. Et la seule qui soit ainsi est de s'unir à Toi intégralement, étroitement, définitivement. Quant au soin de Ta manifestation transitoire, momentanée, dans une existence fugitive et sur un monde passager,

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c'est à Toi à en être responsable et à faire le nécessaire pour qu'elle soit si Tu le juges bon.

 

ô mon doux Maître, souverain Seigneur, Tu as pris tout le souci et Tu ne m'as laissé que la Béatitude, la suprême extase de Ta divine Communion.

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Le 18 juillet 1914

 

Deux choses restent inébranlables malgré tous les vents d'orage même les plus violents : la volonté que tous soient heureux du bonheur véritable, le Tien, et l'ardent désir de s'unir parfaitement, de s'identifier à Toi ... Tout le reste est peut-être encore le résultat d'un effort et d'une prétention, cela est spontané et inébranlable; et au moment où il semble que le sol manque et que tout s'effondre, cela apparaît lumineux, pur et calme, perçant tous les nuages, dissipant toutes les ombres, surgissant plus grand et plus fort encore de toutes les ruines et portant en soi Ta Paix et Ta Béatitude infinies.  

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Le 19 juillet 1914

 

ô Seigneur, Tu es le Maître tout-puissant de Ta propre manifestation; permets que ces instruments s'évadent des cadres trop étroits, des limites trop fixes et trop médiocres. Il faut toutes les richesses des possibilités humaines pour traduire un atome de Ta Force infinie ... Ouvre les portes closes, fais jaillir les sources scellées, que les torrents de Ton éloquence et de Ta beauté déferlent sur le monde. De l'ampleur et de la majesté, de la noblesse et de la grâce, du charme et de la grandeur, de la variété et de la puissance : le Seigneur veut se manifester.

 

ô mon doux Maître, Tu es le souverain Directeur de nos destinées, Tu es le Maître tout- puissant de Ta propre manifestation.

 

À Toi tout ce monde, tous ces êtres et tous ces atomes. Transfigure et illumine-les.  

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Le 21 juillet 1914

 

Il n'y avait plus de corps, il n'y avait plus de sensation; seule existait une colonne de lumière montant du lieu où se trouve ordinairement la base du corps jusqu'au lieu où se trouve ordinairement la tête, pour former là un disque de lumière comme celle de la lune; puis de là, la colonne montait toujours jusque très loin au-dessus de la tête pour s'épanouir en un immense soleil éclatant et multicolore, d'où retombait une pluie de lumière dorée qui recouvrait toute la terre.

 

Puis lentement la colonne de lumière est redescendue formant un ovale de lumière vivante, éveillant et mettant en mouvement, chacun d'une façon particulière, selon un mode vibratoire spécial, les centres qui se trouvaient au-dessus de la tête, à la place de la tête, de la gorge, du cœur, au milieu du ventre, à la base des reins, et encore plus bas. À la hauteur des genoux, le courant ascendant et le courant descendant se rejoignirent, et la circulation se fit ainsi d'une façon ininterrompue, enveloppant tout l'être d'un immense ovale de lumière vivante.

 

Puis lentement la conscience est redescendue d'étape en étape, avec un arrêt dans chaque monde, jusqu'à ce que la conscience du corps soit revenue. La reprise de conscience du corps fut, si le souvenir est exact, la neuvième étape. À ce moment encore le corps était tout à fait raide et immobile.  

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Le 22 juillet 1914 

 

Tu es tout amour, Seigneur, et Ton amour resplendit au fond de toutes les pensées et de tous les cœurs. Achève Ton œuvre transfiguratrice : illumine-nous. Ouvre les portes encore closes, élargis l'horizon, établis la puissance, unifie nos êtres et fais-nous participer à Ta divine béatitude afin que nous puissions la faire partager à tous. Laisse-nous vaincre les derniers obstacles, intérieurs et extérieurs, surmonter les ultimes difficultés. Une prière ardente et sincère n'est jamais montée vers Toi en vain ; toujours dans Ta munificence Tu réponds à tous les appels et Ta miséricorde est infinie.

 

ô divin Maître, laisse tomber Ta lumière dans ce chaos et fais-en surgir un nouveau monde. Accomplis ce qui est en préparation et fais naître une humanité nouvelle qui soit l'expression parfaite de Ta nouvelle et sublime Loi.

 

Rien n'arrêtera notre élan; rien ne lassera notre effort; et, reposant sur Toi toutes nos espérances et toutes nos activités, forts de notre complète soumission à Ta Suprême Volonté, nous marcherons à la conquête de Ta manifestation intégrale avec la calme certitude de la victoire sur tout ce qui voudrait s'opposer à elle. 

 

Salut à Toi, Maître du monde, triomphateur de toute obscurité.  

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Le 23 juillet 1914

 

Seigneur, Tu es tout-puissant : deviens le combattant et remporte la victoire. Que Ton amour demeure le souverain Maître de nos coeurs et que Ta Connaissance ne quitte jamais nos pensées ... Ne nous abandonne pas dans l'impuissance et l'obscurité; romps toutes les limites, brise toutes les chaînes, dissipe toutes les illusions.

 

Notre aspiration monte vers Toi comme une ardente prière.  

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Le 25 juillet 1914

 

Au lever du soleil, je chantais les louanges de ce monde où il est possible non seulement de Te désirer, mais aussi de Te connaître et même de Te devenir. Et je m'étonnais que certains aspirent avec tant d'ardeur à quitter cet univers pour entrer dans un autre monde de perfection.

 

Tu as mis tant de satisfaction dans mon cœur qu'il m'est devenu impossible de ne pas être satisfaite en toutes circonstances, intérieures ou extérieures. Et pourtant quelque chose en mon être aspire toujours vers plus de beauté, plus de  lumière, plus de connaissance, plus d'amour, en résumé, à un rapport plus conscient et plus constant avec Toi ... Mais cela aussi dépend de Ta volonté et c'est lorsque Tu le voudras que Tu m'accorderas la totale transfiguration.

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Le 27 juillet 1914

 

Doucement, humblement ma prière monte vers Toi, ô doux Maître qui acceptes sans discussion et sans critique tout ce qui s'offre à Toi, qui Te donnes et Te fais connaître à tous, sans Te demander s'ils en sont dignes, et qui ne trouves aucune chose trop faible, trop petite, trop modeste, trop insuffisante pour Te manifester ...

 

Laisse-moi me coucher à Tes pieds, me fondre en Ton cœur, disparaître en Toi, m'anéantir en Ta béatitude; ou plutôt être uniquement Ton serviteur, sans prétendre à rien d'autre. Je ne désire, je n'aspire à rien d'autre, je veux être uniquement Ton serviteur.

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Le 31 juillet 1914

 

Il me semble que Tu veuilles me faire goûter successivement à toutes les expériences que l'on met en général au sommet d'un Yoga comme son aboutissement et la preuve de son parfait accomplissement. L'expérience est intense, complète, saisissante, portant en elle la connaissance de tous ses effets, de toutes ses conséquences; elle est consciente, voulue, elle provient de l'effort méthodique et non d'un hasard inattendu; et pourtant elle est toujours unique, comme les bornes que l'on met le long du chemin et qui sont séparées l'une de l'autre par un long ruban de route; et en plus, ces bornes qui jalonnent l'ascension infinie ne sont jamais semblables; toujours nouvelles, elles paraissent n'avoir aucun rapport l'une avec l'autre ... Arrivera-t-il un moment où Tu rendras cet être capable de synthétiser toutes ces innombrables expériences pour en tirer une réalisation neuve, plus complète et plus belle que toutes celles accomplies jusqu'à ce jour? Je ne sais. Mais Tu m'as appris à ne pas regretter davantage l'état exceptionnel qui disparaît, que je ne le désire avant qu'il ne soit venu. Je n'y vois plus le signe d'une instabilité dans le progrès accompli, mais la preuve d'une marche qui se poursuit en avant délibérément, sans s'arrêter, plus qu'il n'est indispensable, aux diverses étapes du chemin. 

 

Chaque fois, Tu m'apprends un peu plus que le moyen de manifestation n'est limité que parce que nous le pensons tel,   

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et qu'il peut participer effectivement à Ton infinitude ; chaque fois quelque chose de Ton immensité s'allie à l'instrument qui est sa demeure, ouvrant toutes grandes les portes qui donnent sur les horizons sans bornes.  

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Le 2 août 1914

 

Que sont ces puissants dieux dont l'heure de manifestation sur terre est venue, sinon des modes variés et accomplis de Ton activité infinie, ô Toi Maître de toute chose, Être et Non-Être et Ce qui est au-delà, Merveilleux Inconnaissable, notre Souverain Seigneur ...

 

Que sont ces multiples et brillantes activités intellectuelles, ces innombrables rayons de soleil ; éclairant, concevant et façonnant toutes les formes, sinon un des modes d'être de Ton vouloir infini, un des moyens de Ta manifestation, ô Toi maître de nos destinées, Unique et Impensable Réalité, Souverain Seigneur de tout ce qui est et de tout ce qui n'est pas encore ...

 

Et toutes ces puissances mentales, et toutes ces énergies vitales, et tous ces éléments matériels, que sont-ils sinon Toi-même dans Ta forme la plus extérieure, Tes ultimes modes d'expression, de réalisation, ô Toi que nous adorons religieusement et qui nous échappes de tous côtés tout en nous pénétrant, en nous animant, en nous dirigeant, Toi que nous ne pouvons comprendre, ni définir, ni nommer, Toi que nous ne pouvons saisir, ni embrasser, ni penser, et qui pourtant es réalisé dans le moindre de nos actes ...

 

Et tout cet énorme univers n'est qu'un atome de Ton Vouloir Éternel.

 

Dans l'immensité de Ta Présence effective, tout s'épanouit!  

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Le 3 août 1914

 

Tout l'être est ce matin muette adoration et l'immensité de Ton amour emplit son âme ...

 

La préparation et l'œuvre, l'œuvre et la préparation alternent et s'interpénétrent au point que parfois elles sont difficiles a distinguer ; et leur ensemble constitue Ta vie divine sur terre. Ce qu'il faut être, ce qu'il faut faire : le perfectionnement de Ton instrument et son utilisation vont de pair; tantôt Tu veux qu'il s'enrichisse et s'accroisse, qu'il ouvre toutes ses portes sur les horizons infinis, qu'il s'unisse au dieu qu'il peut manifester, qu'il développe son pouvoir de rapports conscients avec les divers mondes, et tantôt que, perdant pour ainsi dire conscience de lui- même, il ne soit plus que Ta force agissante. Et dans les deux se trouve la loi suprême de la communion avec Ta volonté.

 

Tout l'être est ce matin muette adoration et l'immensité de Ton amour emplit son âme.

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Le 4 août 1914

 

Seigneur; Maître éternel!

 

Les hommes, poussés par le conflit des forces, accomplissent un sublime sacrifice, ils offrent leur vie en sanglant holocauste ...

 

Seigneur, Maître éternel, permets que .cela ne soit pas en vain, que les inépuisables torrents de Ta Force Divine se répandent sur la terre, pénétrant l'atmosphère troublée, .les énergies en lutte, tout le chaos violent des éléments en bataille; et que la pure lumière de Ta Connaissance et l'inépuisable amour de Ta Bénédiction remplissent les cœurs, pénètrent les âmes, illuminent les consciences et fassent jaillir de cette obscurité, de ces sombres, terribles et puissantes ténèbres, la splendeur de Ta majestueuse Présence!

 

Mon être est devant Toi en holocauste intégral afin de rendre efficace leur holocauste inconscient.

 

Accepte cette offrande, réponds à notre appel : Viens!  

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Le 5 août 1914

 

Maître éternel, Tu es en toutes choses comme un souffle vivifiant, comme une douce paix, comme un soleil d'amour lumineux, perçant tous les nuages d'obscurité.

 

Permets que nous soyons Ton souffle vivifiant, Ta douce paix, Ton lumineux amour sur terre, auprès de nos frères humains, ignorants et douloureux.

 

ô divin Maître, accepte l'offrande de mon intégral holocauste afin que Ton œuvre puisse s'accomplir et que les temps ne passent pas en vain!

 

Dans une extase sereine je me donne à Toi, afin que Tu redeviennes le Maître de Ton bien, le possesseur de Toi-même, en chacun des atomes innombrables et dans l'unité de la conscience synthétique.

 

ô divin Maître, accepte l'offrande de cet intégral holocauste afin que le temps ne soit pas venu en vain!

 

Tout l'être est transformé en la flamme ardente d'un sacrifice de pur amour.

 

Redeviens le roi de Ton royaume, affranchis la terre du lourd poids qui l'écrase,

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du poids de son inerte, de son ignorante, de son obscure mauvaise volonté.

 

ô mon doux Maître, mon être brûle de l'ardente flamme du sacrifice d'amour : accepte mon offrande pour que l'obstacle soit surmonté.

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Le 6 août 1914

 

Quels sont donc les défauts et les tares empêchant que l'offrande soit suffisamment complète pour que Tu l'accueilles, pour que l'holocauste Te paraisse digne d'être reçu? ... Des limitations sont encore dans cet être, ne les briseras-Tu pas?

 

ô Seigneur, nous savons que l'heure est grave pour la terre; ceux qui peuvent être Tes intermédiaires auprès d'elle pour faire jaillir du conflit une harmonie plus grande et de l'obscure laideur une beauté plus divine, doivent être prêts pour le faire, ô Seigneur, Maître éternel, nous T'en conjurons, réponds à nos efforts, éclaire-les, montre-nous le chemin, donne-nous la force de briser les résistances intérieures, de surmonter tous les obstacles.

 

ô mon doux Maître, je me prosterne à Tes pieds et tout mon être crie vers Toi, dans une ardente supplication ... Délivre-moi de l'impuissance personnelle!

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Le 8 août 1914

 

La plume est silencieuse ... Ce inonde matériel est si absorbant ! Pourquoi lui laisser tenir tant de place dans notre conscience? Est-ce impuissance de notre part, est-ce Ta Volonté?

 

ô mon doux Maître, je ne voudrais vivre qu'en Toi, mais Tu m'as répondu qu'il fallait vivre pour Toi, et en vivant ainsi pour Toi, la conscience se tourne vers les domaines extérieurs et il semble que l'on s'éloigne de Toi.

 

Je sais que ce n'est point exact; mais il y a encore une résistance dans l'être qui ne veut pas céder, une porte qui reste fermée, une certaine porte d'intelligence lumineuse qu'aucun effort encore n'a pu ouvrir et cela appauvrit terriblement Ta manifestation.

 

Quand décideras-Tu que l'heure est venue pour que tout cela disparaisse?

 

Les forces monstrueuses se sont abattues sur la terre comme un ouragan; elles sont obscures et violentes, puissantes et aveugles. Donne-nous la force, Seigneur, de les illuminer. Il faut que Ta splendeur partout éclate en elles et transfigure leur action; il faut qu'après leur passage dévastateur elles laissent derrière elles une semence divine ...

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ô mon divin Maître, ne repousse pas mon offrande. Rends-moi digne d'être intégralement à Toi dans la plénitude du don et de la manifestation.

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Le 9 août 1914

 

Seigneur, nous sommes devant Toi pour que Ta volonté s'accomplisse. Écarte de notre pensée tous les obstacles, les doutes, toutes les faiblesses, les limitations, tout ce qui voile notre connaissance et obscurcit notre entendement. !

 

J'ai soif de Ta Conscience, j'ai soif d'une union intégrale avec Toi, non dans l'inaction et la fuite ,. hors de l'activité physique, mais dans le complet,  absolu, parfait accomplissement de Ta volonté.

 

Il faut que la splendeur de Ta lumière suprême jaillisse de toutes ces ténèbres qui se sont abattues sur la terre.  

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Le 11 août 1914

 

ô mon doux Maître, entre dans toutes ces pensées en désarroi, dans tous ces coeurs angoissés ; allumes-y le feu de Ta divine Présence. L'ombre de la terre est retombée sur elle, elle en a été ébranlée intégralement; mais cette ombre cachait Ton immuable soleil, et maintenant qu'elle a croulé sur ce pauvre monde, le faisant trembler sur ses bases et le transformant en un formidable chaos, ne planeras-Tu pas une fois de plus sur le chaos en voulant que "La Lumière soit"?

 

Ô Toi merveilleux Inconnu, Toi qui ne T'es pas encore manifesté, Toi qui attends l'heure propice et qui nous as envoyés sur terre pour préparer Tes voies, tous les éléments de cet être crient vers Toi "Que Ta Volonté soit faite" et se donnent à Toi dans un suprême, un invincible élan ...

 

Enveloppe cette terre douloureuse des bras puissants de Ta miséricorde, imprègne-la des effluves bienfaisants de Ton amour infini.

 

Je suis les bras puissants de Ta miséricorde.

 

Je suis la vaste poitrine de Ton amour sans limites ... Les bras ont enveloppé la terre douloureuse et la pressent tendrement sur le cœur généreux; et lentement un baiser de suprême bénédiction est posé sur cet atome en conflit : le baiser de la Mère qui console et guérit ...

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Le 13 août 1914

 

L'être est dresse devant Toi, les bras levés, les paumes ouvertes, dans une ardente aspiration.

 

ô doux Maître, c'est un Amour plus merveilleux et formidable que tous ceux qui se sont manifestés jusqu'à ce jour, dont la terre a besoin; c'est pour cet Amour qu'elle implore ... Qui sera capable et digne d'en être l'intermédiaire auprès d'elle? Qui? peu importe; mais il faut que cela se fasse, ô Seigneur, réponds à mon appel, accepte l'offrande de l'être malgré sa modestie et sa limitation : Viens.

 

Plus, toujours plus; que les flots régénérateurs roulent sur la terre en ondes bienfaisantes. Transfigure et illumine. Accomplis ce miracle suprême tant attendu de rompre les ignorants égoïsmes; éveille Ta flamme sublime en le cœur de chacun. Ne nous laisse pas nous engourdir dans une tranquille sérénité. Nous ne devons avoir aucun repos avant que Ton souverain et nouvel Amour soit manifesté !

 

Écoute notre prière ; réponds à notre appel : Viens !  

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Le 16 août 1914

 

Pendant trois jours j'ai attendu dans une ardente prière, espérant voir les choses nouvelles ... et tous les obstacles ont surgi pour voiler, retarder, déformer Ta manifestation. Et maintenant nous ne semblons pas plus proches du but qu'auparavant.

 

Ô mon doux Maître, pourquoi m'as-Tu dit de quitter la place bénie dans Ton cœur et de retourner à la terre pour tenter une réalisation que tout semble prouver impossible? ... Qu'attends-Tu de moi pour m'avoir arrachée à ma divine et merveilleuse contemplation et pour m'avoir replongée dans cet obscur univers en conflit? Lorsque Ta force descend vers la terre pour se manifester, chacun des grands êtres Asouriques qui ont résolu d'être Tes serviteurs, mais qui ont conservé la caractéristique dominatrice et exclusive de leur nature, veut la tirer à lui seul pour la distribuer aux autres ensuite; il pense toujours devoir être le seul, ou en tout cas le suprême intermédiaire, et que le rapport de tous les autres avec Ta Puissance ne peut et ne doit se faire qu'à travers son intermédiaire. Cette triste mesquinerie est plus ou moins consciente, mais elle est toujours là, retardant indéfiniment les choses. Si, même chez les plus grands, il est impossible dans la manifestation intégrale d'échapper à ces lamentables limitations, pourquoi, Seigneur, m'imposer le calvaire de cette étroitesse? ... Si Tu veux qu'il en soit ainsi, il faut que Tu brises

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le dernier voile et que Ta splendeur, dans toute sa pureté, vienne transfigurer le monde!

 

Accomplis ce miracle ou bien laisse-moi me retirer en Toi.  

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Le 17 août 1914

 

Il faut que toutes les erreurs, tous les préjugés, tous les malentendus s'évanouissent dans ce tourbillon de destruction qui emporte le passé ... Il faut que la lumière devienne parfaitement pure, libre de toute limitation, afin que Tu puisses T'y manifester pleinement. Seigneur, Tu as la puissance, et Tu réaliseras ce miracle suprême ...

 

En cette conscience, Tu as mis la certitude de la victoire!  

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Le 18 août 1914

 

Laisse-moi me tourner vers Toi dans la profonde et silencieuse contemplation; laisse-moi mettre cet être intégral et ses multiples activités à Tes pieds comme une offrande; laisse-moi arrêter tout le jeu de ces forces, unifier toutes ces consciences, afin qu'une seule persiste, celle-là qui est capable d'entendre Ton ordre et de le comprendre; laisse-moi me replonger en Toi comme dans la mer souverainement bienfaisante, celle qui purifie de toutes les ignorances. Il me semble que je suis descendue très bas dans un insondable abîme de doute et d'obscurité, que je suis exilée de Tes splendeurs éternelles; mais je sais que dans cette descente est la possibilité d'une ascension plus haute permettant d'embrasser un plus vaste horizon et de toucher d'un peu plus près à Tes cieux infinis. Ta lumière est là, stable et directrice, brillant sans intermittence dans les profondeurs de l'abîme comme dans les splendeurs lumineuses; et la sereine confiance, la calme indifférence, la tranquille certitude habitent la conscience de façon permanente ... Je suis comme un bateau qui pendant longtemps goûte les joies du port et qui ouvre ses voiles malgré les sombres nuages chargés d'orage et cachant le soleil, pour se lancer dans le grand inconnu vers des rivages ignorés, vers des contrées nouvelles.

 

Je suis à Toi, Seigneur, sans restrictions et sans préférences; que Ta volonté s'accomplisse dans toute sa plénitude rigoureuse; tout mon être y

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adhère avec une joyeuse acceptation et une calme sérénité.

 

Je n'ai plus aucune idée sur l'avenir : c'est Toi qui feras naître la conception nouvelle et plus adéquate à Ta loi.

 

Dans la plus parfaite soumission et la plus entière confiance, j'attends : Ta voix m'indiquant Ta voie.  

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Le 20 août 1914

 

Pour apercevoir le but sous un nouvel angle qui puisse utilement éclairer les autres, il faudrait constamment refaire l'expérience de la découverte intérieure et remonter jusqu'à l'extrême limite de la conscience, sans jamais postuler à l'avance quel sera le terme de son voyage.

 

Mais instinctivement le mental se souvient de l'impression qu'il a reçue d'une ou des précédentes prises de conscience avec le centre ultime et il se dit : "C'est cela qu'on trouve au bout du chemin", sans se rendre compte que le "Cela" qu'il pense est seulement un des innombrables modes de traduire ou même de travestir ce but, et que la conception intellectuelle doit suivre l'expérience et non la précéder.

 

Refaire innocemment la route comme si on ne l'avait encore jamais parcourue, voilà la vraie pureté, la sincérité parfaite, celle qui permet un progrès ininterrompu, un accroissement, un perfectionnement intégral.

 

Malgré moi, dans le silence de toute pensée, c'est-à-dire de toute formule consciente, quelque chose dans mon être, plus profond que les mots, se tourne vers Toi, Seigneur inexprimable, dans une ardente aspiration, Te faisant l'offrande de toutes ces activités, de tous ces éléments, de tous

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ces modes d'être et implorant pour tout cela la suprême illumination.

 

... O Toi que je ne puis penser mais que je connais avec certitude!  

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Le 21 août 1914

 

Seigneur, Seigneur, toute la terre est boule versée; elle gémit et souffre, elle agonise ...  il ne faut pas que toute cette douleur se soit abattue sur elle en vain; permets que tout ce sang versé produise une plus rapide germination de toutes les semences de beauté, de lumière et '! d'amour, qui doivent s'épanouir et couvrir la terre de leur riche moisson. Du fond de cet abîme d'obscurité, l'être intégral terrestre crie vers Toi pour que Tu lui donnes de l'air, de la lumière; il étouffe, ne lui viendras-Tu pas en , aide? 

 

ô Seigneur, que faut-il faire pour triompher? „

 

Écoute-nous, car il faut vaincre à tout prix. Brise toutes les résistances : apparais!  

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Le 24 août 1914

 

Seigneur, c'est avec une reconnaissance émue que je m'approche de Toi. Tu m'as donné les premiers mots de la connaissance tant désirée, et avec cette connaissance est venue réflectivité, la puissance réelle dans chaque domaine de réalisation.

 

Ce n'est qu'un début, ce n'est pas un accomplissement; mais le chemin s'ouvre visible et droit, il n'y a plus qu'à le suivre; le voile .s'est déchiré en réponse à l'effort modeste mais tout- puissant des jours obscurs. Permets, Seigneur, que la route se soit éclairée de même pour tous, et qu'après avoir vu clair en nous-mêmes il n'y ait pas de nouvelles difficultés pour que la connaissance devienne consciente chez les autres. Maigre tout, si grand soit-il, l'être humain est limité, pendant longtemps tout au moins, par le fait qu'il est humain et que, même s'il est en rapport avec l'immensité, cette immensité se traduit dans sa conscience extérieure, sous l'angle de sa personnalité propre. Il lui est très difficile de ne pas avoir en quelque sorte la perspective oblitérée partiellement par son propre point de vue. Mais ces derniers obstacles doivent être surmontés, renversés définitivement, afin qu'ils ne puissent plus surgir à nouveau. Il faut que le chemin soit entièrement libre et que la connaissance entrevue soit fermement établie. Ta grâce est avec nous, Seigneur, et elle ne nous quitte jamais, même quand les apparences sont sombres; la nuit est parfois nécessaire pour préparer des aurores plus complètes.

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Mais peut-être cette fois nous as-Tu mis en présence de l'Aurore qui ne cesse point ! ...

 

Reçois les offrandes de notre ardente reconnaissance et de notre soumission intégrale.

 

J'ai su que ce cahier se terminerait sur la clôture d'une phase de l'existence spirituelle. C'est ce qui se passe en effet.

 

La lumière s'est faite, le chemin s'est ouvert; avec un salut reconnaissant au passé laborieux, nous allons nous élancer sur la voie nouvelle largement ouverte par Toi devant nous.

 

Sur le seuil de ce nouveau champ de réalisation, plus vaste et plus conscient, nous nous inclinons devant Toi, Seigneur, dans une soumission, une adoration intégrales. Nous nous donnons à Toi sans réserve.

 

Une fois de plus c'est Toi qui vis en nous, et Toi seul. Tu es redevenu le Roi de Ton royaume, mais un royaume élargi et complété, un royaume plus digne de Ton Gouvernement!  

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Le 25 août 1914

 

Seigneur, que Ta volonté se fasse, que Ton œuvre s'accomplisse. Fortifie notre dévotion, augmente notre soumission, éclaire-nous sur le chemin. Nous T'érigeons au-dedans de nous comme le Maître suprême afin que Tu deviennes celui de la terre entière.

 

Nos paroles sont encore ignorantes : illumine-les.

 

Notre aspiration est encore imparfaite : purifie-la.

 

Notre action est encore impuissante : rends-la effective.

 

Seigneur, cette terre gémit et souffre; le chaos a fait sa demeure de ce monde.

 

L'ombre est tellement grande que Toi seul peux la dissiper. Viens, manifeste-Toi afin que Ton œuvre s'accomplisse.  

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Le 26 août 1914

 

ô mon doux Maître, Seigneur de Félicité, tous ces mondes de félicité s'interpénétrant et se complétant l'un l'autre, sont une immensité difficile à percevoir dans son ensemble. Donne-nous la connaissance de ces lois et le pouvoir d'éveiller la terre à la compréhension et à la perception de ce but poursuivi si aveuglément ...

 

En toutes choses Tu es le bonheur sans mélange, la bienheureuse félicité ... mais cette félicité n'est parfaite que lorsqu'elle est intégrale depuis les manifestations les plus extérieures jusqu'aux profondeurs les plus insondables.

 

ô Seigneur, Tu m'as placée sur un seuil d'émerveillement, confirme-moi dans cette connaissance. Établis-moi à ce centre de conscience d'où les activités ne seront plus que l'expression sans mélange de Ta loi.

 

Dans une puissante et muette adoration j'attends.

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Le 27 août 1914

 

Être l'amour divin puissant, infini, insondable, j dans toutes les activités et tous les mondes de l'être ... c'est cela que j'implore de Toi, Seigneur; permets que je sois consumée de cet amour divin puissant, infini, insondable dans toutes les activités et tous les mondes de l'être; transforme-moi en ce brasier ardent, afin que l'atmosphère terrestre en soit purifiée.

 

Oh être Ton Amour infiniment ...

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Le 28 août 1914

 

Seigneur, Maître éternel, ma pensée reste muette et impuissante devant Toi, mais mon î cœur T'appelle; éveille tout mon être afin qu'entièrement il puisse être pour Toi l'instrument s nécessaire, le parfait serviteur.

 

Oh être Toi, infiniment, en tout, partout, toujours, l'absolu silence et l'absolu mouvement...

 

N'être plus que l'un contenant le tout, contenu en tout ... libre de toute limite et de tout aveuglement.

 

Triomphateur suprême, triomphe de tous les obstacles.  

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Le 29 août 1914

 

À quoi servirait l'homme s'il n'était pas fait pour jeter un pont entre Ce qui est éternellement, mais qui n'est pas manifesté, et ce qui est manifesté, entre toutes les transcendances, toutes les splendeurs de la vie divine et toute l'obscure et douloureuse ignorance du monde matériel? L'homme est le lien entre Ce qui doit être et ce qui est; il est la passerelle jetée sur l'abîme, il est le grand X en croix, le trait d'union quaternaire. Son domicile véritable, le siège effectif de sa conscience doit être dans le monde intermédiaire au point de jonction des quatre bras de la croix, là où tout l'infini de l'Impensable vient prendre forme précise pour être projeté dans l'innombrable manifestation...

 

Ce centre est un lieu d'amour suprême et de conscience parfaite, de pure et totale connaissance. Établis là. Seigneur, ceux qui peuvent, doivent et veulent Te servir véritablement, afin que Ton œuvre puisse s'accomplir, que le pont soit définitivement établi et qu'inlassablement , Tes forces puissent se répandre dans le monde.

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Le 31 août 1914

 

Dans ce formidable désarroi et cette terrible destruction, on peut voir la grande œuvre de labour nécessaire, préparant la terre pour une semence nouvelle, celle qui se lèvera en épis merveilleux et donnera au monde la splendide moisson de la race nouvelle ... La vision est claire et précise, le chemin de Ta divine loi est si nettement tracé que la paix est revenue s'installer en souveraine dans le cœur des travailleurs : plus de doutes et plus d'hésitations, plus d'angoisses et d'impatiences; c'est la grande ligne toute droite de l'œuvre qui s'accomplit éternellement, envers et contre tout, en dépit de toutes les apparences contraires, malgré tous les illusoires détours. Et ces individualités physiques, minutes insaisissables dans l'infini devenir, savent qu'elles auront fait faire un pas de plus à l'humanité, immanquablement et sans souci pour les résultats inévitables, quels que puissent être les résultats apparents et momentanés. Ils s'unissent à Toi, ô Maître éternel, ils s'unissent à Toi, ô Mère universelle, et dans cette double identification avec Ce qui est au-delà de toute manifestation et Ce qui est toute la manifestation, ils goûtent la joie infinie de la parfaite Certitude ...

 

Paix, paix, paix, dans tout l'univers ...

La guerre n'est qu'une apparence,

Le trouble n'est qu'une illusion :

La paix est là immuablement.

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ô Mère, douce Mère que je suis, Tu es à la fois ce qui détruit et ce qui érige.

 

L'univers entier vit dans Ton sein de sa vie innombrable et Tu vis dans le moindre de ses atomes immensément.

 

Et l'aspiration de Ton infinitude se tourne vers Cela qui n'est point manifesté, afin d'implorer toujours une plus complète et plus parfaite manifestation.

 

Et tout EST, en même temps, dans une triple et clairvoyante, dans une totale Conscience, l'Individuel, l'Universel, l'Infini.  

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Le 1er septembre 1914

 

ô divine Mère, avec quelle ferveur, quel ardent amour, je suis allée vers Toi dans Ta conscience la plus profonde, dans Ton état de sublime amour et de félicité parfaite, et je me suis blottie si étroitement dans Tes bras, T'aimant d'un si intense amour, que je suis devenue Toi définitivement; alors une voix plus profonde encore s'est fait entendre dans le silence de "notre" muette extase et cette voix a dit : "Tourne-toi vers tous ceux qui ont besoin de Ton amour". Et tout l'échelonnement des consciences, des mondes successifs est apparu; les uns étaient splendides et lumineux, ordonnés et clairs; la Connaissance était là resplendissante, l'Expression harmonieuse et vaste, la Volonté puissante et invincible; puis les mondes s'obscurcissaient dans une multiplicité de plus en plus chaotique; l'Énergie devenait violente et le monde matériel obscur et douloureux. Et quand dans notre amour infini "nous" avons perçu intégralement l'horrible souffrance du monde de l'ignorance et de la misère, lorsque "nous" avons vu nos enfants engagés dans un sombre conflit, jetés les uns sur les autres par des énergies dévoyées de leur but réel, "nous" avons voulu ardemment que la lumière du divin amour : soit manifestée, transfiguratrice, au centre de ces éléments affolés ... Alors, pour que la Volonté soit plus puissante encore et plus effective, "nous" nous sommes tournées vers Toi, Suprême

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impensable, et "nous" avons imploré Ton secours. Et des profondeurs insondables, de l'Inconnu, la réponse est venue formidable et sublime; et "nous" avons SU que la terre EST SAUVÉE.  

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Le 4 septembre 1914

 

L'ombre est descendue sur la terre, épaisse, J violente, victorieuse ... Tout est tristesse, épouvante, destruction dans le monde physique, et la , splendeur de Ta lumière d'amour semble obscurcie par un voile de deuil... 

 

ô douce Mère, je me fonds en Toi, dans un  amour immense et dans une supplication intense vers le Seigneur de toute chose pour qu'IL nous montre la route, qu'IL nous trace le chemin de Son œuvre, afin que nous puissions y marcher hardiment.

 

Le temps presse : il faut. Seigneur, que les puissances divines viennent au secours de la terre angoissée. 

 

Ô Mère, douce Mère, Tu serres tous Tes enfants sur Ta vaste poitrine, et Ton amour les enveloppe tous également.

 

Je suis devenue le feu purificateur de Ton amour, ô Seigneur, silencieux Impensable, accepte l'holocauste de ce brasier d'amour afin que Ton règne vienne, que Ta lumière triomphe de l'obscurité et de la mort.

 

Manifeste Ta puissance. De jour en jour, d'heure en heure nous T'implorons : ô Seigneur, manifeste Ta puissance !

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Le 5 septembre 1914

 

"Face au danger!" nf as-Tu dit, "pourquoi vouloir détourner ton regard, ou t'enfuir loin de l'action, hors du combat, dans la contemplation profonde de la Vérité. C'est sa manifestation intégrale qui doit être réalisée; c'est sa victoire sur tous les obstacles d'aveugle ignorance et d'obscure hostilité. Fixe le danger bien en face, et il se dissipera devant la Puissance."

 

ô Seigneur, j'ai compris la faiblesse de cette nature la plus extérieure qui est toujours prête à la soumission matérielle et à l'évasion, comme compensation, dans la suprême indépendance intellectuelle et spirituelle. Mais Tu attends de nous l'action, et l'action ne permet pas une semblable attitude. Il ne suffit pas de triompher dans les mondes intérieurs, il faut triompher jusque dans les mondes les plus matériels. Il ne faut pas fuir la difficulté ou l'obstacle, parce que nous avons le pouvoir de le faire en nous réfugiant dans la conscience où il n'y a plus d'obstacles ... Il faut regarder le danger bien en face, avec la foi en Ta Toute- Puissance, et Ta Toute- Puissance triomphera.

 

Donne-moi intégralement un cœur de combattant, Seigneur, et Ta victoire sera certaine.

 

"Vaincre à tout prix" doit être la devise actuelle. Non pas parce que l'on est attaché à l'oeuvre et à ses résultats, non pas parce que l'on

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a besoin de telle action, non pas parce que l'on est capable de s'évader de toutes les contingences. 

 

Mais parce que Tu nous as ordonné l'action. Mais parce que l'heure est venue de Ton triomphe sur terre. Mais parce que Tu veux  la victoire intégrale.

 

Et dans un amour infini pour le monde ... luttons !  

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Le 6 septembre 1914

 

Plus haut, toujours plus haut! Ne soyons jamais satisfaits de ce qui est accompli, ne nous arrêtons à aucune réalisation, marchons toujours, sans arrêt, énergiquement, vers une manifestation toujours plus complète, vers une conscience toujours plus haute et plus totale ... La victoire d'hier ne doit être que le marchepied de la victoire de demain, et la puissance de la veille, faiblesse à côté de l'effectivité à venir.

 

ô Mère divine, Ta marche est triomphale et ininterrompue. Qui s'unit à Toi, dans l'amour intégral, voyage sans cesse vers des horizons toujours plus vastes, vers une réalisation toujours plus complète, bondissant de cime en cime dans la splendeur de Ta lumière, à la conquête des secrets merveilleux de l'Inconnu et de leur intégrale manifestation.

 

ô divine Victorieuse, toute la terre chante Tes louanges, et toutes les forces T'obéiront,

 

Car le Seigneur a dit : "L'heure est venue",

 

Et tous les obstacles seront surmontés.  

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Le 9 septembre 1914

 

Le monde est divisé en deux forces contraires qui luttent pour la suprématie, et toutes deux sont également opposées à Ta loi, Seigneur; car Tu ne veux ni de la stagnation mortelle, ni de la destruction aveugle. C'est dans une constante, progressive et lumineuse transformation que Tu T'exprimes; et c'est cela qu'il nous faut instaurer sur la terre si nous voulons manifester Ta volonté.

 

Parfois notre impatience voudrait connaître de suite les moyens de cette manifestation. Mais notre impatience est vaine et ne reçoit pas de réponse. Car la connaissance viendra au moment opportun, au moment de l'action.

 

Ainsi c'est avec la pensée au repos et la volonté réalisatrice calme et forte que nous attendons le signe que Tu nous donneras.

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Le 10 septembre 1914

 

Ton amour est comme une marée montante, envahissant tout l'être et déferlant sur toutes choses. Seigneur, Ton amour pénétrera tous les cœurs et fera naître en eux la divine flamme qui ne s'éteint point, la divine beauté qui ne s'altère pas, et, au-dessus de tout contraste et de tout contraire, il établira en tous cette immuable Félicité qui est la suprême bonté.

 

Ta lumière est comme une marée montante, envahissant tout l'être et déferlant sur toutes choses. Seigneur, Ta lumière pénétrera toutes les pensées et fera naître en elles la clarté souveraine qui ne vacille point, la divine clairvoyance qui ne se trompe point, et, au-dessus de tout contraste et de tout contraire, elle établira en tous la splendeur de Ta connaissance qui est la suprême sagesse.

 

Ta force est comme une marée montante, envahissant tout l'être et déferlant sur toutes choses. Seigneur, Ta force pénétrera toute vie et fera naître en elle la puissance effective qui ne défaille point, le divin pouvoir qui est invincible, et, au-dessus de tout contraste et de tout contraire, elle établira en tous Ton énergie maîtresse qui est la suprême volonté.  

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Le 13 septembre 1914

 

Avec ferveur je Te salue, divine Mère, et dans une grande tendresse je m'identifie à Toi. Unie à notre divine Mère, je me tourne vers Toi, Seigneur, et je Te salue dans une muette adoration; dans une ardente aspiration je m'identifie à Toi.

 

Puis tout devient merveilleux Silence, l'Être s'absorbe dans le Non-Être, tout est suspendu, arrêté, immuable ...

 

Comment exprimer l'inexprimable? ...

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Le 14 septembre 1914

 

Il n'y a plus de moi, plus d'individualité, plus de limites personnelles. Il n'y a plus que l'univers immense, notre sublime Mère, brûlant du feu ardent de la purification en Ton honneur, Seigneur, divin Maître, Volonté souveraine, afin que cette Volonté ne rencontre plus d'obstacles dans sa réalisation.

 

C'est un immense cantique de fervent amour et d'exultation qui monte vers Toi, Seigneur, et toute la terre dans une inexprimable extase s'unit à Toi.

 

Que Ton souffle puissant alimente le brasier, afin qu'il devienne de plus en plus vaste et formidable et que toute l'ombre et toutes les résistances aveugles soient absorbées, embrasées, transfigurées en Lumière dans la merveilleuse flamme purificatrice.

 

 Oh la splendeur pacificatrice de Ta purification!  

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Le 16 septembre 1914

 

Écoute la voix qui monte, écoute le chant qui s'élève pour saluer Ton Aurore divine.

 

Que la Loi suprême s'accomplisse; qu'elle soit existence universelle, éternelle, ou réabsorption dans le Non-Être, peu importe. Faut-il choisir entre les deux? Je ne le puis; en ma conscience il n'est plus de préférence et une seule volonté persiste : la Tienne, ô Inexprimable.

 

Et tout l'univers n'est plus qu'un chant de plus en plus vaste et harmonieux s'élevant pour saluer Ton Aurore divine.  

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Le 17 septembre 1914

 

Plus aucune impulsion d'activité ne peut venir du dehors ou d'un monde en particulier. C'est Toi, Seigneur, qui mets tout en mouvement des profondeurs de l'être, c'est Ta volonté qui dirige, Ta force qui agit; et non plus sur le champ limité d'une petite conscience individuelle, mais sur le champ universel d'une conscience qui, dans chaque état d'être s'est unie au tout. Et l'être a, en même temps, la perception consciente de tous les mouvements universels dans leur complexité, et même leur confusion, et la paix silencieuse et parfaite de Ta souveraine immutabilité.  

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Le 20 septembre 1914

 

La plume est muette, car la pensée reste silencieuse, mais le cœur aspire vers Toi, Seigneur, T'unissant à notre divine Mère dans un même amour, une même vénération. Et à travers Toi tout l'être est tendu vers l'Inexprimable et au- delà de l'être, au-delà du silence même, cela s'unit à Cela.

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Le 22 septembre 1914

 

ô Seigneur, Toi qui es au seuil de l'Inconnaissable, je Te salue!

 

N'est-ce point que Tu Te salues Toi-même dans l'Essence Impensable de l'Être, dans ses profondeurs incommensurables, et jusque dans ses réalisations les plus extérieures, car l'Être c'est Toi, quel que soit son mode d'être, et l'Éternel Impensable c'est Toi aussi dans Ton essence. Et cette conscience intégrale Tu l'as faite nôtre, afin que nous soyons Toi, non seulement en fait, mais consciemment et effectivement. Et ainsi tout est interéchange et salutations pleines d'amour et de joyeuse adoration, dans une ardente aspiration de notre Mère vers Toi et une infinie et puissante réponse de Toi vers notre Mère, et enfin de la totalité de Toi-même vers tout ce qui n'est point encore manifesté, vers tout l'Inconnaissable que nous connaîtrons de plus en plus, de mieux en mieux, mais qui demeurera toujours l'Inconnaissable.

 

Dans l'absolu silence tout est, actuellement et éternellement; dans l'universelle manifestation, tout sera dans un perpétuel devenir.

 

En la perfection de la conscience et de la vie intégrale, l'être chante un cantique d'allégresse pour Ce qui, à la fois, est et sera éternellement.

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         Salut à Toi, Maître du monde, n'es-Tu point l'intermédiaire entre ce qui est et ce qui sera, tout en étant à la fois ce qui est et ce qui sera.

 

ô immensité merveilleuse, perceptible et indéfinissable en même temps, dans une illumination intégrale, je Te salue.  

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Le 24 septembre 1914

 

Comme Tu es présente parmi nous, Mère aimée! Il semble que Tu veuilles nous assurer de Ton complet concours, nous montrer que la Volonté qui veut se manifester à travers nous a trouvé des instruments qui peuvent réaliser sa Loi, en la mettant en accord complet avec Tes possibilités actuelles. Et les choses qui paraissaient les plus difficiles, les plus improbables, et peut-être même les plus impossibles, deviennent réalisables intégralement, puisque Ta Présence nous assure que le monde matériel lui-même est préparé pour manifester la forme nouvelle de la Volonté et de la Loi.

 

Et dans la plénitude joyeuse de l'harmonie parfaite je Te salue. Toi, Tes oeuvres et Ton Principe.  

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Le 25 septembre 1914

 

ô divine adorable Mère, avec Ton aide qu'y a-t-il d'impossible? L'heure des réalisations est proche et Tu nous as assuré Ton concours pour accomplir intégralement la suprême Volonté. 

 

Tu nous as accueillis comme les bons intermédiaires entre les Impensables réalités et les relativités physiques, et Ta constante Présence parmi nous est un gage de Ton active collaboration.

 

Le Seigneur a voulu, et Tu réalises;

 

Une Lumière nouvelle poindra sur la terre, Un inonde nouveau naîtra.

 

Et les choses promises seront accomplies.

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Le 28 septembre 1914

 

La plume est muette pour chanter Ta présence, Seigneur, mais Tu es comme un roi qui a pris entièrement possession de son royaume; Tu organises, classifies, développes et accrois chaque province. Tu éveilles les endormies, rends actives celles qui tendaient vers l'inertie, harmonises le tout, et un jour viendra où cette harmonisation étant achevée, la contrée entière, par sa vie même, sera Ton porte-parole et Ta manifestation.

 

Mais en attendant la plume est muette pour chanter Tes louanges!  

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Le 30 septembre 1914

 

Seigneur, Tu as fait tomber les barrières de la pensée et la réalisation est apparue dans toute son ampleur. N'oublier aucun de ses points de vue, mener leur accomplissement de front, sans ;en  négliger aucun, ne permettre à aucune limitation, à aucune restriction d'intervenir sur la route, de retarder notre marche, voilà ce que Tu nous aideras à faire dans Ta suprême intervention. Et tous ceux qui sont Toi-même, Te manifestant dans la perfection de quelque spéciale activité, seront aussi nos collaborateurs, puisque telle est Ta Volonté, 

 

Notre Mère Divine est avec nous et nous a promis l'identification avec la conscience suprême et totale; depuis les profondeurs insondables jusqu'au monde sensoriel le plus extérieur. Et dans tous ces domaines Agni nous assure le  concours de sa flamme purificatrice, détruisant les obstacles, embrasant les énergies, stimulant les volontés, afin que la réalisation soit hâtée. Indra est avec nous pour la perfection de l'illumination dans la connaissance; et le divin Soma nous a transformés en son infini, souverain, merveilleux amour, producteur des suprêmes béatitudes ...

 

ô divine et douce Mère, je Te salue avec une tendresse ineffable et recueillie, avec une confiance sans limite.  

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ô splendide Agni, Toi qui es si vivant en moi, je T'appelle, je T'invoque pour que Tu sois plus vivant encore, pour que Ton brasier se fasse plus immense, Tes flammes plus puissantes et plus hautes, pour que tout l'être ne soit plus qu'ardente combustion, bûcher purificateur.

 

ô Indra, je Te vénère et T'admire, je T'implore pour que Tu T'unisses à moi, que Tu fasses définitivement tomber toutes les barrières de la pensée, que Tu m'octroies la divine connaissance.

 

ô Toi, sublime Amour, à qui je n'avais jamais donné d'autre nom, mais qui es si complètement l'essence de mon être, Toi que je sens vibrer et vivre dans le moindre de mes atomes comme dans l'univers infini et au-delà, Toi qui T'exhales par tous les souffles. Te trouves au centre de toutes les activités, rayonnes à travers toutes les bonnes volontés, Te caches derrière toutes les souffrances, Toi pour qui j'ai un culte sans limite qui va toujours en s'intensifiant, permets que, de plus  en plus légitimement, je puisse me sentir Toi-même intégralement.

 

Et Toi, Seigneur, qui es tout cela réuni et bien plus encore, Toi souverain Maître, extrême limite de notre pensée, qui Te tiens pour nous au seuil de l'Inconnu, fais surgir de cet Impensable quelque splendeur nouvelle, quelque possibilité de réalisation plus haute et plus intégrale, afin que Ton œuvre s'accomplisse et que

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l'univers fasse un pas de plus vers la sublime identification, la suprême manifestation.

 

Et maintenant ma plume se fait muette et je T'adore en silence.  

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Le 5 octobre 1914

 

Dans 'le calme silence de Ta contemplation, divin Maître, la Nature se retrempe et se fortifie. Dépassant tout principe d'individualité, elle se plonge dans Ton infinitude qui permet la réalisation de l'Unité dans tous les domaines, sans désordre et sans confusion. L'harmonieuse combinaison de ce qui conserve, de ce qui progresse et de ce qui est éternellement, se fait petit à petit dans un équilibre toujours plus complexe, plus étendu et plus élevé. Et l'interéchange des trois modes de vie permet la plénitude de Ta manifestation.

 

Beaucoup Te cherchent à cette heure avec angoisse et incertitude. Puisse-je être leur intermédiaire auprès de Toi afin que Ta lumière les illumine et que Ta paix les apaise ...

 

L'être n'est plus qu'un point d'appui pour Ton action, un centre pour Ta conscience.

 

Que sont devenus les limites et les obstacles? Tu es le souverain Seigneur de Ton royaume!  

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Le 6 octobre 1914

 

ô douce Mère, il faut m'apprendre à être Toi intégralement et constamment, tout entière consacrée à donner un moyen d'expression de plus en plus parfait à Cela qui veut se manifester ...

 

Tout est calme et serein, plus de luttes, plus d'angoisses, l'aspiration elle-même se fait souverainement paisible dans son immensité, sans rien , perdre pourtant de son intensité ; et par une  curieuse opposition dans la conscience, comme l'envers et l'endroit d'une médaille, l'être perçoit en même temps l'immuable sérénité de l'infinie Réalité où tout est éternellement sans  changement possible, et la marche ardente et rapide de tout ce qui devient sans cesse dans un progrès ininterrompu ... Et les deux sont également vraies pour Toi, Seigneur.  

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Le 7 octobre 1914

 

Oh que la lumière se répande sur la terre et que la paix habite tous les cœurs ! ... Presque tous ne connaissent que la vie matérielle, lourde, inerte, conservatrice, obscure; et leurs forces vitales sont tellement attachées à cette forme physique d'existence, que livrées à elles-mêmes et hors du corps, elles sont encore uniquement occupées des contingences matérielles si douloureuses et harassantes pourtant ... Ceux en qui s'est éveillée la vie mentale sont inquiets, tourmentés, agités, arbitraires, despotiques; et pris tout entiers dans le tourbillon des transformations et des renouvellements qu'ils rêvent, ils sont prêts à tout détruire sans savoir sur quoi s'appuyer pour construire, et ainsi, avec leur lumière faite d'éclairs aveuglants, ils augmentent encore la confusion, au lieu de la faire cesser.

 

À tous il manque la paix invariable de Ta souveraine contemplation, la calme vision de Ton éternité immuable.

 

Et avec l'infinie gratitude de l'être individuel à qui Tu as octroyé cette grâce insigne, je T'implore, Seigneur, pour qu'à la faveur de la tourmente actuelle, au sein de cette extrême confusion, le miracle s'accomplisse, et que Ta loi de suprême Sérénité et d'invariable et pure Lumière devienne perceptible pour tous et

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gouverne la terre dans l'humanité enfin éveillée à Ta conscience.

 

ô doux Maître, Tu as entendu la prière et Tu répondras à l'appel.  

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Le 8 octobre 1914

 

La joie contenue dans l'activité est compensée et équilibrée par la joie plus grande peut-être encore contenue dans le retrait de toute activité; quand les deux états alternent dans l'être ou même qu'ils sont simultanément conscients, alors la félicité est complète, car Ta plénitude, Seigneur, est réalisée.

 

ô divin Maître, Tu m'as accordé l'infinitude des divines contemplations, la sérénité parfaite de Ton Éternité, et par l'identification avec notre divine Mère, la Toute-Réalisatrice, Tu as permis que je participe à son souverain pouvoir d'être consciente et d'agir ...

 

Dans la toute-puissante félicité de Ton infinitude, je Te salue!  

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Le 10 octobre 1914

 

Que l'offrande de l'être se fasse constamment renouvelée et de plus en plus intégrale à la Suprême Réalité, Impensable, Informulable, mais qui, dans le temps, s'exprime éternellement dans une manifestation de plus en plus complète et parfaite. Ô Toi que je ne puis nommer et dont je perçois la volonté dans le suprême silence et la totale soumission, laisse-moi être le représentant de toute la terre, pour qu'unie à ma conscience, elle se donne à Toi sans réserve.

 

Tu es la paix parfaite et le merveilleux accomplissement; Tu es tout ce que l'univers est, immuablement, hors du temps, et veut être de plus en plus dans la conscience temporelle et spatiale. Tu es tout ce qui est dans l'infinie immobilité et le divin espoir de tout ce qui veut J être ... Seigneur, dispense au monde Tes in croyables bienfaits. 

 

Paix, paix sur toute la terre 

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Le 11 octobre 1914

 

Pourquoi cette impression persistante qui tient de la gêne et de l'attente? L'être entièrement tourné vers Toi, vit dans la béatitude de la divine communion; tout est calme, serein, fort, souverainement paisible; tout est lumière dans les horizons élargis, et, dans la silencieuse contemplation, la dévotion s'est faite plus intense encore. Qu'est-ce donc que cette sensation qui est comme greffée sur l'être et qui prend l'allure d'un avertissement fait à une conscience insuffisamment éveillée dans le domaine matériel?

 

Je le demande, Seigneur, et pourtant je sais que s'il est nécessaire que j'en connaisse la raison. Tu me l'as déjà dite et seule mon incapacité me prive de le savoir; ou bien il n'est pas utile ni même favorable que je sache, et dans ce cas rien ne répondra à ma question ...

 

Mais la paix se fait plus souveraine encore, et c'est dans une harmonie infinie que l'être prend sa suprême amplitude.

 

ô Seigneur, avec quelle ferveur, je Te salue!  

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Le 12 octobre 1914

 

C'est leur peine et leur souffrance que l'être physique éprouvait, Seigneur. Quand se dissoudra l'ignorance? Quand cessera la douleur? Ô Seigneur, permets que chaque élément de l'univers devienne conscient de son principe, et, sans disparaître, se transforme; que les voiles d'aveuglement égoïste qui Te cachent soient écartés, et que Tu paraisses resplendissant dans la manifestation totale. Tout cela est éternellement dans Ton silence absolu; mais c'est par la progression infinie que cela se manifeste dans la conscience intégrale.  

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Le 14 octobre 1914

 

Ô Divine Mère, Tu es avec nous; tous les jours Tu m'en donnes l'assurance, et étroitement unies dans une identification qui se fait de plus en plus intégrale et constante, "nous" nous tournons vers le Seigneur de l'univers et Cela qui est au-delà, dans une grande aspiration vers les lumières nouvelles. Toute la terre est dans nos bras comme un enfant malade qu'il faut guérir et pour lequel on a, à cause même de sa faiblesse, une tendresse toute spéciale. Et bercées sur l'immensité des devenirs éternels, étant ces devenirs mêmes, nous contemplons silencieusement et joyeusement l'éternité du Silence immuable où tout est réalisé dans la Conscience parfaite et l'Existence inchangeable, porte merveilleuse de tout l'inconnu qui est par-delà ...

 

Alors le voile se déchire, la Gloire inexprimable se découvre, et tout imprégnées de la Splendeur indicible nous nous retournons vers le monde pour lui apporter la Bonne Nouvelle.  

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Seigneur, Tu m'as donné le bonheur infini ... Quel être, quelle circonstance peut avoir le pouvoir de me le retirer?  

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Le 16 octobre 1914

 

Tu veux que je sois comme un canal toujours ouvert, toujours plus large, pour que Tes forces puissent se déverser en abondance dans le monde ... Ô Seigneur, que Ta volonté soit faite ! Ne suis-je point Ta Volonté et Ta Conscience dans une suprême félicité.

 

Et l'être s'agrandit incommensurablement pour devenir vaste comme l'univers.  

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Le 17 octobre 1914

 

ô Mère divine, les obstacles seront surmontés, les ennemis seront apaisés; Tu domineras toute la terre de Ton amour souverain, et les consciences seront illuminées de Ta sérénité.

 

Telle est la promesse.

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Le 23 octobre 1914 .

 

ô Seigneur, l'être intégral est prêt et T'appelle, pour que Tu prennes possession de Ton bien; à quoi sert l'instrument si le Maître ne veut pas l'utiliser? Et quel que soit le mode de manifestation ce sera bien, depuis le plus modeste, le plus obscur, le plus matériel, le plus limité extérieurement, jusqu'au plus vaste, au plus brillant, au î plus puissant, au plus intellectuel.

 

L'être intégral est prêt et attend, dans un passif silence, que Tu veuilles Te manifester.

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Le 25 octobre 1914

 

Mon aspiration vers Toi, Seigneur, a pris la forme d'une belle rosé, harmonieuse, bien épanouie et parfumée. Je Te la tends de mes deux bras dans un geste d'offrande et Te demande : Si ma compréhension est limitée, élargis-la; si ma connaissance est obscure, éclaire-la; si mon cœur est sans ardeur, embrase-le; si mon amour est médiocre, intensifie-le; si ma sensation est ignorante et égoïste, donne-lui la pleine conscience dans la Vérité; et le "je" qui Te demande ainsi, Seigneur, n'est pas une petite personne perdue dans des milliers d'autres, c'est la terre entière qui aspire vers Toi dans un élan plein de ferveur.

 

Et dans le silence parfait de la contemplation, tout s'élargit jusqu'à l'infini; et dans la paix parfaite du silence, Tu parais dans la gloire resplendissante de Ta lumière.

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Le 3 novembre 1914

 

Depuis bien longtemps, Seigneur, la plume s'était faite silencieuse ... Pourtant Tu m'as donné des heures d'inoubliable illumination, des heures où l'union s'était faite parfaite entre la Conscience la plus divine et la plus matérielle, des heures où l'identification de l'être individuel avec la Mère universelle et de la Mère universelle avec Toi était si complète que la conscience individuelle percevait simultanément son existence propre, la vie de l'univers intégral et Ton éternité hors de tout changement. La béatitude était à son comble dans une paix ineffable et infinie, la conscience lumineuse et incommensurable, complexe et pourtant unique, l'existence toute-puissante, souveraine de la mort. Et cela n'est plus un état fugitif, atteint après une longue concentration, évanoui aussitôt que né; c'est un état qui peut durer de longues heures pleines d'éternité, instantanées et interminables en même temps, un état qui se produit à volonté, c'est-à-dire qui est permanent, et avec lequel la conscience la plus extérieure prend contact dès qu'une circonstance le lui permet, dès qu'elle n'est plus occupée à une besogne intellectuelle ou matérielle déterminée. Dans tout travail, constamment, il y a la perception de Ton in- variable présence sous Ta double forme de Non-Être et d'Être, mais c'est comme derrière un léger voile que tisse la concentration indispensable sur le travail accompli; tandis qu'aux heures de solitude, l'être se trouve immédiatement enveloppé d'une atmosphère merveilleusement puissante, limpide, calme, divine; il s'immerge en elle,   

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et alors la vie splendide reprend avec toute son amplitude, toute sa complexité, toute sa sublimité; le corps physique est glorifié, souple, vigoureux, énergique; la mentalité est superbement active dans sa calme lucidité, dirigeant et transmettant les forces de Ta divine Volonté; et tout l'être exulte dans une béatitude sans limite, un amour sans bornes, une puissance souveraine, une connaissance parfaite, une conscience infinie... C'est Toi-même et Toi seul qui vis, jusque dans le moindre atome de la substance corporelle elle-même.

 

Ainsi les fondements solides de Ton œuvre terrestre se préparent, les soubassements de l'immense édifice se construisent; dans tous les coins du monde une de Tes divines pierres est posée par la puissance de la pensée consciente et formatrice; et à l'heure des réalisations, la terre ainsi préparée sera prête à recevoir le temple sublime de Ta nouvelle et plus complète manifestation.

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Le 8 novembre 1914

 

Pour la plénitude de la Lumière, nous T'invoquons, Seigneur, fais que s'éveille en nous le pouvoir d'expression ...

 

Tout est muet dans l'être comme en une crypte déserte; mais au sein du silence et de l'ombre, brûle la lampe qui ne s'éteint point, le feu de l'ardente aspiration : Te connaître et Te vivre intégralement.

 

Les nuits suivent les jours, les aurores se succèdent inlassablement, mais toujours monte la flamme parfumée qu'aucun vent d'orage ne peut faire vaciller. Elle monte de plus en plus; un jour elle atteint la voûte close encore, le dernier obstacle s'opposant à l'union. Et la flamme est si pure, si droite et si fière que l'obstacle se dissout soudain ...

 

Alors Tu apparais dans toute Ta splendeur, dans l'éblouissement de Ta gloire infinie; la flamme à Ton contact se change en colonne de lumière faisant s'évanouir les ombres à jamais.

 

Et le Verbe jaillit, révélateur suprême!

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Le 9 novembre 1914

 

Seigneur, nous aspirons à la conscience parfaite ...

 

Tout l'être se rassemble comme une gerbe bien liée, faite de fleurs diverses, mais toutes harmonisées. La volonté fut la main qui rassembla les fleurs et le lien qui lia la gerbe et maintenant c'est elle qui Te la tend en guise d'offrande embaumée. Elle est tendue vers Toi inlassablement, sans une défaillance.  

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Le 10 novembre 1914

 

Seigneur, Ta Présence est affermie en moi comme un roc inébranlable et tout l'être exulte de T'appartenir sans la moindre réserve, dans une soumission générale et complète.

 

ô Conscience immobile et sereine, Tu veilles aux confins du monde comme un sphinx d'éternité. Et pourtant à certains Tu livres Ton secret.

 

Ils peuvent devenir Ton vouloir souverain, qui choisit sans préférer, exécute sans désirer.  

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Le 15 novembre 1914

 

La seule chose importante est le but à atteindre; le chemin importe peu, et souvent il est préférable de ne pas le connaître à l'avance. Mais ce qu'il faut savoir, c'est si vraiment le moment de l'action divine sur terre est venu, et si l'œuvre conçue dans les profondeurs pourra se réaliser.

 

De cela. Seigneur, Tu nous as donné l'assurance, une assurance qui a été accompagnée de la plus puissante promesse que la Nature, la Conscience universelle, puisse faire ... Ainsi nous avons la certitude que ce qui doit être fait se fera et que nos individualités actuelles sont en réalité appelées à collaborer à cette glorieuse victoire, à cette manifestation nouvelle. Que nous faut-il savoir de plus? Rien. N'est-ce point avec la plus grande confiance que nous pouvons assister au combat formidable, à la ruée des forces adverses, qui, sans le savoir, servent en définitive à la réalisation de Ton plan. Nous aurions tort de nous inquiéter parce qu'il ne nous est pas donné de savoir comment cela sert Ton plan, et par quel moyen Tu triompheras de toutes les résistances; car Ton triomphe est si parfait que chaque obstacle, chaque mauvais vouloir, chaque haine dressée contre Toi est une promesse de victoire plus vaste, plus complète encore.

 

À la somme des résistances, on peut mesurer l'étendue que Tu veux donner à l'action de ce qui, de Tes forces pures, vient se manifester sur terre.   

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Ce qui s'oppose est justement ce sur quoi ces forces ont mission d'agir; c'est la plus sombre haine qui doit être touchée et transformée en paix lumineuse.

 

Si l'individualité humaine que Tu as choisie comme Ton centre d'action et Ton intermédiaire rencontre peu d'obstacles, peu d'incompréhensions et peu de haines, c'est que Tu lui as confié une mission limitée et peu intense. C'est dans le cercle étroit des bonnes volontés déjà préparées qu'elle agira et non sur la masse de la substance terrestre chaotique et confuse.

 

ô divin Maître, cette connaissance que Tu m'as donnée, fais-la partager à nous tous, afin que la paix de la conviction règne dans nos coeurs ; et que nous puissions dans le calme de Ta souveraine certitude, faire face le front haut à tout ce qui, attiré inconsciemment vers la transfiguration, se précipite dans une aveugle ignorance, croyant pouvoir détruire l'Amour Transfigurateur.

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Le 16 novembre 1914

 

Tu es comme le vent sur la mer, repoussant la barque au rivage tant qu'elle n'est pas chargée de tous les biens nécessaires pour faire la longue traversée. Tu ne veux point qu'on s'embarque I à la légère : Tes serviteurs doivent être prêts à toute éventualité, doivent être capables de ï répondre à toutes les demandes, de satisfaire à tous les besoins.  

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Le 17 novembre 1914

 

Hélas, sublime Mère, quelle doit être Ta patience! Chaque fois que Ta volonté consciente tente de se manifester pour redresser les erreurs, hâter la marche incertaine de l'individu égaré par sa propre illusion de connaissance, tracer la voie sûre et lui fournir la force d'y marcher sans broncher, presque toujours il Te repousse comme une fastidieuse et inclairvoyante conseillère. Il veut bien T'aimer théoriquement d'un amour vague et inconsistant, mais son mental orgueilleux Te refuse sa confiance et préfère errer tout seul que d'avancer guidé par Toi!

 

Et Tu réponds, toujours souriante dans Ton inlassable bienveillance : "Cette faculté intellectuelle, qui rend l'homme orgueilleux et l'induit en erreur, est celle-là même qui peut aussi, une fois éclairée et purifiée, le mener plus loin, plus haut que la nature universelle, à la communion directe et consciente avec notre Seigneur à tous, Ce qui est au-delà de toute manifestation. Cette intelligence divisante qui lui permet de se séparer de moi, lui permet aussi d'escalader rapidement les hauteurs à gravir, sans que sa marche soit enchaînée et retardée par la totalité de l'univers, qui, dans son immensité et sa complexité, ne peut réaliser une si prompte ascension."

 

ô Divine Mère, toujours Ta parole réconforte et bénit, apaise et illumine, et Ta main généreuse  

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relève un pan du voile cachant la connaissance infinie.

 

Comme elle est calme, noble et pure, la splendeur de Ta contemplation parfaite.  

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Le 20 novembre 1914

 

Oh je voudrais. Seigneur, être devant Toi toujours comme une page toute blanche, afin que Ta volonté, s'inscrive en moi sans difficulté et sans mélange.

 

Le souvenir même des expériences passées doit être parfois balayé de la pensée afin de ne pas entraver ce travail de perpétuelle reconstruction, qui, seul dans le monde relatif, permet Ta parfaite manifestation.

 

Souvent on se cramponne à ce qui fut, craignant de perdre le résultat d'une précieuse expérience, d'abandonner une vaste et haute conscience, de retomber dans un état inférieur.

 

Pourtant que peut-il craindre celui qui est à Toi? Et ne peut-il pas marcher l'âme épanouie, le front illuminé, sur le chemin que Tu lui traces, quel qu'il soit, même si ce chemin est tout à fait incompréhensible pour sa raison limitée.

ô Seigneur, brise les vieux cadres de pensée, abolis les expériences passées, dissous la synthèse consciente si Tu le juges nécessaire, pour que s'accomplisse de mieux en mieux Ton œuvre, pour que se perfectionne Ton service sur terre.  

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Le 21 novembre 1914

 

Seigneur, Tu m'as donné Ta Puissance, pour que Ta Paix et Ta Joie règnent sur le monde.

 

Et cet être n'est plus qu'un embrassement de paix enveloppant toute la terre, un océan de joie déferlant sur toute chose.

 

Ô toi qui es plein de haine, la rancune sera effacée de ton cœur, comme la mer efface l'empreinte sur le sable.

 

Ô vous qui vous nourrissez de vengeance,, la paix entrera dans vos cœurs, comme elle entre ' dans l'âme de l'enfant que berce sa mère.

 

Car la divine Mère universelle a tourné son regard vers la terre et l'a bénie.  

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Le 4 décembre 1914

 

Après de longs jours de silence, entièrement occupés par le travail extérieur, il m'est enfin donné de reprendre ces pages et de continuer avec Toi, Seigneur, cette conversation qui m'est si douce ...

 

Mais Tu as rompu toutes mes habitudes, parce que Tu veux me préparer à la libération de toute forme mentale. Certaines formes mentales plus particulièrement puissantes ou adaptées au tempérament sont des guides sûrs vers les expériences souveraines. Mais une fois les expériences faites, Tu veux qu'elles soient en elles-mêmes libres de l'esclavage d'aucune forme mentale, si haute ou si pure soit-elle, afin de pouvoir s'exprimer dans la forme nouvelle la plus vraie, c'est-à-dire la plus conforme à l'expérience.

Alors Tu as brisé toutes mes formes de pensée, et je me suis trouvée devant Toi dépourvue de toute construction mentale, aussi ignorante sur ce point que l'enfant qui vient de naître; et dans l'obscurité de ce néant s'est encore trouvée la paix souveraine de quelque chose qui ne s'exprime plus en mots, mais qui EST. Et j'attends sans impatience et sans crainte que Tu reconstruises Toi-même, du sein des profondeurs insondables, la forme intellectuelle qui Te paraîtra la plus conforme à Te manifester dans cet instrument pétri de soumission et d'ardente foi.  

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Et devant cette immense nuit pleine de promesse, je me sens, plus que je ne me suis jamais sentie, libre et vaste, infiniment ...

 

Et dans une suprême béatitude je Te rends grâces, Seigneur, pour la merveilleuse faveur que Tu m'as accordée : celle d'être devant Toi comme un enfant qui vient de naître !  

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Le 10 décembre 1914

 

Écoute, Seigneur, ... dans le silence du profond recueillement ma prière monte, ardente, vers Toi.

N'est-ce point une grande folie de s'identifier à une forme de pensée, à une construction mentale, si vaste et puissante qu'elle soit, au point d'en faire le centre vital de son être, de son expérience et de son activité? La vérité est éternellement en dehors de tout ce que nous pouvons en penser ou en dire. S'efforcer de trouver l'expression la plus conforme, la mieux adaptée à cette vérité, est certes une œuvre utile, indispensable même pour l'intégralité de son propre développement et de celui de l'humanité entière; mais il faut toujours se sentir libre vis-à-vis de cette expression, avoir son centre de conscience au-dessus d'elle, dans la réalité qui, malgré la grandeur, la beauté, la perfection d'une formule mentale, échappera toujours à toute formule. Le monde n'est pas selon ce que nous en pensons. L'importance de l'idée que nous nous en faisons, réside dans la conséquence qu'elle a pour notre attitude vis-à-vis de l'action; et cette attitude peut dépendre d'une inspiration beaucoup plus profonde, plus vraie, plus immuable, que celle qui provient d'une construction mentale, si puissante soit-elle. Sentir en soi la volonté de traduire pour les hommes la Vérité éternelle en une forme plus complète, plus haute et plus juste que toutes celles qui l'ont précédée, est bien; mais à condition de ne pas  

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identifier son "moi" à cette œuvre au point d'être son esclave et de perdre vis-à-vis d'elle toute indépendance et tout contrôle de soi. C'est une activité et rien de plus, quelle que puisse être son importance au point de vue terrestre; mais il ne faut pas oublier qu'elle est relative comme toutes les activités et que nous ne devons pas la laisser troubler notre paix profonde et ce calme immuable qui, seul, permet aux forces divines de se manifester à travers nous sans déformation.

 

ô Seigneur, ma prière ne se formule pas, mais Tu l'entends.  

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Le 12 décembre 1914

 

Il faut à chaque instant savoir tout perdre pour tout gagner; se dépouiller du passé comme d'un corps mort pour renaître à une plénitude plus grande ... C'est ainsi que s'exprime la constante aspiration de l'être intérieur qui, tourné vers Toi, veut Te réfléchir comme dans un miroir de plus en plus pur; et Ton immuable Béatitude se traduit en lui par une force propulsive de progrès d'une intensité incomparable; et cette force se transforme dans l'être le plus extérieur en une volonté calme et assurée qu'aucun obstacle ne saurait vaincre.

 

ô divin Maître, avec quel ardent amour je suis Ton serviteur! Avec quelle pure, immobile, infinie joie je suis Toi-même en tout ce qui est au-delà de toute existence en forme.

 

Et lés deux consciences s'unissent dans une plénitude sans égale.  

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Le 15 décembre 1914

 

Seigneur, Tu m'as donné la paix dans la force, la sérénité dans l'action et le bonheur immuable au sein de toutes les circonstances.

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Le 22 décembre 1914

 

C'est pour la Vérité, Seigneur, que je T'implore.

 

Remets en activité ce mental qui s'est fait muet pour T'être soumis, donne-lui la connaissance de Ta volonté.

 

Il fut accueillant et permit à tous les possibles de prendre forme en lui ; alors pour faire cesser le conflit de leurs tendances contraires, il a refusé la porte à ces visiteurs importuns en disant : "Je n'ai pas besoin de vivre de façon active, de savoir quelle est Ta volonté, Seigneur, pourvu que je laisse passer sans le déformer, le rayon de Ta lumière éternelle." Ainsi fut fait et la volonté devint soumise, droite, précise et forte. Mais maintenant Tu veux que le mental sache, et Tu lui as dit : "Éveille-toi et prends conscience de la Vérité." Alors le mental a répondu avec joie, et maintenant il se tourne vers le soleil resplendissant de la souveraine Vérité en l'appelant à lui pour le manifester.

 

Tu veux, l'une après l'autre, faire tomber toutes les barrières, et que l'être prenne l'amplitude intégrale de toutes ses possibilités de manifestation.

 

Que tous les désirs terrestres s'assemblent en moi, Seigneur, afin que Tu puisses les considérer, et que Ta volonté puisse s'appliquer de façon

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précise, nette, définitive, dans le moindre détail comme dans l'ensemble.

 

Ainsi la venue des jours attendus sera hâtée ...

 

Tout l'être exulte d'une joie intense et d'une I plénitude sans égale.  

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